Intervention de Olivier Dussopt

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 avril 2021 à 18h50
Programme de stabilité — Audition de M. Olivier duSsopt ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des comptes publics

Olivier Dussopt, ministre délégué :

Notre objectif est que les échéances soient respectées. Nous espérons que le processus d'adoption du plan de relance européen se poursuivra rapidement : la France a été le premier pays à l'adopter ; d'autres parlements doivent se prononcer prochainement ; et nous espérons que les blocages rencontrés dans certains pays, comme l'Allemagne, seront vite levés.

En ce qui concerne les indicateurs budgétaires européens, il semble difficile de continuer à les considérer comme pertinents dans une période où ils sont suspendus. L'objectif d'une dette publique limitée à 60 % du PIB semble quelque peu obsolète : aucun pays ne le respecte et les écarts entre États membres sont considérables. Mais la France ne considère pas ce débat comme prioritaire. La Commission aura l'occasion de faire des propositions pour revoir ces indicateurs et nous nous positionnerons en fonction de celles-ci. Pour ce qui concerne notre travail gouvernemental, nous entendons donner la priorité à la sortie de crise et à la relance.

Monsieur Delahaye, le système bancaire français a octroyé 135 milliards d'euros de prêts garantis par l'État (PGE), à hauteur de 90 %. Notre hypothèse sur le taux de sinistralité n'a pas changé : nous l'estimons à 5 %. La partie du programme de stabilité consacrée aux engagements contingents détaille les provisions passées en 2021 pour faire face aux défaillances des entreprises ayant souscrit des PGE : elles s'élèvent à 2,2 milliards d'euros en 2021. Je rappelle aussi que l'État avait déjà garanti, à des titres divers, avant même la crise, plus de 200 milliards d'euros de prêts.

En ce qui concerne la sincérité des lois de finances rectificatives, je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques a chaque fois considéré nos hypothèses comme « réalistes », « cohérentes » et « prudentes ». En novembre, nous avions indiqué que nous nous basions, sur le plan budgétaire, sur l'hypothèse d'un confinement susceptible de durer en novembre et en décembre. Nous craignions une perte d'activité de 20 points par mois de confinement. Finalement, la perte d'activité a été limitée à 11 points en novembre - grâce au maintien de l'ouverture des écoles, et à l'adaptation des entreprises - et à 7 ou 8 points en décembre, parce que le couvre-feu avait remplacé le confinement. Cet écart avec les prévisions explique grandement la sous-consommation des crédits liés aux mesures d'urgence. Le maintien de l'activité a aussi entraîné de meilleures recettes fiscales : la moindre dégradation du solde public en fin d'exercice pour un montant de 45 milliards d'euros s'explique, pour 29 milliards d'euros, par la non-consommation de mesures d'urgence en raison de maintien de l'activité à un niveau élevé, et, pour 7 milliards, par des recettes fiscales d'IS et de TVA plus dynamiques qu'escompté. Nous préférons avoir été trop prudents, en reportant en 2021 une trentaine de milliards d'euros non consommés en 2020, plutôt que d'avoir pris le risque de ne pas pouvoir répondre, faute de trésorerie, aux besoins de financement du fonds de solidarité et de l'activité partielle.

Madame Taillé-Polian, notre souhait de revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2027 n'est pas dû à un fétichisme à l'égard d'un indicateur européen ; simplement, ce niveau est celui qui permet, au vu des hypothèses d'inflation et de croissance, de faire baisser le poids de la dette par rapport au PIB. Par un hasard de l'histoire, c'était déjà la justification de ce seuil lorsque les traités européens ont été signés, mais le contexte économique était tout autre...

Le programme de stabilité n'a pas pour but de porter la programmation des investissements mais le passé doit nous instruire : il ne faut pas vouloir revenir à tout prix à l'équilibre trop rapidement pour ne pas étouffer la croissance. C'est pour cela que nous maintenons notre trajectoire de réduction des prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros à la fin du quinquennat, répartis à parts égales entre les ménages et les entreprises.

Monsieur Guené, je n'ai pas parlé des collectivités territoriales dans mon propos introductif lorsque j'ai abordé la question de déficit public. Le déficit de la sécurité sociale est passé de 6 milliards à 38,6 milliards d'euros, et celui de l'État de 93 à 178 milliards d'euros. Les collectivités locales ont vu leurs recettes de fonctionnement diminuer de 1,4 % et leurs dépenses augmenter de 0,2 %. Dans la mesure où elles avaient affiché un excédent de 1,2 milliard en 2019, le compte des collectivités territoriales n'est pas en déficit mais à l'équilibre.

