Intervention de Bénédicte Legrand-Jung

Mission d'information Égalité des chances — Réunion du 11 mai 2021 à 16h45
Audition de Mme Bénédicte Legrand-jung adjointe au délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle M. Stéphane Rémy sous-directeur chargé des politiques de formation et du contrôle et Mme Cécile Charbaut adjointe au sous-directeur en charge des parcours d'accès à l'emploi

Bénédicte Legrand-Jung, adjointe au délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle :

Je commencerai par un certain nombre de constats concernant la situation des jeunes sur le marché du travail.

Le taux de chômage des jeunes est très élevé, notamment pour les moins qualifiés. Fin 2020, ce taux était 2,3 fois supérieur à celui de la population générale. Le nombre des jeunes sans emploi ni formation est très important : on dénombre près de 1 million de jeunes sans emploi ni formation initiale ou professionnelle, les fameux NEET - Not in Education, Employment or Training. Le nombre des jeunes travailleurs précaires est, quant à lui, de l'ordre de 320 000 environ.

On sait par ailleurs qu'une part importante de cette population n'est pas accompagnée par le service public de l'emploi, ce qui soulève évidemment des problèmes en termes de repérage, et n'est pas indemnisée par l'assurance chômage.

Les jeunes se trouvant dans une situation de grande précarité sociale et financière cumulent, non seulement un handicap en matière d'accès à l'emploi, lié à leur niveau de qualification, mais aussi des handicaps sociaux : ils sont souvent confrontés à des problèmes de logement et de santé. Ce n'est pas un hasard si les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou des zones de revitalisation rurale (ZRR) sont surreprésentés.

Il existe en outre une problématique spécifique aux jeunes mineurs : 60 000 jeunes âgés de seize et dix-sept ans sont sans emploi ni en formation.

Enfin, il faut évoquer les conséquences sociales de la crise économique et sanitaire sur la situation des jeunes, en particulier les effets de la non-création d'emploi et du gel des embauches dans les entreprises. En période normale, le nombre des jeunes entrant sur le marché du travail s'élève à 750 000 en moyenne chaque année.

L'ensemble de ces constats a conduit le Gouvernement à mettre en place, dans le cadre du plan France Relance, un plan très ambitieux en faveur des jeunes, le plan « 1 jeune, 1 solution », doté de plus de 9 milliards d'euros, qui mobilise un éventail très large de dispositifs pour répondre aux problèmes rencontrés par les jeunes. Dans cette perspective, nous sommes particulièrement attentifs aux conditions de mise en oeuvre opérationnelle et territoriale des mesures envisagées et à leur accessibilité pour les jeunes.

La politique menée par le ministère du travail et de l'emploi en faveur de l'insertion des jeunes est centrée autour de trois axes.

Le premier axe majeur concerne les mesures visant à favoriser un accès direct à l'emploi. C'est notamment le cas via le développement de l'apprentissage et de la formation par alternance. Celle-ci permet à tous les jeunes dès seize ans, voire dès quinze ans dès lors que ceux-ci ont achevé leur scolarité au collège, d'alterner un enseignement théorique en centre de formation des apprentis (CFA) et un enseignement pratique en entreprise, format qui peut être particulièrement adapté à des jeunes qui considèrent que l'enseignement scolaire est contraignant.

La formation par alternance offre aux jeunes la possibilité de bénéficier d'une rémunération, ce qui n'est pas négligeable pour des individus en quête d'émancipation et d'autonomie. Cette formation est gratuite et garantit l'accès à un certain nombre d'autres avantages, comme par exemple une aide au permis de conduire.

L'alternance a été profondément modifiée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, tant en ce qui concerne les relations entre l'employeur et l'apprenti que son financement. La réforme vise à développer l'apprentissage pour faciliter l'emploi et l'insertion des jeunes, en levant les freins au développement des CFA, en centrant la formation sur les pratiques des entreprises et en l'adaptant à leurs besoins. Dans ce cadre, une attention particulière a été portée aux publics les plus fragiles, comme les jeunes travailleurs handicapés, pour lesquels la durée du contrat peut être étendue d'un an par rapport aux jeunes non handicapés.

Je citerai également l'exemple de la prépa apprentissage. Ce dispositif, qui a fait l'objet d'appels à projets financés dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC), a pour objet d'offrir aux jeunes un parcours dans la durée, sécurisé, modulable en fonction de leurs besoins, ce qui leur permet de travailler sur leurs prérequis et leurs compétences relationnelles. Il s'agit de limiter les ruptures prématurées de contrats d'apprentissage.

Dans le cadre de la crise sanitaire, le Gouvernement a souhaité amplifier les efforts en matière d'apprentissage au travers de plusieurs actions.

Je pense tout d'abord à l'aide à l'embauche de jeunes en contrat de professionnalisation, qui s'élève à 5 000 euros pour les apprentis mineurs et à 8 000 euros pour les majeurs. Cette aide financière a été prolongée jusqu'à la fin de l'année 2021.

