Merci madame la rapporteure. Nous tâcherons de rester synthétiques.
Nous ne sommes pas mobilisés de façon formelle en tant qu'institution dans l'orientation professionnelle, notamment dans l'enseignement, moment charnière avant Parcoursup, mais certains acteurs le sont, notamment les parents d'élèves. J'ai aussi pu me présenter dans les « amphis retape » des écoles d'ingénieurs, des écoles vétérinaires ou dans le secondaire.
Vous évoquez des jeunes vétérinaires frustrés. Il y a quelques années, la filière agronomique était davantage recherchée dans le classement de sortie des concours que la filière vétérinaire. Dans les années récentes, j'ai vu que le rapport s'était inversé, avec un afflux massif de jeunes femmes et de jeunes hommes vers la filière vétérinaire, plutôt que vers les études agricoles. Tant mieux pour le secteur de la santé animale, qui est important pour la santé globale, mais cette motivation a peut-être été excessive par rapport au marché de l'emploi, tandis que le marché agricole a pu moins faire rêver. C'est un défi assez fort, car les vocations sont effectivement en baisse dans l'enseignement technique agricole. Ce n'est toutefois pas le cas dans l'enseignement supérieur.
Cela a sans doute à voir avec l'image de l'agriculture, qui est en partie injuste. Il faut affronter cette réalité. On parle encore trop de « l'agribashing » ou de l'éloignement des Français vis-à-vis de leurs agriculteurs. Je pense qu'il faut mener une communication plus positive sur les métiers du vivant en général et sur les métiers de l'agriculture et de l'alimentation en particulier.
Il faut montrer de façon vivante et concrète les défis incombant aux prochaines générations comme la transition climatique, la transition alimentaire ou les enjeux du développement durable, sans se concentrer exclusivement sur ceux qui souffrent - même s'il faut traiter les problèmes des agriculteurs en difficulté. Exposer de telles success stories de jeunes agriculteurs qui s'installent, qui développent leur exploitation et qui sont heureux suscitera de nombreux déclics, pour l'enseignement technique comme pour l'enseignement supérieur. Nous y contribuons déjà, sans moyens de communication particuliers. Pour les recrutements de chercheurs, nous sommes présents sur les réseaux sociaux, en France et à l'international. Nous comptabilisons d'ailleurs chaque année 30 % de candidats étrangers dans les concours de chercheurs de l'Inrae.
Il est vrai que nous rencontrons régulièrement la même problématique, autour du choix des jeunes thésards intéressés par les défis à venir, qui peuvent être tentés de se tourner plutôt vers le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou le Centre national d'études spatiales (CNES). Nous nous devons de montrer que les enjeux de la recherche agronomique sont des enjeux cruciaux pour l'avenir de la planète. Nous sommes confrontés à cette question, mais plutôt sur le recrutement de chercheurs, et moins sur l'enseignement technique, faute de temps et de moyens. En tout cas, je partage votre diagnostic. Pour assurer le renouvellement des générations, il faut jouer sur le marché, le foncier ou la politique agricole commune (PAC), mais aussi sur l'image que nous renvoyons du secteur agricole.
Les MOOCs ont, pour leur part, surtout été bâtis avec des écoles d'agronomie et des écoles vétérinaires. Ils ont rencontré un vrai succès. Nous disposons d'une université numérique « agri-agro » parmi les mieux organisées au niveau mondial. Elle est francophone pour l'essentiel, ce qui est satisfaisant pour nos jeunes et pour la communauté francophone internationale. Elle pourrait sans doute être rééquilibrée vers l'anglais. Il reste que ces MOOCs n'ont pas été faits pour l'enseignement technique agricole. Quoi qu'il en soit, peut-être pourriez-vous inscrire dans vos recommandations la possibilité pour la DGER de fixer une priorité sur la continuité entre les MOOCs conçus avec les écoles du supérieur, en demandant à l'Ensfea de s'impliquer, en coopération avec Agreenium. Agreenium couvre en effet les organismes du supérieur et les organismes de recherche Inrae et Cirad. Comme nous ne sommes pas nécessairement légitimes pour nous tourner vers l'enseignement technique, une impulsion de la tutelle reste nécessaire.
