Au Parquet de Paris, la prise en charge des victimes nous paraît primordiale. Nous avons à coeur de leur faciliter la tâche et de leur permettre de suivre le déroulement des enquêtes.
Assurément, pour un chef d'entreprise victime d'une cyberattaque, se rendre dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat de police ne constitue sans doute pas une priorité. De plus, il y rencontrera un interlocuteur généralement peu formé à ce type spécifique d'infraction.
Depuis le début de l'année 2020, nous avons décidé de diffuser à l'ensemble des services de police et de gendarmerie de France une fiche dite réflexe, ainsi qu'un modèle de lettre de plainte. Ces services savent désormais que pour les cas de ransomwares, il leur appartient de joindre le Parquet de Paris.
Nous nous sommes également rapprochés des sociétés spécialisées dans la remédiation à incidents. Elles communiqueront notre lettre de plainte-type à ceux des chefs d'entreprise qui, devant faire face à la situation de crise, ne pourront se déplacer devant les représentants des forces de l'ordre.
En raison de la longueur de l'enquête de cybercriminalité, qui requiert des recherches approfondies et le jeu de la coopération judiciaire internationale, l'information des victimes représente une difficulté réelle. Au cours du procès d'Alexander Vinnik, qui s'est tenu à Paris en octobre 2020, des victimes nous ont expliqué avoir oublié leur plainte et ignorer l'état de la procédure après presque six ans d'instruction.
Désormais, nous leur communiquons systématiquement le « numéro Parquet » du dossier qui les intéresse. Il leur permet, pendant toute sa durée, de se renseigner sur le déroulement de la procédure.
Au sujet des attaques envers des hôpitaux, je soulignerai que quelques années en arrière, au cours des négociations, des pirates informatiques renonçaient à leurs prétentions et révélaient sans contrepartie la clé de déchiffrement des données. Ce n'est plus le cas. Nous faisons désormais face à des mercenaires sans aveu qui ne concèdent rien et s'acharnent au contraire dans leur résolution à obtenir une rançon. Nous assistons à un phénomène de criminalisation croissante.
Le phénomène du rançonnage nous inquiète. Lorsqu'il survient, le paiement des rançons finance en effet à son tour toute une série d'autres activités illégales et de réseaux criminels. Pour en avoir discuté avec mes collègues du Parquet antiterroriste, la question se pose d'un risque de financement du terrorisme par ce type de biais. D'une atteinte au tissu économique français, nous glisserions alors à une attaque dirigée contre la société elle-même, au sens le plus large.