L'effort porte en priorité sur les apprentis dont les niveaux de qualification sont les plus bas. Ainsi, les entreprises de moins de 250 salariés recrutant des jeunes jusqu'au niveau du bac peuvent bénéficier, le cas échéant, au terme de la première année du contrat d'apprentissage, d'avantages financiers exceptionnels. Par ailleurs, le délai de signature d'un contrat d'apprentissage avec une entreprise a été prolongé de trois à six mois après le début de la formation en CFA, et le forfait de premier équipement de 500 euros par apprenti a été étendu à l'achat de matériel informatique pour lutter contre la fracture numérique.

Au-delà de l'apprentissage, plusieurs aides directes à l'embauche des jeunes ont été mises en oeuvre.

C'est le cas de l'aide à l'embauche des jeunes, prévue du 1er août 2020 au 31 mai 2021, qui est destinée à l'ensemble des entreprises embauchant un jeune de moins de vingt-six ans dans la limite de 1,6 SMIC. Cette aide peut atteindre 4 000 euros pour des embauches en CDD de plus de trois mois ou en CDI.

Les emplois francs sont un autre exemple. Ils font l'objet d'une expérimentation depuis 2018. Désormais généralisé, ce dispositif géré par Pôle emploi facilite le recrutement de personnes résidant dans les QPV par une aide aux employeurs qui les embauchent en CDD de plus de six mois ou en CDI. Afin de maintenir un avantage pour les jeunes résidant en QPV, le montant de l'aide a été bonifié, pour les embauches intervenues à partir du 15 octobre 2020, pour atteindre 7 000 euros la première année pour une embauche en CDI.

Du mois d'août au mois de décembre 2020, environ 1,2 million de jeunes ont été recrutés en CDI ou en CDD, chiffre à peu près équivalent à celui que l'on observait sur la même période en 2018. Nous avons donc réussi à protéger les jeunes de moins de vingt-six ans durant la crise sanitaire, l'apprentissage ayant évidemment beaucoup contribué à ces bons résultats, puisque plus de 500 000 contrats d'apprentissage ont été conclus en 2020. Ce chiffre s'inscrit dans la dynamique que l'on observait déjà en 2019, avec une augmentation de 16 % du volume des contrats sur l'année.

Le deuxième axe des politiques d'insertion concerne le développement de la formation professionnelle des jeunes en recherche d'emploi.

Les efforts déployés ont été confortés dans le cadre du PIC. Sur la période 2018-2022, notre objectif est de former 2 millions de jeunes demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés supplémentaires, moyennant un investissement financier significatif. Le plan se décline au niveau territorial en lien avec les conseils régionaux dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). Aujourd'hui, on constate une forte augmentation du recours des jeunes demandeurs d'emploi à la formation, puisque les moins de trente ans représentent près de 40 % des nouveaux bénéficiaires.

Le renforcement de la formation professionnelle des jeunes se concrétise aussi au travers du plan « 1 jeune, 1 solution ». L'objectif est d'atteindre 100 000 entrées en formation préqualifiante ou qualifiante supplémentaires. Le pilotage de cette action se fait en lien étroit avec Pôle emploi et les missions locales pour la formation et l'emploi des jeunes, qui sont les prescripteurs en matière de formation professionnelle des jeunes.

La deuxième mesure importante en matière de formation repose sur la revalorisation du barème de la rémunération des stagiaires, prévue par la loi de finances pour 2021. Cette réforme est en cours : elle repose sur le constat que le niveau des rémunérations était désincitatif et que leur évolution dépendait de critères trop complexes. La revalorisation est nette : pour les jeunes mineurs, elle passe de 130 à 200 euros ; pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, elle passe à 500 euros.

Troisième mesure, nous allons étendre le bénéfice de cette rémunération aux jeunes qui sont engagés dans les parcours d'accompagnement financés par le PIC.

Le troisième axe des politiques d'insertion, qui s'est lui aussi considérablement développé dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », s'articule autour des parcours d'accompagnement et d'insertion des jeunes les plus éloignés de l'emploi, notamment ceux qui cumulent les handicaps : faible niveau de qualification, mauvais état de santé, problèmes de logement ou de mobilité, par exemple.

On peut distinguer, dans un premier temps, les parcours mis en oeuvre par les opérateurs du service public de l'emploi, à commencer bien sûr par les missions locales. Celles-ci sont notamment responsables des parcours contractualisés d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea), sorte de cadre de droit commun de l'accompagnement des jeunes. Il s'agit d'un cadre souple offrant à tous les jeunes un accompagnement par phase pour une durée qui peut aller jusqu'à vingt-quatre mois. Les jeunes peuvent alors bénéficier d'une allocation ponctuelle pour répondre à des besoins financiers spécifiques.

