Je vous remercie de m'avoir invitée à cette table ronde sur le logement en Guyane. Vous savez que la commune de Saint-Laurent-du-Maroni est l'une des communes les plus impactées par les problématiques de logement en Guyane. Chez nous, le besoin de logement est davantage un besoin de ville, et il s'exprime de manière très dynamique. C'est une des composantes du système urbain, qui est en croissance exponentielle aujourd'hui. En même temps, il est en déliquescence, parce que 60 % du logement sur notre territoire est en situation informelle. L'approche du point de vue du logement social et du locatif social est donc assez réductrice.
Nous connaissons aujourd'hui un déficit d'environ 4 000 logements, pour une ville, officiellement, de 45 000 habitants, en réalité plus proche de 70 000 habitants, compte tenu de la forte immigration irrégulière qui nous touche. Pourtant, nous avons toutes les peines du monde à construire 1 000 logements par an.
Cette situation est vraiment très compliquée. L'offre de logements que nous avons sur le territoire présente quatre défauts principaux.
Premièrement, l'offre est quantitativement insuffisante, et elle est trop peu diversifiée. Nous n'avons pas assez de logements intermédiaires et ils ne sont pas forcément adaptés à la structure familiale guyanaise. Nous avons besoin de plus de T6 ou de T7.
Deuxièmement, nous sommes souvent sur des logiques d'opérations isolées, et pas sur des logiques de quartiers, avec des équipements structurants type écoles, équipements sportifs. C'est un vrai souci.
Troisièmement, on ignore trop les modes de vie locaux. Il faut savoir que nous avons un très fort taux de chômage, au-delà de 40 %. Les gens restent donc beaucoup dans leurs quartiers, qui ne sont pas adaptés en matière d'équipements collectifs et qui ne sont pas pensés pour une telle présence.
Quatrièmement, nous n'arrivons pas à lutter contre l'habitat spontané, qui représente 60 % de l'habitat et à expérimenter de nouveaux modèles d'habitat. Faites passer un drone et vous vous rendrez compte de cette réalité. Lorsqu'il y a des zones libres où nous pourrions envisager des projets de construction, ils sont vite occupés par de l'habitat spontané.
À mon sens, le fait d'envisager la construction de locatif social sous un angle purement quantitatif nous entraînera vers les mêmes dysfonctionnements urbains que ceux qu'a connus l'Hexagone dans les années 60-70. Nous devons essayer de combiner tous les outils d'urbanisme que la loi met à notre disposition (le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), le plan Action coeur de ville pour faire du renouvellement urbain tout en évitant la tentation des grands ensembles sociaux, qui seraient préjudiciables à la ville elle-même.
Je pense que l'on pourrait proposer, pour mieux travailler, une territorialisation dans l'animation du comité de pilotage. Il faut aussi une collaboration réactive. En effet, les choses vont beaucoup trop lentement pour tous nos partenaires, que ce soit sur les cessions foncières, les attributions de crédits, l'alimentation électrique, l'eau, l'assainissement. Cela donne une impression d'inertie difficile à accepter par nos concitoyens.
Mon objectif est la production de ville pour répondre à la forte demande de logements, tout en maîtrisant la stratégie globale, de manière à ce qu'elle soit la plus harmonieuse possible et que l'on ait une ville équatoriale durable. Comprenez-moi bien, ce que nous avons ici ne peut pas être une duplication de ce qui se fait dans l'Hexagone. Je ne veux pas de bâtiments de 10 étages, alors que nous sommes habitués à vivre en extérieur et que la hauteur maximum ne devrait pas dépasser deux étages. Il nous faut de surcroît des aménagements spécifiques pour tenir compte des contraintes météorologiques, de la ventilation, de l'exposition au soleil. Bref, il faut que l'on essaie de construire la ville de demain la plus vivable possible.