Intervention de Olivier Véran

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 mai 2021 à 10h00
Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire — Audition de M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé

Olivier Véran, ministre :

Monsieur Bas, le 19 mai sera une étape importante : nous sommes aujourd'hui à 16 000 ou 17 000 contaminations, nous devrions être à 12 000 la semaine du 19, soit le même niveau qu'en octobre dernier. Nous sommes sur une dynamique descendante.

Par ailleurs, nous faisons beaucoup plus de tests qu'il y a un an - entre 2 et 3 millions par semaine. Et plus on teste, plus on trouve : le dépistage massif des vacances de Noël a fait augmenter le taux des contaminés asymptomatiques. En mai 2020, nous ne faisions qu'entre 100 000 et 200 000 tests hebdomadaires.

Voilà encore trois semaines, nous étions très hauts par rapport à l'Allemagne. Aujourd'hui, nos voisins en sont à 16 000 ou 17 000 contaminations par jour. Nous sommes donc encore un peu au-dessus, mais nous faisons deux fois et demie plus de tests. Leur niveau épidémique, en théorie, pourrait donc être supérieur au nôtre.

La donnée fondamentale, c'est la vaccination. La mortalité des personnes les plus fragiles a chuté. À niveau de contamination identique, l'impact sanitaire est moindre, ce qui nous permet d'envisager les choses différemment. Ce qui m'importe, c'est que notre triptyque tester-alerter-protéger soit pleinement efficace. D'ici au 19 mai, le niveau de circulation du virus nous permettra de reprendre le contrôle sur chaque contamination.

En ce qui concerne la vaccination, on pourrait faire des thèses de médecine passionnantes sur les comparaisons internationales des taux de couverture, selon les indicateurs choisis. Chacun peut prendre l'indicateur qui lui convient pour mettre en valeur ou en difficulté l'État en charge de la campagne vaccinale.

Monsieur Bas, vous avez raison sur deux points : avec Israël, dont la population est plus restreinte, les États-Unis et l'Angleterre ont un taux de couverture vaccinale plus élevé que tous les pays européens. L'Angleterre a fait le choix de la mono-vaccination avec une seconde injection retardée. Les scientifiques ne savent pas encore si ce choix sera efficace dans la durée - c'est tout le mal que je souhaite aux Anglais -, mais il y a des raisons de penser que cette stratégie est payante. Ils ont connu hier une première journée sans décès. Encore une fois, c'est à la fin de la campagne vaccinale qu'on compte les vies sauvées.

En ce qui concerne les indicateurs, comparons ce qui est comparable. La natalité n'est pas la même en France et en Allemagne. À l'exception des 16-18 ans très immunodéprimés, nous ne pouvons aujourd'hui vacciner que la population adulte. Si l'on fait le ratio du nombre de doses injectées pour cent habitants adultes, l'Allemagne est à 50,1 injections et la France à presque 49. Il ne s'agit plus d'un écart majeur. L'Italie en est à 47 et l'Espagne à 49. Tous les pays européens arrivent donc à vacciner de manière intensive.

En France, le pourcentage d'utilisation du vaccin Pfizer est de 92 % contre 93 % en Espagne, 92,5 % en Italie et 89 % en Allemagne. En ce qui concerne le vaccin Moderna, la France est à 76 %, contre 75 % en Italie, 66 % en Espagne et 60 % en Allemagne. Le taux d'utilisation de l'AstraZeneca est de 55 % en France - nous venons de recevoir une grosse livraison, ce taux va donc mécaniquement s'améliorer dans la durée -, de 83 % en Espagne et de 82 % en Allemagne.

J'ajouterai que l'Espagne convoque les personnes âgées de 60 ans et plus dans les centres de vaccination sans leur dire quel vaccin - ARN messager ou adénovirus - ils vont recevoir. Par ailleurs, trois régions allemandes ont ouvert, à l'encontre des recommandations internationales, la vaccination AstraZeneca aux populations âgées de moins de 55 ans, avec consentement. J'ai saisi les autorités sanitaires de cette question. La Haute Autorité de santé (HAS) n'a pas encore rendu ses conclusions, mais j'ai cru comprendre que le sujet n'était pas très bien engagé.

