Intervention de Denis Girou

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 6 mai 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur la situation du logement en guyane

Denis Girou, directeur général de l'Établissement public foncier et d'aménagement (EPFA) de la Guyane :

L'enjeu principal auquel nous faisons face en Guyane est la dynamique démographique : la population double tous les vingt ans. On est passé de moins de 100 000 habitants en 1990 à près de 300 000 aujourd'hui. En valeur absolue ce n'est pas énorme, mais le système administratif ne parvient pas à gérer ce rythme d'augmentation extrêmement rapide.

Il convient de parler d'aménagement global du territoire plutôt que de logement uniquement. Le rythme auquel cet aménagement doit se faire dépasse les compétences ordinaires des pouvoirs publics. Les questions de financement global, en valeur absolue, ne sont pas si prégnantes : jamais un projet n'a été bloqué pour des raisons financières. La question est plutôt celle-ci : comment changer de braquet pour accélérer ?

L'instrument retenu depuis 2012 a été la mise en oeuvre d'une opération d'intérêt national (OIN) de construction d'une ville nouvelle d'environ 80 000 habitants. À l'issue des travaux préparatoires, on a conclu qu'il faudrait plutôt construire l'équivalent d'une telle ville nouvelle, soit à peu près 21 000 logements, dans un chapelet de 24 zones sur le littoral guyanais. Outre les logements, cela implique un rattrapage d'infrastructure considérable en matière d'équipements de base : écoles, collèges, routes, centres culturels et sportifs. Ce rattrapage doit être quantitatif, mais aussi qualitatif. On conçoit aujourd'hui des quartiers d'une qualité bien supérieure aux standards antérieurs : tous les aménagements prévus dans le cadre de l'OIN doivent obtenir le label ÉcoQuartier. Ces exigences de qualité visent à offrir aux habitants un cadre de vie agréable et une qualité de vie améliorée. Progresser à la fois quantitativement et qualitativement n'est pas évident.

L'OIN mise en place en 2017 a reçu des moyens très importants qui ont permis de préparer un réel changement de braquet. Cette année, les dotations reçues, d'environ 7 millions d'euros, ont permis de préparer de nouveaux quartiers sur presque toutes les communes concernées par l'opération. On pourra créer cinq zones d'aménagement concerté (ZAC) cette année et trois autres l'année prochaine. Par rapport au rythme habituel en Guyane d'une ZAC tous les trois ans, c'est énorme !

La qualité des projets représente donc un réel facteur de progrès, mais si l'on travaille mieux, on ne travaille pas plus vite qu'auparavant. Il s'agit en partie d'un problème de gouvernance : celle de l'OIN s'ajoute au processus décisionnel existant ; on pourrait sans doute alléger les procédures pour accélérer les prises de décisions,

Un autre facteur de réussite de l'OIN réside dans l'achat de foncier privé, ainsi que dans le transfert par l'État de foncier lui appartenant, à hauteur d'un tiers de la surface totale de l'opération. Le défi qui nous attend en 2021 et 2022 va être de pouvoir démarrer simultanément les opérations prévues.

Un autre enjeu qui demeure concerne particulièrement les parlementaires : il s'agit de pouvoir, dans une perspective de plus long terme, adapter certaines règles à la situation spécifique de la Guyane, mais aussi de Mayotte. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a remis un rapport sur ce sujet, qui a trouvé son prolongement dans des propositions faites par le sénateur de la Guyane Georges Patient. Ce facteur de progrès n'aurait certes pas un effet immédiat, mais il peut faire gagner un ou deux ans à une opération d'une dizaine d'années, et ce à qualité au moins équivalente. Cette simplification ne serait pas une dégradation ; il s'agit d'adaptations qui permettraient de produire plus rapidement des villes mieux adaptées au territoire.

C'est ainsi que l'on peut gagner notre course contre la démographie, mais aussi contre le logement illégal, qui croît depuis vingt ans plus rapidement que le logement légal en Guyane. Le différentiel représente aujourd'hui plus de 40 000 logements ; cette situation est insupportable pour les collectivités. Une bonne partie de la solution passe par la réalisation des projets de l'OIN : la gouvernance mise en place permet de concevoir des solutions mieux adaptées au territoire qu'auparavant.

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