Il me semble que le contrat de Cahors a fait ses preuves et constitue un bon outil de maîtrise de l'évolution des dépenses. Nous gagnerions à nous en inspirer à nouveau, en aménageant ses modalités, dans le cadre d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Le Gouvernement est attaché à une norme d'évolution de la dépense pluriannuelle globale, avec une déclinaison par secteur.

Monsieur Féraud, au cours des trois premières années du quinquennat, les engagements pris ont été tenus : les prélèvements obligatoires ont baissé, tout comme le poids de la dépense publique dans le PIB, tandis que le déficit restait inférieur à 3 % du PIB. On doit pouvoir le refaire, avec peut-être un effort plus important. En revanche, le recours au déficit structurel ne me paraît guère opérant dans la période que nous traversons. Il est d'ailleurs difficile à évaluer, comme en témoigne le traitement par la Commission européenne ou par l'Insee des dépenses d'urgence et de relance.

En ce qui concerne le poids de la fiscalité, nous ne partons pas du même niveau que les États-Unis : les prélèvements obligatoires s'élèvent outre-Atlantique à 25 % du PIB, contre plus de 45 % chez nous. Si des convergences ont lieu, tant mieux. Si l'administration américaine entend lancer une initiative pour instaurer un taux d'impôt sur les sociétés minimal, nous la soutiendrons.

Monsieur Canevet, notre objectif pour 2021 et 2022 est la stabilité du schéma d'emplois : c'est un élément de souplesse, car notre programmation pluriannuelle initiale prévoyait un schéma d'emplois négatif. Notre attention à cette stabilité sera d'autant plus grande que nous avons connu en 2020 une augmentation du nombre d'emplois de l'État. C'est ainsi qu'avant même la crise sanitaire, nous avions décidé la création de 1 500 ETP pour le maintien des écoles en zone rurale, ou encore de 450 ETP dans le cadre du plan BTS. La crise sanitaire nous a en outre conduits à créer plus de 2 300 emplois à Pôle Emploi, quelques centaines à l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et 450 au ministère de la santé.

S'agissant des conseils départementaux, j'attends beaucoup des résultats des expérimentations de recentralisation du financement du revenu de solidarité active qui sont actuellement menées dans des départements aux caractéristiques différentes.

Monsieur Bascher, effectivement, nous n'avons pas intégré de chronique d'évolution du taux de chômage, compte tenu des incertitudes trop fortes qui pèsent en la matière. Les prestations chômage seront toutefois orientées à la hausse en 2021 et 2022, mais nous comptons sur une stabilisation au cours de l'année 2022, dès le retour à un niveau d'activité conforme à celui de 2019.

Toutes les hypothèses - et notamment les hypothèses d'inflation - que nous avons retenues sont conventionnelles : il s'agit de celles qui sont communément admises pour ce type d'exercice.

Madame Lavarde, les collectivités territoriales ne sont pas les seules à payer le coût de la crise. Elles constituent même le secteur de l'action publique le plus préservé des effets de la crise. La contractualisation de Cahors est une bonne méthode pour permettre l'augmentation des dépenses quand cela est nécessaire, tout en évitant les dérapages.

Je ne dispose pas de l'évaluation du coût pour l'État-employeur de l'autorisation spéciale d'absence (ASA) mais je vous le transmettrai si je l'obtiens.

Monsieur Delcros, nous allons renouveler la baisse des impôts de production en 2021 et 2022. Il s'agit toujours de la même baisse de 10 milliards d'euros au profit des entreprises, financée en 2020 dans le cadre du plan de relance. Notre trajectoire de réduction de l'impôt sur les sociétés reste inchangée.

S'agissant des questions de gouvernance, MM. les députés Saint-Martin et Woerth ont déposé une proposition de loi organique qui introduit une norme de croissance des dépenses publiques, qui renforce les prérogatives du Haut Conseil des finances publiques et qui confère plus de temps au Parlement sur les questions de dette. Cette piste pourrait constituer un bon levier, à condition qu'il soit le plus consensuel possible.

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