J'évoquerai ensuite le lien avec les filières pour la recherche. Ce lien est majeur. Il s'exerce pour l'Inrae de différentes façons. Les réseaux mixtes technologiques sont un lieu d'interaction entre les instituts techniques agricoles, qui sont liés aux filières professionnelles. C'est aussi un lien de transfert, où prendre des idées pour lancer nos propres programmes de recherche.
Vous avez cité les cépages résistants. Cet exemple est très intéressant. Ce fut une initiative de l'Inra. À l'époque, ce projet a même été lancé sans trop l'annoncer à la profession viticole. Il y a vingt ou trente ans, il était difficile d'expliquer aux vignerons qu'il n'était peut-être pas pertinent d'utiliser autant de produits pour traiter le mildiou et l'oïdium. Annoncer frontalement que nous envisagions de faire évoluer les cépages aurait été un sacrilège. De nombreuses années plus tard, nous avons commencé à trouver des cépages naturellement résistants, qui ont produit des jus qui n'étaient pas de mauvaise qualité, à un moment où la pression sur les viticulteurs est devenue très forte. Les viticulteurs ont alors su se remettre en cause et ont accepté que nous collaborions. Depuis, les recherches sur les cépages résistants sont menées avec l'Institut français de la vigne et du vin (IFV), en lien avec les interprofessions. C'est une chance pour la France de compter un établissement comme l'Inrae, capable de défricher des approches, sur des financements publics et avec une certaine liberté, sans qu'il soit systématiquement nécessaire de recueillir la validation des professionnels, même si l'interaction reste forte.
Pour ce qui est de la perception des enseignements par les apprenants, nous recevons de très bons retours de la part des jeunes inscrits dans les filières de thèse, de doctorat et de post-doctorat, si j'en juge par le nombre de candidats à nos concours. Le principal problème que je rencontre n'est d'ailleurs pas un problème de budget global, mais de nombre de postes ouverts aux concours. À ce titre, la loi de programmation de la recherche que Frédérique Vidal a fait adopter au Parlement nous apporte une certaine visibilité sur des budgets en croissance. Elle devrait permettre de relancer les recrutements dans la recherche française en général, après une dizaine d'années de tassement ou de léger retrait de l'emploi dans le secteur. Ce n'était certes pas le secteur le plus maltraité de la fonction publique, mais il n'était pas non plus sanctuarisé. La baisse dans la recherche a atteint environ 1 % par an sur dix ans, soit 10 % au global. Nous nous félicitons de la perspective de hausse qui se dessine désormais pour les jeunes du supérieur qui souhaitent s'engager dans la recherche.
Pour ce qui est des incubateurs ou des startups, ce sont effectivement des lieux importants. Nous sommes présents dans un grand nombre de pôles de compétitivité. Nous sommes associés à un certain nombre d'incubateurs dans les sites universitaires où nous sommes présents. L'Inrae est probablement l'organisme de recherche national le plus décentralisé, davantage que le CNRS, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ou le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Historiquement, nous nous sommes plutôt développés dans les territoires. Nous sommes présents dans plus de trente sites universitaires en France, dont la plupart hébergent des incubateurs dans lesquels nous sommes des acteurs majeurs. Soit nous créons des startups qui sortent de nos laboratoires, soit nous les accompagnons dans les étapes les plus précoces. En effet, une politique intensive de soutien aux startups a été mise en place depuis quelques années. Nous pouvons les aider en leur cédant de la propriété intellectuelle, plutôt qu'en la leur vendant, comme nous le faisons avec des entreprises installées. Nous leur fournissons en parallèle un accompagnement scientifique, contre une participation minoritaire au capital. Si la startup réussit, nous sortons du capital et l'argent est réinvesti dans la recherche. Si elle ne réussit pas, au moins l'aurons-nous accompagnée le plus possible. Nous investissons dans la Tech, la Food Tech et l'environnement.