Intervention de Éric Lombard

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 avril 2021 à 11:5
Audition de M. éric Lombard directeur général de la caisse des dépôts et consignations

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

J'ai entendu votre remarque sur l'impact de la taxe foncière sur les logements sociaux, et j'en prends acte, mais le pouvoir fiscal n'a pas encore été attribué par le Parlement à la CDC !

Les 40 000 logements sociaux précommandés ne sont pas forcément en zone tendue : j'étais il y a quelques mois dans la belle ville de Brive-la-Gaillarde, où CDC Habitat va construire des logements. Nous essayons d'utiliser ce programme pour compléter ce que nous faisons dans le cadre d'Action coeur de ville. Nous sommes attentifs à développer un maillage le plus large possible. Il y a beaucoup de logements intermédiaires dans les 40 000 prévus.

J'ai beaucoup insisté pour que les foncières soient construites sur des ressorts relevant de la décision des élus. En Bretagne, les élus ont souhaité que ce soit régional - ce qui n'empêchera pas les foncières dans certaines grandes villes bretonnes. En Vendée, une foncière couvre Fontenay-le-Comte et La Roche-sur-Yon. C'est la liberté des élus de choisir le ressort territorial de ces foncières. Ce sont le plus souvent des sociétés d'économie mixte : nous sommes co-actionnaires avec les collectivités locales. Nous avons une équipe, nous mettons du capital, un peu de dette, et on publie un numéro de téléphone ou une adresse e-mail pour que les commerçants puissent se signaler. Dans plusieurs villes, auprès des adjoints chargés de l'activité économique ou du commerce, des fonctionnaires municipaux chargés des commerces ont une bonne vision de ce qui se passe. Le maire de Saumur, par exemple, avait acheté un terrain derrière la mairie, où il permettait à des projets, tous les mois, de s'expérimenter.

Dans ce plan de relance, nous ne faisons pas de soutien à court terme. Ce n'est pas notre rôle, c'est celui des PGE. Mais nous avons mis 2 milliards d'euros à disposition des acteurs du logement social en mars dernier. Tout ce que nous faisons vise à assurer une transition vers une économie plus durable, plus inclusive et à inscrire vraiment notre économie dans ce mouvement profond. Vous évoquez un risque de retard. J'espère avoir réussi à vous convaincre. L'État, évidemment, a dû attendre que le budget soit voté. La CDC est pleinement sur le terrain. Et l'action européenne se déploie selon une temporalité plus lente - c'est la force, mais parfois la faiblesse, de l'Europe - puisque le plan européen n'a pas encore été voté par tous les pays qui composent l'Union européenne.

Je ne pense pas qu'on puisse transformer les PGE en subventions, car ils sont déjà largement garantis par l'État - à hauteur de 90 %, pour un total de 130 milliards d'euros. Mais je suis bien d'accord, pour les entreprises fragiles, il faut un relais en fonds propres. Beaucoup d'idées ont été proposées. Souvent, les chefs d'entreprise ne veulent pas ouvrir leur capital, même à des acteurs publics ou à des fonds ayant une préoccupation d'intérêt général. En effet, quand on est un entrepreneur, avoir un actionnaire minoritaire, même si cela apporte des fonds, cela change la vie. Nous devons trouver des solutions pour qu'ils l'acceptent, notamment dans les entreprises moyennes, et pour mettre en place les outils idoines. Avec les assureurs et le ministère, au-delà de la nouvelle initiative sur les prêts participatifs, nous allons mettre en place une enveloppe de 14 milliards d'euros de prêts participatifs avec une vision plus longue, notamment pour remplacer le PGE pour des entreprises qui en auraient besoin. Nous pensons qu'il faut aussi une enveloppe en capital, pour assurer un soutien selon un maillage fin.

Nous ne sommes pas sûrs d'avoir une bonne vision de la situation réelle des entreprises fragilisées, car elles sont très soutenues par le chômage partiel et les reports de charges. Comme vous, je souhaite que nous veillions, dans les mois qui viennent, à ne pas laisser tomber une entreprise qui, par ailleurs, aurait des perspectives.

Vous m'interrogez sur la charge des PGE non remboursés : elle incombera à l'État. Bpifrance et la Banque postale participent au PGE. S'il y a de la casse, comme on dit entre banquiers, ils prendront leur 10 % de perte, mais pas plus. Quelles sont les réserves financières de la CDC ? Dans le plan d'investissement, nous avons 26 milliards d'euros ; pour commencer, nous allons utiliser largement ; mais nous avons des moyens supplémentaires pour faire plus ou en cas de choc financier.

