Merci, monsieur le président, cher Laurent Lafon, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, que vous soyez physiquement présents ou en visioconférence, je vous salue à distance. C'est un bonheur d'échanger avec vous aujourd'hui sur les modalités de ce déconfinement progressif qui a été annoncé par le Président de la République le 29 avril dernier. Je crois que nous nous réjouissons tous, car les perspectives sont résolument attendues par le monde de la Culture, bien sûr, mais aussi par le public. Depuis plusieurs mois, j'ai plaidé avec force et conviction pour qu'elle soit possible selon une approche progressive. J'ai parlé de modèle résilient, nous y sommes donc avec une première étape. C'est tout juste dans une semaine que nous nous retrouverons dans nos lieux de culture.
Cette réouverture va concerner tous les lieux de culture, c'était pour moi essentiel. Cette visibilité permet à chaque acteur culturel de se préparer. Elle est permise à la fois par la campagne de vaccination et par l'amélioration qui se confirme chaque jour de la situation sanitaire. L'ouverture des lieux culturels sera ainsi la norme tout en préservant, grâce à des protocoles stricts, la santé de tous. Bien entendu si la situation venait à se dégrader, des mesures de freinage seraient actionnées de manière ciblée.
Cette reprise générale n'a pu se préparer qu'avec des concertations éclairées. C'est ce que je fais avec les professionnels depuis la fin de l'année 2020, grâce à des réunions très nombreuses. Je parle sous le contrôle de Tristan Frigo, de mon cabinet, qui est présent, mais je crois vraiment que nous avons tenu des dizaines, voire des centaines de réunions de concertation car dans le monde de la culture on n'aborde pas de la même façon un petit concert de musique baroque dans une chapelle romane et un concert debout aux Vieilles Charrues, regroupant plusieurs dizaines de milliers de personnes. À travers ce travail du ministère de la culture, nous avons été moteur pour l'ensemble du Gouvernement dans la stratégie de réouverture.
La réouverture doit se faire en responsabilité. Certaines mesures sanitaires doivent être maintenues, non pour limiter l'ouverture des lieux bien entendu, mais pour permettre, sur le long terme, d'éviter le stop and go que craignent l'ensemble des acteurs culturels : respect des gestes de protection, port généralisé du masque, des jauges réduites et en tout cas plus strictes au départ, que celles que nous avons connues à l'automne. Ces mesures seront nécessaires pendant plusieurs mois, avant leur allègement par palier.
C'est un calendrier clair, qui nous donne de la visibilité, pour une reprise en trois étapes.
À compter du 19 mai, l'ensemble des lieux culturels seront donc réouverts, en-dehors des salles et festivals où le public est debout. J'y reviendrai. Le couvre-feu est reporté à 21 heures jusqu'au 8 juin. Les jauges seront adaptées en fonction de la situation des secteurs culturels. Ainsi, elles seront pour cette première période, de 35 % de la capacité d'accueil, avec un plafond de 800 personnes pour les salles de cinéma et de spectacle, et de huit mètres carrés pour les musées, monuments et centres d'art. Lorsqu'ils se tiennent en extérieur, les festivals pourront accueillir le public en configuration assise selon le même pourcentage de jauge, mais la limite est portée à mille festivaliers. Lorsque les jauges ne sont pas prédéterminées, c'est cette même limite qui s'appliquera.
Du 9 au 30 juin, les restrictions de jauge seront assouplies, le couvre-feu étant décalé à 23 heures ce qui permettra à un certain nombre de spectacles vivants ou de cinémas d'avoir une séance en soirée. C'est évidemment tout à fait utile du point de vue du modèle économique, mais aussi pour le plaisir des spectateurs. La jauge à respecter pour les salles de cinéma et de spectacle est donc augmentée à 65 % du plafond, dans la limite de 5 000 spectateurs, tandis que celle des musées et monuments passera à quatre mètres carrés par visiteur. Lorsqu'ils se tiennent en extérieur, les festivals pourront accueillir le public en configuration assise selon le même pourcentage de jauge et le même plafond, soit 65 % de la jauge de référence et 5 000 festivaliers. Lorsque les jauges ne sont pas prédéterminées, c'est le plafond de 5 000 qui s'appliquera.
L'ensemble des festivals et manifestations culturelles, nombreux dans les territoires, seront également possibles dans l'espace public à partir de cette même date, avec une jauge maximum en station debout fixée par le préfet en fonction des manifestations. Il y a toutes sortes de spectacles de rue et de festivals « déambulants », ce qui est important pour l'animation des territoires. J'y tenais beaucoup.
À partir du 1er juillet, les restrictions de jauge sont levées pour toutes les salles où le public est assis. La distanciation restera de mise dans les espaces de circulation.