Les missions locales sont aussi chargées du déploiement de la Garantie jeunes, dispositif destiné aux jeunes en situation de précarité, très orienté sur leur expérience professionnelle, et dont la durée peut atteindre jusqu'à dix-huit mois.

Le plan « 1 jeune, 1 solution » se fonde sur des objectifs ambitieux, qui ont évidemment fait l'objet d'échanges avec l'Union nationale des missions locales (UNML) : il vise à doubler le nombre des jeunes accompagnés dans le cadre du dispositif de la Garantie jeunes en 2021 pour atteindre 200 000 jeunes ; il vise également à augmenter de 80 000 le nombre de jeunes engagés dans un Pacea pour passer à 420 000. Pour ce faire, un certain nombre de mesures ont été prises, et des moyens supplémentaires sont consacrés aux missions locales pour financer l'accompagnement des jeunes.

Le dispositif d'accompagnement intensif de Pôle emploi destiné aux jeunes éprouvant des difficultés d'accès à un emploi durable a par ailleurs été considérablement renforcé dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » : l'objectif est que 240 000 jeunes puissent bénéficier de cet accompagnement intensif au cours de l'année 2021.

Enfin, nous prévoyons de mettre en place des mesures de sécurisation financière des parcours pour faire face à la hausse de la précarité financière des jeunes. Le Gouvernement a annoncé une revalorisation de l'allocation Pacea, dont le plafond a été porté de trois fois à six fois le montant mensuel du RSA sur une période de douze mois, et prévoit une aide équivalente pour les jeunes accompagnés par Pôle emploi ou par l'APEC, ainsi qu'à destination des jeunes diplômés ex-boursiers.

À côté des parcours suivis par les opérateurs du service public de l'emploi, il existe tout un catalogue de solutions proposées aux jeunes les plus éloignés de l'emploi.

Je pense aux contrats aidés. Pour les parcours emploi compétences (PEC) dans le secteur non marchand - associations et collectivités locales - l'objectif est de financer 80 000 PEC en 2021, en sachant que la prise en charge de l'État a été portée à 65 %. S'agissant du contrat initiative emploi (CIE) jeunes, contrat aidé du secteur marchand, sa durée potentielle a été allongée. Depuis la réforme de 2018, le cadre de ces contrats, notamment dans le secteur non-marchand, est plus qualitatif, avec un caractère plus insérant. On le constate sur les taux de sortie des bénéficiaires de ces contrats aidés.

Nous investissons aussi dans l'insertion par l'activité économique (IAE), via le recours aux structures d'insertion par l'activité économique. À souligner, l'existence d'un pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique qui vise à augmenter significativement le nombre d'entrées dans les parcours de retour vers l'emploi : l'objectif est d'atteindre 35 000 jeunes en 2021.

Enfin, il faut évoquer les dispositifs de soutien à la création d'activité, qui peuvent constituer une solution adaptée pour un certain nombre de jeunes. Un appel à projets visant à développer le travail indépendant et la création d'activité comme solution d'insertion a été lancé. Dans ce cadre, 15 000 parcours de jeunes pourront être financés.

Les jeunes peuvent en outre profiter de l'action de structures comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi, les Epide, ou les écoles de la deuxième chance, qui sont soutenus dans le cadre du plan d'investissement des compétences.

Je souhaite enfin faire un point sur les dispositifs à destination des mineurs, notamment dans le cadre de l'obligation de formation, entrée en vigueur le 1er septembre 2020 dans le cadre de la loi pour une école de la confiance de juillet 2019. Je citerai en particulier le programme « La Promo 16.18 » proposé par l'Agence pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui vise à formuler des solutions pour les jeunes mineurs décrocheurs, en leur proposant un véritable sas de remobilisation de quatre mois.

Enfin, certains appels à projets financés dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences sont destinés à repérer les jeunes dits « invisibles » Un premier appel à projets a permis de financer 237 projets destinés à accompagner près de 34 000 de ces jeunes. Le but est de faire émerger des méthodes d'approche innovantes pour repérer les jeunes concernés et les orienter vers les acteurs institutionnels de la prise en charge et de l'accompagnement.

La mise en oeuvre opérationnelle de ces mesures est évidemment très importante. Le plan « 1 jeune, 1 solution » vise avant tout à garantir un accès effectif des jeunes et des entreprises aux mesures en vigueur.

Dans cette logique, une attention particulière est portée à la coordination des opérateurs du service public de l'emploi, notamment Pôle emploi et les missions locales, mais aussi les Cap emploi qui accompagnent les jeunes travailleurs handicapés. Cette politique fait l'objet d'un pilotage resserré au niveau territorial sous l'égide des préfets. Enfin, il faut mentionner certains outils comme la plateforme « 1 jeune, 1 solution », plateforme numérique destinée à proposer aux jeunes un accès simple et ergonomique à l'ensemble des solutions proposées dans le cadre du plan, mais également aux offres d'emploi et de stage.

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