Pour les fonds régionaux, 470 millions d'euros ont été engagés, dont 143 millions d'euros par la Banque des territoires. En 2020, nous avions déjà versé 310 millions d'euros aux opérateurs, qui avaient pu en plus bénéficier de 115 millions d'euros de prêts, au bénéfice de 17 200 entreprises.

Les questions de capital pour les entreprises sont des questions complexes. On peut distribuer 130 milliards d'euros de PGE à 660 000 entreprises en trois mois, en s'appuyant sur la capillarité de nos réseaux bancaires. Mais pour le capital, ce sont des sujets individuels, entreprise par entreprise. On ne peut pas avoir une grande machine nationale pour s'en occuper : il faut des fonds nationaux pour les grandes entreprises ou certains secteurs techniques, ou bien s'appuyer sur des initiatives régionales. En fait, tous les types de structures sont bienvenus. S'il n'y avait pas les élections régionales bientôt, j'aurais déjà entrepris de réfléchir à cette question avec les présidents de régions. Je prendrai contact avec les élus renouvelés ou nouveaux pour voir comment établir au niveau régional les modalités d'intervention en capital. Évidemment, nous serons très attentifs à la qualité de ce qui est fait.

Les fonds européens, eux, arriveront quand leur base juridique entrera en vigueur. Certains fonds d'InvestEU ou de la Banque européenne d'investissement sont déjà disponibles, pour le logement social ou la transition écologique. Pour les 700 milliards d'euros, il faudra attendre plus longtemps.

Le dispositif « Mon compte formation » touche 33 millions de Français, qui ont un compte : c'est un grand succès populaire. Le Gouvernement constate qu'il coûte un peu plus cher que prévu. Nous réfléchissons à la modulation des dépenses de formation.

La société forestière a une charte de développement durable. Nous sommes fondateurs d'un club qui s'appelle « Carbone, forêt, bois » et nous travaillons avec des forêts gérées de façon durable. Pour gérer durablement la forêt et maintenir ce puits de carbone, il faut faire des coupes régulières. Sinon, les arbres tombent et, quand un arbre pourrit, il renvoie dans l'atmosphère le carbone accumulé au cours de sa vie.

Pour les entreprises de tourisme, nous mettons en place de nombreux outils. Là aussi, il faut un maillage fin. Nous avons un fonds sur le tourisme social, sur les sociétés de tourisme de petite taille...

Sur la réindustrialisation, dans la pharma ou d'autres secteurs, je partage votre avis. Territoires d'industrie est un projet vraiment utile : l'idée est d'éviter que les usines Tesla aillent s'installer à Berlin, pour se rendre compte ensuite que l'État allemand est moins réactif que nos collectivités locales. Mieux vaut organiser, comme nous le faisons à Chalon-sur-Saône, par exemple, ou ailleurs, des friches clés en main, où les projets peuvent s'implanter, avant de chercher les financements pour le développement de l'usine.

Vous avez raison, madame Lienemann, la nouvelle tranche de prêts participatifs se fait à des conditions plus onéreuses. Dans le cadre du deuxième plan logement, j'avais négocié avec les acteurs du logement social, ce qui s'était conclu par la signature d'un accord à l'Hôtel de Matignon, avec Édouard Philippe, par lequel nous engagions 800 millions d'euros de prêts participatifs, à des conditions saluées par les acteurs du logement social - moins par la commission de surveillance, car coûteuses pour l'établissement public ! Mais nous avons dû mettre une limite à ce projet, car notre budget est mobilisé sur de nombreux fronts en même temps. C'est pourquoi les nouvelles tranches sont un peu plus coûteuses. Je pense tout de même qu'elles financent la construction, car c'est notre priorité. Pour la rénovation, il y a les éco-prêts, qui sont très abondants et offrent des conditions intéressantes.

Je ne pense pas que le manque de fonds propres soit le facteur bloquant. CDC Habitat et Action Logement, ainsi que d'autres grands acteurs, ont injecté des fonds propres à la suite de la loi Élan, pour renforcer les acteurs.

Pour le canal Seine-Nord, ce sont les conditions du cahier des charges qui ont rendu difficile pour la Banque des territoires de se positionner dans un premier temps. Cela dit, ce genre de projet s'étale dans le temps - parfois trop - et nous espérons être plus présents dans les phases suivantes. Nous travaillons évidemment avec la région pour nous positionner sur le financement des zones d'aménagement, des plateformes multimodales, des zones d'activités... Les ports sont des infrastructures dont le financement fait vraiment partie du mandat de la CDC. Tout ce qui les environne, sur le plan du développement industriel et économique, nous concerne aussi.

Je connais bien l'assurance. C'est un magnifique métier, mais ce n'est vraiment pas celui de la CDC. Si nous le développions, cela utiliserait des fonds propres et des talents.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion