Intervention de Roselyne Bachelot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 mai 2021 à 16h30
Modalités de mise en oeuvre du déconfinement — Audition de Mme Roselyne Bachelot ministre de la culture

Roselyne Bachelot, ministre de la culture :

Pour recentrer notre débat, je précise que les parcs de loisirs relèvent du tourisme, mais pas de mon portefeuille dans tous les sens du terme. Je renvoie donc cette question à M. Lemoyne.

Pour répondre aux questions de Laure Darcos, je confirme que les jauges sont différentes car nous distinguons les ERP « circulants » et « non circulants ». Je trouve ce terme « ERP » horrible, d'ailleurs. Très vite, les musées retrouveront cette jauge de quatre mètres carrés, ce à quoi ils sont tout à fait prêts. Nous avons eu des groupes de travail très approfondis, ce qu'a reconnu dans la presse hier la directrice du Musée d'Orsay.

Le « murs de films » est une très bonne nouvelle. Grâce aux soutiens massifs que nous avons apportés à l'industrie cinématographique, toute défaillance économique a pu être évitée. Les défis sont nombreux mais contrairement à d'autres pays, les tournages ont pu se tenir pendant la crise. Que n'aurait-on pas dit si nous n'avions pas de films français à proposer aux spectateurs ? J'ai dit ce matin sur France Inter que nous avons des plaintes de « gosses de riches » dans ce domaine. Nous avons d'abord un avis encourageant de l'Autorité de la concurrence, qui permet de déroger à certaines règles d'interdiction d'ententes pour ménager la possibilité temporaire d'une concertation entre distributeurs sur le calendrier de leurs sorties. Pour donner suite à cet avis, le CNC, à ma demande, travaille activement à un accord-cadre avec les distributeurs pour parvenir à un calendrier concerté. Je note quand même que nous allons bénéficier du fait que les blockbusters américains aient prévu de sortir à la fin des vacances. Par conséquent, une belle période s'ouvre à nous à partir de maintenant jusqu'au milieu de l'été, pour sortir un certain nombre de films français. Nous ne pouvons qu'encourager nos concitoyens à se rendre au cinéma.

En revanche, le billet de cinéma n'ouvrira pas droit à l'horodatage. En effet, la période où nous lèverons toutes les restrictions étant très proche, nous ne souhaitions pas brouiller les messages. Dans la deuxième phase qui commencera le 9 juin, le couvre-feu sera levé à 23 heures, ce qui permettra d'assurer la première séance de la soirée. Dès le 1er juillet, le couvre-feu sera levé, de sorte que les séances se tiendront comme d'habitude. Établir un horodatage aurait nécessité des vérifications, la mobilisation de forces de sécurité. Je crois qu'il ne faut pas se compliquer la vie, pour un bénéfice finalement assez mince. Je dois dire que les professionnels de l'exploitation des salles ont bien compris cette situation, et qu'ils ont agi en responsabilité.

Par ailleurs, nous avons obtenu l'allègement temporaire de la chronologie des médias, déjà mis en place depuis le 1er avril, et qui permet aux distributeurs qui le souhaitent de sortir leur film directement sur un autre mode de diffusion que la salle de cinéma, tout en conservant les aides perçues du CNC. En temps normal, cette facilité n'aurait pas été possible.

Enfin, la médiatrice du cinéma et le président du CNC ont publié hier une recommandation en matière de distribution et de programmation, destinée à assurer l'accès des spectateurs aux différents types d'oeuvres sur tout le territoire.

Monsieur Dossus m'a interpelée sur l'incohérence qu'il pourrait y avoir entre les stades et les festivals debout. Non, car pour ceux qui ont assisté à un festival debout, cela n'a rien à voir. Dans un stade, les spectateurs sont assis à une place répertoriée, alors que dans un festival debout de musiques actuelles, le regroupement collé-serré au pied des scènes est tout à fait différent. Je ne sais pas si vous connaissez le pogo ou le « mur de la mort », où la fosse s'ouvre en deux tandis que les spectateurs se projettent avec force les uns contre les autres en agitant les bras et les jambes. Ma science est assez fraîche en la matière, mais j'en conclus qu'il n'est pas possible de comparer le public d'un stade et celui d'un festival debout de musiques actuelles. Par conséquent, les mêmes protocoles ne s'adressent pas aux uns et aux autres.

Vous avez évoqué la responsabilité, et je réponds par la négative. Les gérants de salle ne verront pas leur responsabilité engagée en cas de cluster, sauf volonté délibérée de contrevenir aux règles. Je veux donc les rassurer complètement. Bien évidemment, si un établissement dont la jauge était limitée à 800 personnes en accueillait 2 000, la situation serait différente car il s'agirait de la transgression d'une réglementation.

Je confirme que les discothèques ne relèvent pas du ministère de la culture. Elles ne relèvent pas non plus du ministère de l'intérieur, même si certaines contraintes de sécurité sont édictées par ce dernier. En revanche, du point de vue des aides à apporter, les discothèques relèvent du ministère de l'économie. D'ailleurs, mon collègue Alain Griset continue d'organiser, avec les professionnels des discothèques, des réunions de concertation sur les conditions de réouverture et sur les conditions de prise en charge des pertes de chiffre d'affaires.

