Je serai très franche et très directe : nous devons sortir de l'ambiguïté sur le financement de l'autonomie. Si nous ne trouvons pas de ressource, nous aurons quand même des dépenses, mais elles ne seront pas pilotées et se reporteront de façon erratique, sauvage et inappropriée sur toute la sécurité sociale et les autres politiques publiques. Elles pèseront forcément sur les finances des hôpitaux pour un piètre résultat qualitatif pour nos concitoyens. Il faut donc trouver des financements pour l'autonomie, en assumant des hypothèses de travail. Je ne prétends pas que le système de financement que nous proposons est idéal, mais il a le mérite de pousser au raisonnement. Cela doit être débattu avec la Nation. Au lendemain de la guerre, quand on a construit la sécurité sociale, nous étions dotés d'un grand dessein collectif. Mais la situation économique n'était ni rose ni simple.
L'avis de la CNSA a été adopté. Le 19 mars, pour la première fois, l'État a pris part au vote, contrairement à son habitude sur les chapitres prospectifs, orientations et recommandations des parties prenantes. Il s'est abstenu, ce qui constitue une étonnante prise de position en creux nous engageant, d'une certaine manière, à poursuivre nos travaux. Ainsi, une commission spéciale de la CNSA déclinera, avec les services de l'État, l'ensemble des composantes du rapport. La CGT a voté contre l'avis. Les autres organisations syndicales ont émis un vote positif. Les absentions proviennent de la Mutualité Française, par besoin d'approfondissement du cinquième bloc, du Synerpa, qui représente les établissements privés lucratifs, et de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (Fehap). Je ne m'attendais aucunement à un raz-de-marée positif sur un rapport aussi complexe.
Monsieur Mouiller, vous me demandez s'il fallait créer une nouvelle branche. C'est une très bonne question. Elle se justifie, de mon point de vue, par la singularité de la question de l'autonomie, qui appelle une forte mobilisation de la personne à la définition de ses besoins. C'est différent pour la politique de santé publique, qui doit aller à la rencontre de nos concitoyens. Nous avons besoin d'imaginer un modèle de gouvernance, d'allocation de ressources extrêmement spécifique. C'est ce qui peut justifier une branche spécifique.
Il m'était impossible de détailler le pilotage dans le temps imparti. Pour moi, un pilotage moderne implique que l'État cesse d'être contraignant et normatif pour pouvoir amener les parties prenantes, dans les territoires, à exprimer l'intérêt d'une politique différenciée. Nous avons imaginé des organes de pilotage définissant les orientations dans un territoire donné, associant le préfet et le directeur général de l'ARS au conseil départemental, mettant l'ensemble des acteurs publics et territoriaux autour de la table. La conférence pour l'autonomie contractualisera de façon pluriannuelle avec la branche pour recevoir des financements pérennes et voir une partie des ressources solvabilisées.
Est-ce qu'une contribution de 0,28 point de CSG est suffisante ? Nous nous sommes appuyés sur les évaluations des différents rapports, y compris l'excellent travail de M. Bonne et de Mme Meunier, pour l'établir. Fiscalité supplémentaire ou ventilation de l'effort partagé par les autres branches ? Ce n'est pas au conseil de la CNSA de décider de la politique fiscale. Je précise que quand le législateur nous accorde 0,15 point de CSG en 2024, cela ne procède pas d'une hausse, mais d'une nouvelle affectation.
Le transfert d'une ressource aujourd'hui dévolue à la protection sociale et, demain, répartie différemment s'assortit d'une amélioration de la qualité des dépenses de l'ensemble des branches. Nous avons besoin d'efficience. Notre système patauge, avec des dépenses inappropriées qui n'améliorent pas la qualité de vie de nos concitoyens.
Mme Cohen m'a interpellée sur la proposition de l'UNA d'inverser la part de la branche et des départements dans le financement de l'aide à domicile. C'est intéressant, mais si l'on ne résout pas préalablement la question du financement de la branche, comment imaginer qu'une meilleure qualité des concours dévolus aux territoires puisse advenir, ou que la branche prenne en charge ce supplément de dépenses ? On ne peut pas jouer au chat et à la souris plus longtemps. Le vieillissement n'est pas optionnel, mais réel et si, en 2030, nous n'avons pas restructuré notre système de protection sociale et fait le choix à la loyale de l'allocation des ressources, nous ne serons pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.