La Guyane est un territoire extrêmement vaste, contrairement aux autres territoires ultramarins, ses collectivités sont très étendues. La communauté de communes de l'Ouest guyanais, par exemple, fait plus de 40 000 kilomètres carrés et la commune de Saint-Laurent-du-Maroni s'étend sur plus de 4 800 kilomètres carrés.
Ainsi, le fonctionnement des communes dont la superficie est très restreinte ne peut pas correspondre au mode de vie que nous avons en Guyane sur des territoires particulièrement vastes. Nous ne pouvons pas gérer une densification de la ville sur une zone où l'on dispose d'énormément d'espace, d'autant que le mode de vie des Guyanais y est adapté - ils vivent avec la nature.
Mieux territorialiser, c'est renforcer l'animation et le pilotage au plus près du terrain. Comme notre territoire est très vaste, les interlocuteurs les plus proches demeurent le maire et le sous-préfet d'arrondissement. Ces derniers assurent une gestion la plus efficace possible.
Si nous mettions en place un comité de pilotage, il faudrait que ses décisions puissent être entendues par tous. Aujourd'hui, lorsque l'on prend une décision, nous avons l'impression qu'un temps infini s'écoule avant qu'une réalisation soit faite. C'est extrêmement pénalisant, car, comme l'a dit M. Girou, il y a sur le territoire guyanais une construction illégale exponentielle.
À Saint-Laurent-du-Maroni, 3 000 naissances sont enregistrées tous les ans ; tous les dix mois, je dois construire un nouveau groupe scolaire. Nos normes de ville ne correspondent pas à celles qui sont appliquées ailleurs.
Dans la redéfinition de ce pilotage territorialisé, nous devons reconnaître un chef de file et lui donner les moyens adéquats. Les autres opérateurs, qu'ils soient publics ou privés, doivent pouvoir l'entendre. Cet échelon-là, à mon avis, ne fonctionne pas...
Sur la question du nombre de logements, je pense que ce n'est pas à moi de répondre, parce que les services de l'État s'occupent de la Guyane tout entière. Or Saint-Laurent-du-Maroni n'est que l'une des 22 communes de ce territoire.
Résorber l'habitat indigne est une priorité pour Saint-Laurent-du-Maroni. Voilà plusieurs années que nous travaillons dessus. Nous souhaitons expérimenter davantage, mais certains quartiers « informels », comme il en existe dans ma commune, posent problème. Selon les recensements, on dénombre dans ces quartiers 2 500, 3 000, parfois 4 000 habitants. Déplacer un nombre aussi élevé de personnes n'est pas raisonnable.
Lorsqu'un programme reloge 100 personnes qui habitaient dans un squat, dès le lendemain, les places libérées sont reprises par les immigrés illégaux présents sur le territoire.
C'est un problème auquel Saint-Laurent-du-Maroni est aujourd'hui confronté - on n'en parle pas assez ! La Guyane connaît une forte immigration d'Haïtiens, qui entrent sur le territoire via le Suriname. En quelques semaines, 600 ressortissants haïtiens sont ainsi arrivés à Saint-Laurent-du-Maroni. Le préfet nous a communiqué, hier, qu'il avait délivré à 133 de ces immigrés des documents leur permettant de se rendre à Cayenne pour y demander l'asile politique. En définitive, c'est près de 500 immigrés qui se sont installés dans ma commune...
S'il existait ce genre d'afflux permanent d'immigrés dans une ville quelconque de l'Hexagone, cela ferait la une de tous les journaux télévisés !
Cependant, les logements spontanés qui sont créés ne sont pas toujours de mauvaise qualité. La plupart sont construits avec une base en béton, des murs, des fenêtres et un toit. Nous disposons donc d'une certaine capacité à construire : nous devons l'utiliser dans le cadre de la résorption de ces habitats informels. Il nous faut accompagner les personnes sur de l'auto-construction et sur toute habitation qu'il est possible de régulariser. Il nous fut aussi trouver des solutions pour les populations immigrées, qui dans certains cas travaillent, parfois dans les collectivités.
Nous devons proposer toutes les formes innovantes. Il est important que la maison soit évolutive - les familles sont très nombreuses et beaucoup d'enfants arrivent au fur et à mesure - et qu'elle assure à chacun une qualité de vie.
Si nous construisons des cités qui ne sont pas du tout dans les normes de vie de la population, nous serons, à terme, confrontés aux phénomènes de bandes que l'on déplore dans l'Hexagone.
La Guyane est située sur le continent sud-américain, à côté du Suriname et du Brésil ; il existe divers matériaux de l'autre côté des frontières, qui sont parfois importés. Mais l'utilisation de plusieurs de ces matériaux n'est pas possible pour des raisons normatives. Il faut donc que nous puissions bénéficier d'un approvisionnement plus régional, ce qui diminuerait les coûts de construction.
L'enclavement du territoire fait que les coûts de construction sont souvent multipliés par deux, trois ou quatre, en fonction des territoires. Dans les communes de Grand-Santi, de Papaïchton ou de Maripasoula, l'acheminement de certains matériaux ne peut se faire que par pirogue. Lorsque du ciment est acheté à un prix supérieur à ceux pratiqués à Cayenne, et qu'il transite par le fleuve, son prix double, voire triple... C'est d'ailleurs valable pour les autres matériaux vendus dans ces communes.
Un travail doit être réalisé sur les normes pour que nous puissions utiliser les produits importés des pays voisins, et non d'Europe ou de France métropolitaine. Cela aurait le mérite de réduire notre impact carbone, et accélèrerait l'approvisionnement en matériaux. Nous devons parfois attendre six mois avant de recevoir des produits importés par bateau depuis l'Hexagone. Bon nombre de constructions sont ainsi ralenties, notamment les menuiseries aluminium...
Il est indispensable que nous bénéficiions d'un approvisionnement régional.