Intervention de Juliette Guirado

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 6 mai 2021 : 1ère réunion
Étude sur le logement dans les outre-mer — Table ronde sur la situation du logement en guyane

Juliette Guirado, directrice de l'Agence d'urbanisme et de développement de la Guyane (AUDeG) :

L'Agence a été créée en 1978, pour assister les collectivités et l'État sur les enjeux d'aménagement du territoire ; nous avons mis en place trois observatoires, dont l'un est consacré à l'habitat, nous capitalisons les données locales et nationales et nous produisons les données locales manquantes. Nous intervenons sur le logement social, nous actualisons un atlas du logement social qui recense notamment les projets à venir - le territoire compte 20 200 logements sociaux, et il y a 6 500 logements en projet. Le logement social représente 18 % du parc total, aux deux tiers sur la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) ; ce déséquilibre est connu, les acteurs locaux cherchent à rééquilibrer la répartition du logement social, en augmentant la part de la Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), en particulier à Saint-Laurent. Nous assistons les intercommunalités pour la réalisation et la révision de leur programme local de l'habitat (PLH), en particulier sur le volet de la lutte contre l'habitat indigne.

Nous travaillons avec l'État et les collectivités sur la question des loyers privés. Une mission de préfiguration d'un observatoire a été mise en place sur Cayenne, puis une expérimentation sur toute la Guyane l'année dernière, nous publierons prochainement une carte complète. Les loyers sont élevés, le loyer médian dans le privé atteint 15 euros du mètre carré, et la location atteint souvent 800 euros mensuels, c'est comparable à des métropoles comme Lyon ou Bordeaux. L'idée n'est pas d'encadrer les loyers comme cela se fait dans d'autres territoires, mais bien d'établir les données.

Nous travaillons sur l'urbanisation spontanée depuis une vingtaine d'années, avec le recensement de ce qui se construit sans permis, ces données ont été progressivement reconnues. Nous pointons les permis de construire et comparons ce qui se voit depuis le ciel, sachant que les périmètres varient selon les disponibilités aériennes. L'habitat spontané recouvre des réalités très diverses : des bâtis sont de très bonne facture, d'autres sont sommaires, certains sont habités, d'autres sont à usage agricole ; les situations foncières varient, de la construction individuelle sur son propre terrain à la construction sur un terrain loué. Les installations peuvent être intégrées, formant ici des poches urbaines, dessinant ailleurs du linéaire très étiré.

Ces disparités nous convainquent qu'il faut trouver des réponses au cas par cas et nous analysons en conséquence les secteurs pour identifier des zones critiques, prioritaires pour l'intervention publique : il y a les secteurs exposés à des risques, générant une inconstructibilité, d'autres qui cumulent plusieurs facteurs d'insalubrité, ce qui motive une action rapide : ces zones critiques représentent 4 % de l'urbanisation spontanée, c'est là qu'il faut agir en priorité. Nous actualisons ces données, pour voir quelles sont les premières tendances avant des visites de terrain. Les acteurs locaux confirment l'enjeu de connaissance, un repérage à la parcelle doit être exigé par les plans intercommunaux de lutte contre l'habitat indigne. Or, ce repérage ne peut être fait sur tout le territoire, faute de financement. Sur ces défis d'expertise, les collectivités n'ont donc pas toute l'information requise, ni les ressources pour les produire. Nous disons donc qu'il faut lancer un observatoire de l'habitat indigne en Guyane, un projet qui a déjà été programmé, mais pas mis en place.

Au-delà du recensement, nous avons besoin de mieux appréhender les habitants, leurs parcours résidentiels et leurs besoins, c'est un préalable indispensable à une réponse adaptée. Les quartiers évoluent très vite, je pense aux dernières opérations de destructions d'habitat spontané, qui ont provoqué des mouvements de populations et donc des évolutions rapides d'autres secteurs.

Sur le PLOM, il faudrait pouvoir identifier des chefs de file pour avancer sur les projets thématiques, avec des bilans annuels ; les crédits d'études ont été sous-utilisés, on a engagé 60 000 euros pour une enveloppe dix fois supérieure, alors que nos besoins de connaissance sont importants et que nous ne manquons pas de projets.

Le contexte évolue très vite, nous avons très peu de données de référence nationale, même les services de l'État ont du mal à disposer de tous les permis de construire, alors que c'est une obligation légale de les lui transmettre ; nous pallions le manque de données-socles et nous en produisons par nos propres moyens, ce qui est du reste plus adapté à la situation locale et à son évolution rapide.

Action Logement vient de conventionner avec notre agence pour une mission sur l'habitat informel, nous allons cibler les secteurs d'intervention ; l'aide financière peut atteindre 30 000 euros par ménage, c'est important. Nous avons souligné le manque d'outils de connaissance de l'habitat indigne, nous pourrions imaginer un fonds mutualisé pour la régularisation de l'habitat spontané, comme il en existe à La Réunion, car cet habitat spontané se développe souvent dans des secteurs voués à l'urbanisation - et il devient un obstacle à celle-ci, que l'on peut lever avec un fonds de mutualisation.

Je proposerai aussi de lancer le plan départemental de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI), qui n'existe que sur le papier en Guyane, c'est urgent. Dans son rapport sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre montre qu'elle intervient déjà à La Réunion, nous pourrions imaginer une préfiguration en Guyane.

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