Le projet de loi que je vous présente n'est ni optimiste ni pessimiste : c'est un texte que nous avons voulu réaliste.
Notre pays a connu une vague épidémique importante. Le nombre de cas de covid diagnostiqués par jour est monté jusqu'à 40 000 et celui des patients covid en réanimation au-delà de 6 000. Il a fallu une fois de plus intervenir avec des mesures de freinage urgentes, d'abord territorialisées, puis nationales, afin de créer un effet coupe-feu, dans le même état d'esprit que celui qui avait prévalu au printemps 2020, puis à l'automne 2020 et à l'hiver 2021 : des mesures proportionnées, territorialisées, puis des mesures nationales quand la vague est devenue irrépressible à l'échelle du pays. Nous avons adapté notre arsenal de réponses aux connaissances scientifiques, avec, notamment, la notion de moindre contamination à l'extérieur qu'à l'intérieur, ce qui nous a permis d'éviter un confinement généralisé tel que les Français ont pu le connaître l'année dernière. Néanmoins, nous avons dû décider de restrictions fortes - couvre-feu dans tout le pays, fermeture des commerces, anticipation des vacances scolaires -, qui sont autant de mesures très contraignantes pour les Français.
Nous avons pu enrayer la dynamique épidémique grâce à ces mesures de freinage. La décrue de l'épidémie a permis au Président de la République de faire des annonces aux Français pour leur donner de la visibilité dans la durée sur la stratégie de levée progressive de ces mesures. Il est nécessaire que cette levée soit progressive pour éviter une nouvelle ascension de l'épidémie, alors que l'on dénombre encore plus de 17 000 diagnostics covid par jour. Cependant, les mesures de freinage doivent être réduites, parce que nous avons toujours eu à coeur de les proportionner pour tenir compte de leur impact sur le quotidien des Français - sur leur vie sociale, économique, culturelle ainsi que sur leur santé mentale.
La dynamique épidémique, la saisonnalité, la vaccination intensive - il y aura bientôt 20 millions de primovaccinés en France - nous permettent aujourd'hui d'envisager un avenir un peu meilleur. La décroissance des malades du covid en réanimation est une réalité : nous sommes passés sous la barre des 5 000 patients. C'est encore beaucoup, mais nous savons que les chiffres des malades en réanimation sont le reflet de l'épidémie deux à trois semaines auparavant. Comme l'épidémie continue de décroître, nous avons toutes les raisons d'espérer que les services de réanimation reprendront progressivement une activité moins intense, ce qui permettra de reprogrammer les soins qui ont été différés pour un certain nombre de Français.
Cependant, renoncer à toute mesure maintenant serait prématuré. C'est pourquoi le Gouvernement a d'ores et déjà déposé un amendement visant à permettre la prolongation d'une mesure de couvre-feu sur la durée exclusive du mois de juin. Le Président de la République a pris l'engagement de repousser le couvre-feu à 21 heures, puis à 23 heures, avant de le supprimer au 30 juin. À cette date, le couvre-feu n'aura donc plus de base légale.
Nous nous engageons également à ce qu'il n'y ait plus de confinement généralisé, puisque le texte qui vous est présenté ne prévoit plus cette possibilité. C'est une différence très importante. Néanmoins, comme l'année dernière, le Gouvernement conserve la possibilité de mettre en place des mesures de freinage qui peuvent être territorialisées. C'est l'objet de l'article 2 du projet de loi, qui permet d'instaurer, pour une durée maximale de deux mois et sans consulter le Parlement, un état d'urgence local sur un territoire qui ne peut représenter plus de 10 % de la population française.
Cette mesure restrictive s'appuie sur le constat que nous avons dressé l'année dernière : au mois de juin 2020, alors que tout allait bien ou presque dans notre pays, la réémergence de l'épidémie en Mayenne, partie des salariés des abattoirs, avait nécessité une action déterminée immédiate pour éviter une vague épidémique. Par ailleurs, j'invite la représentation nationale à ne pas oublier que, l'été dernier, l'hémisphère sud a été percuté de plein fouet par une vague épidémique très forte, qui a aussi touché certains de nos territoires ultramarins, comme la Guyane. Nous avions dû prendre des mesures localisées très fortes - un couvre-feu, puis un confinement - pour faire face à ce problème sanitaire, qui aurait pu devenir un problème humanitaire si nous l'avions laissé filer.