Les festivals de plein air en configuration debout représentent la question la plus délicate, ce qu'on comprend aisément. Ils pourront reprendre selon une jauge de quatre mètres carrés par festivalier et dans une limite qui sera définie par le préfet en fonction des circonstances locales. De même, les spectacles et concerts debout seront autorisés à reprendre selon un protocole adapté et un plafond de jauge fixé par le préfet au regard des circonstances locales. Je veux dire que là, nous avons encore un travail de définition à mener avec les responsables de festivals. Nous tenons d'ailleurs des réunions sur ce sujet, en particulier une réunion spécifique sur la jauge de quatre mètres carrés. Que signifie-t-elle ? Comment se décline-t-elle ? Une définition nous a d'ailleurs été proposée par certains professionnels de festivals, mais il reste à définir des modalités que je veux les plus souples et adaptées. Je refuse tout cahier des charges contenant cinquante « considérant », rendant la vie impossible. Ce n'est pas ma façon de procéder.
Ces jauges réduites auront inévitablement un impact sur les recettes des entreprises et établissements culturels et donc, sur leur équilibre économique. C'est pourquoi nous travaillons avec le ministre de l'économie et des finances, et le Premier ministre, pour la mise en place d'un fonds de compensation de billetterie. Le Gouvernement avait déjà déployé de tels dispositifs à l'automne dernier, il en sera de même pour cette reprise.
Je répondrai déjà à Laurent Lafon sur les mesures territorialisées. Il ne m'a pas paru pratique, dans la première phase de réouverture, de territorialiser ces mesures. Dans la phase progressive de mai et de juin, je crois qu'il faut avoir des modèles assez simples pour ne pas brouiller les messages. En revanche, la territorialisation pourrait survenir dans une deuxième phase. J'ai d'ailleurs ouvert la porte quand j'ai dit qu'un certain nombre de modalités seraient à la disposition des préfets en fonction de la territorialisation des lieux. Cela me paraît tout à fait indispensable. Nous pouvons imaginer, si nous étions amenés dans certains secteurs à voir un foyer pandémique se développer, territorialiser un certain nombre de mesures de freinage plutôt que de refermer l'ensemble du dispositif. Cela semblerait tout à fait utile et c'est vers ce mode de fonctionnement que nous allons. De la même façon, si nous constations que la dynamique de la pandémie n'avançait pas aussi vite qu'espéré, nous pourrions imaginer allonger les périodes. À l'inverse si nous avions de bons résultats, ces périodes seraient éventuellement raccourcies. Le Premier ministre a bien ouvert la porte à ce que cette phase soit une phase d'appropriation, modulable. C'est extrêmement important. Cela étant, telle que la pandémie montre sa dynamique, je pense que nous respecterons les phases telles que décrites.
Vous avez été nombreux à m'interpeler sur la situation des structures d'enseignement artistique. Je vais dès à présent vous répondre car je sais combien ces structures sont importantes dans nos territoires. Je préciserai donc un calendrier clair de reprise pour ces établissements, les phases prévues devant respecter celles que je viens d'indiquer pour le spectacle vivant et les cinémas. L'enseignement pourra reprendre à partir du 19 mai en présentiel pour tous les publics des conservatoires, qu'il s'agisse des professionnels ou des étudiants. Les salles de danse demeurent fermées aux majeurs non prioritaires mais rouvriront pour les mineurs. Les arts lyriques ne peuvent se pratiquer qu'en individuel, dans le respect du protocole renforcé connu des professionnels.
À partir du 9 juin, les majeurs non professionnels pourront retrouver les salles de danse, à la condition qu'il n'y ait pas de contact et dans le respect d'une jauge de 35 % de la classe. Les règles ne changent pas pour les arts lyriques.
Enfin dès le 1er juillet, la reprise concernera l'ensemble des activités de danse et d'art lyrique dans le respect d'un protocole adapté.
Vous l'aurez compris, la démarche de réouverture obéit à trois grands principes. Elle est d'abord générale, puisqu'elle concerne tous les lieux culturels. Elle est ensuite progressive, avec une évolution des jauges par palier. Elle est enfin respectueuse de la santé des Français, car nous n'oublions pas la situation sanitaire et la nécessité de protéger nos concitoyens de ce virus.
Voilà, monsieur le président, les grandes lignes du déconfinement pour le secteur culturel. Les enjeux sont nombreux et la mise en oeuvre des expérimentations se poursuit. J'attends vos questions, dont je ne doute pas qu'elles permettront d'étayer mon propos liminaire, nécessairement incomplet. Vous m'aiderez à le compléter.