Madame Mercier, des solutions opérationnelles existent pour les personnes que vous décrivez : quelques dizaines de milliers d'infirmières et d'infirmiers libéraux se sont fait livrer des doses de vaccin AstraZenaca ou Johnson & Johnson dans le but de vacciner ces populations à leur domicile. Nous avons également mis en place des équipes mobiles, y compris avec des médecins.

Tout est mis en oeuvre dans les territoires pour faciliter cette vaccination à domicile. Nous avons mobilisé des centaines d'équivalents temps plein auprès de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) pour téléphoner aux personnes âgées qui n'ont pas encore été vaccinées. Nous faisons la démarche d'aller vers elles, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Monsieur Bas, il s'agit du huitième texte sur l'état d'urgence sanitaire. Quel autre pays européen peut en dire autant ? Cela montre le poids qu'accorde le Gouvernement au Parlement sur ces questions. Le Gouvernement ne demande pas de pouvoirs dont il n'a pas besoin. Le régime de sortie, plus restrictif que celui d'état d'urgence sanitaire, a été voté par le Parlement en 2020. Le Conseil d'État se prononce en droit et n'a pas douté de l'utilité ni de la pertinence de ce régime.

Je suis moins expert que vous en légistique, mais n'est-il pas un tout petit peu antinomique de dire que ce texte n'était pas nécessaire et que nous pouvions agir par voie réglementaire et, dans le même mouvement, de déplorer le manque de contrôle parlementaire ? Nous avons fait le choix de nous présenter devant le Parlement en prenant toutes les garanties, de manière à ne pas avoir à recourir aux dispositions de l'article L. 3131-1 du code la santé publique qui échappent bien davantage au contrôle parlementaire et dont nous avons déjà discuté à l'envi.

Madame de La Gontrie, vous savez mon opposition de principe à l'usage du pass sanitaire pour des activités aussi courantes qu'aller au restaurant ou au cinéma. En revanche, il prend tout son sens dans les lieux qui concentrent un fort brassage de population. L'adhésion des Français - 67 % dans la dernière enquête d'opinion - à cette idée est de plus en plus forte.

Certains pays - Espagne et Italie, par exemple - ont fait le choix de limiter le pass sanitaire à certains grands événements. D'autres, notamment au nord de l'Europe, sont déterminés à aller au-delà. Le pass n'est pas que vaccinal. Il peut consister en un certificat de rétablissement ou un test de moins de 48 heures. Il s'inscrit dans la démarche européenne d'un pass pour voyager d'un État à un autre, ce qui est essentiel.

L'amendement du Gouvernement permet d'étendre ce pass à certaines situations très circonscrites. Nous en avons longuement débattu hier à l'Assemblée nationale. Nous ne souhaitons pas utiliser le pass sanitaire pour des événements regroupant moins de 1 000 personnes. À compter du 19 mai, les théâtres seront accessibles jusqu'à 800 spectateurs avec une jauge de 35 %, sans pass sanitaire. À partir du 9 juin, ce sera une jauge de 65 % jusqu'à 5 000 spectateurs ; au-dessus de 1 000 spectateurs, il faudra un pass sanitaire. À compter du 30 juin, il n'y aura plus de jauge : il faudra seulement un pass si le théâtre compte plus de 1 000 spectateurs. Nous avons clarifié les choses.

Autant il me semble légitime d'apporter au Parlement des éléments d'information précis, autant inscrire des jauges, des pourcentages et des sites particuliers dans la loi nous lierait pieds et poings pour des mois, sans que nous sachions comment évoluera la situation sanitaire, ni que nous connaissions l'impact de la vaccination et des expériences étrangères. Ce serait contreproductif de ne pouvoir faire évoluer le dispositif. Le Gouvernement, en revanche, a pris des engagements clairs : le pass sanitaire sera réservé aux salons professionnels et aux grands événements.

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