Bien entendu, nous avions renoncé à lancer le pass Culture lorsque les lieux de culture étaient fermés. Dans quelques jours, la réouverture des salles nous permettra de lancer officiellement le pass Culture pour tous les publics de plus de dix-huit ans avec un crédit de 300 euros. Il s'agira aussi de lancer l'expérimentation pour étendre ses modalités aux élèves à partir de la quatrième, pour les familiariser avec le dispositif.

Le cirque fait intégralement partie de mon périmètre. Les dispositifs et normes concernant les autres lieux de spectacles sont applicables aux cirques. J'ai également conçu des aides spécifiques pour les cirques familiaux. Il est en effet très important de soutenir ces petits cirques qui se déplacent dans nos territoires. J'ai d'ailleurs reçu les responsables de ces structures, pour leur communiquer les dispositions qui les aident.

La situation des intermittents du spectacle, dans notre pays, fait l'objet d'une politique tout à fait inédite. Le rapport Gauron ayant présenté trois scénarios, nous avons choisi avec Élisabeth Borne, celui qui nous paraissait le mieux à même de garantir la sortie de crise. Tout d'abord, il faut se rassurer sur le fait que 75 % des intermittents auront recouvré leurs droits au 31 août, et sans doute beaucoup plus grâce à la stratégie de réouverture. Néanmoins, un certain nombre de « trous dans la raquette » ont été repérés. C'est pourquoi nous avons adopté le scénario permettant la protection la plus longue, c'est-à-dire seize mois, alors que la prolongation d'un an aurait été insuffisante. L'année blanche est ainsi prolongée jusqu'à la fin de l'année. De plus, des mesures techniques permettront de pallier les difficultés que nous rencontrons avec certains professionnels.

Les intermittents pourront bénéficier de trois filets de sécurité :

- une extension de la période d'affiliation au-delà des douze mois, dans la limite de la dernière ouverture de droits, pour pouvoir justifier du nombre d'heures permettant de bénéficier de l'intermittence ;

- une clause de rattrapage dont les conditions d'éligibilité seront temporairement supprimées ;

- des modalités aménagées de l'allocation de professionnalisation et de solidarité : possibilité pour les intermittents ayant bénéficié de la clause de rattrapage mais qui n'ont pas réussi à accumuler les heures nécessaires à leur réadmission, de voir leurs droits à l'allocation de professionnalisation et de solidarité étudiés dans les mêmes conditions que s'ils n'avaient pas été éligibles à la clause de rattrapage.

Vous avez évoqué les jeunes, et ce sujet est essentiel. J'ai voulu que les jeunes de moins de trente ans soient protégés d'une manière exceptionnelle. Par conséquent, pour accéder au régime d'indemnisation prévu par les annexes 8 et 10, un soutien exceptionnel sera mis en place pendant six mois, en abaissant temporairement l'accès à l'intermittence à 338 heures. J'ai voulu qu'un certain nombre d'emplois fléchés vers les métiers artistiques soient ainsi déterminés dans le cadre du Plan « Un jeune, Une solution », coordonné par Élisabeth Borne, et qui intègrera de manière spécifique des outils de rapprochement entre jeunes artistes et techniciens, aussi bien pour des offres d'emploi que pour des offres d'apprentissage.

De même, le fléchage d'un certain nombre de crédits nouveaux est mis en place. J'avais annoncé 20 millions d'euros en mars pour le soutien aux équipes artistiques les plus fragiles. J'y ai ajouté trois dispositifs d'aides pour 30 millions d'euros. En premier lieu, a été mise en place l'aide au paiement des cotisations à travers le Guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), sorte de précompte destiné aux employeurs et qui en fait, est une diminution des cotisations sociales. A également été prévu le renforcement des aides du type café-culture aux petites structures, pour l'emploi artistique de proximité qui passe au travers des radars des aides. Nous avons également renforcé l'aide aux petites salles et les aides aux entreprises pour rémunérer les temps de répétition des artistes dans le cadre du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps).

Enfin, les droits aux indemnités journalières maladie et maternité sont maintenus jusqu'au 31 décembre 2021 pour les intermittents du spectacle dont la période de maintien des droits aurait expiré à compter du 1er mars 2020. Cette mesure s'appliquera à l'ensemble des arrêts de travail maladie et maternité intervenus à compter du 1er avril 2021. Cette mesure est donc assortie d'un effet rétroactif.

En définitive, nous assurons aux intermittents une protection de seize mois. Je répondrai à Pierre Ouzoulias que je retiens totalement cette idée d'un bilan. Non seulement nous dresserons ce bilan après la période estivale, afin de vérifier si les spectacles ont repris et si les évaluations du rapport Gauron sont validées par les pratiques telles qu'elles seront constatées, mais de plus une clause de revoyure sera prévue pour la fin de l'année. Nous évaluerons si les situations particulières ont bien été prises en compte. Je donne donc ces deux rendez-vous formels, car il ne faut exclure aucune difficulté. Personne ne sera laissé sur le bord de la route.

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