En outre, je rappelle que, à la mi-août, il a fallu intervenir progressivement pour faire face aux nouvelles contaminations observées dans les Bouches-du-Rhône, notamment chez les jeunes, avec des mesures de couvre-feu partiel affectant les bars et les restaurants, puis des mesures plus fortes. Toutefois, ces dernières n'ont pas permis d'enrayer la reprise épidémique qui se faisait jour dans notre pays et qui a progressivement conduit à la deuxième vague que nous avons connue à l'automne.
Nous considérons comme très probable que la situation sanitaire s'améliore semaine après semaine et que nous puissions retrouver beaucoup plus de sérénité. Cependant, je resterai une sentinelle active tout au long des prochains mois, et des interventions seront probablement nécessaires dans certains territoires de manière raisonnée. Pour cela, nous avons besoin de conserver un arsenal de mesures qui nous permettent de réagir et surtout d'éviter de laisser flamber une épidémie qui redeviendrait nationale à partir d'un foyer local.
Il y aura de nouveau de grands rassemblements. Or nous savons d'expérience, en France comme en Europe, que la présence d'un supercontaminateur lors d'un grand rassemblement peut conduire à une vague de contaminations sur le territoire national. Nous ne voulons plus que cela se produise !
La proportionnalité dans les mesures, la capacité à réagir très vite, y compris au coeur de l'été, sont donc nécessaires. Le projet de loi vise précisément à vous demander de nous donner cette possibilité de réaction rapide.
Ce texte ne prévoit ni confinement ni couvre-feu après le mois de juin. Il contient des possibilités d'interventions adaptées, proportionnées et territorialisées. Nous allons continuer à vacciner massivement, à tester, à maintenir les gestes barrières. J'espère sincèrement que nous pourrons quitter le masque en extérieur cet été, lorsqu'il fera beau et chaud, mais je ne puis en avoir la certitude à l'heure actuelle. Au reste, nous savons qu'il faut se garder de prédictions trop péremptoires sur l'évolution de l'épidémie : c'est modestement que je viens devant vous pour vous demander de nous donner encore pendant quelques mois la possibilité de protéger les Français, en tenant compte de l'équilibre à trouver entre la préservation des libertés et les mesures de contrainte.
Je travaille d'arrache-pied avec Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur un sujet qui préoccupe beaucoup le Sénat. En effet, j'ai vu qu'une proposition de loi avait été déposée sur la question des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), notamment sur les droits de visite. La période que nous avons traversée était inédite et, sur le terrain, j'ai constaté que les mesures n'étaient pas toujours proportionnées, indépendamment des protocoles sanitaires, qui, eux, étaient justifiés par l'état des connaissances scientifiques lorsqu'ils ont été décidés. C'est pourquoi j'ai demandé aux services du ministère de préparer une circulaire qui s'impose aux gestionnaires d'établissements sanitaires, d'Ehpad ou d'autres établissements médico-sociaux. Il n'est en effet pas nécessaire de passer par la loi pour atteindre des objectifs qui nous tiennent à coeur : garantir une proportionnalité des mesures, ne restreindre le droit de visite que sur critères sanitaires et faire valoir le droit des patients à être accompagnés, a fortiori lorsqu'ils sont en fin de vie. Nous allons donc considérablement faire évoluer les droits de visite et l'ouverture des Ehpad. L'exceptionnel taux de couverture vaccinale que nous avons atteint dans les établissements médico-sociaux nous permet de le faire avec beaucoup plus de sérénité qu'il y a encore quelques semaines dans notre pays.
Nous irons sans doute plus loin que la proposition de loi. Nous le ferons par la voie réglementaire, donc de façon plus rapide. Nous vous avons entendus et nous avons entendu les Français.