Intervention de Philippe Mauguin

Mission d'information Enseignement agricole — Réunion du 13 avril 2021 à 16h40
Audition de Mm. Philippe Mauguin président-directeur général de l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae christian huyghe directeur scientifique agriculture de l'inrae et cyril kao directeur de l'enseignement supérieur des sites et de l'europe desse de l'inrae

Philippe Mauguin, président-directeur général de l'Inrae :

En effet. C'est plutôt à la DGER d'y réfléchir.

Compter des personnes ressources à temps partiel ou à temps plein, engagées dans des problématiques concrètes, assurant un lien entre l'enseignement technique et la recherche, est très précieux. Un petit effort pourrait avoir de grands effets.

Pour ce qui est de faire évoluer les missions de l'Inrae prévues dans la loi, ce n'est pas notre priorité. L'Inrae reste largement embarquée sur la recherche et l'innovation au niveau du supérieur. Si l'enseignement technique s'y ajoutait, ce pourrait ne pas être très bien compris.

S'agissant de la coordination, le législateur, dans la loi de programmation de la recherche, a confié la gestion d'Agreenium à l'Inrae. Malgré notre taille, nous tâchons d'être au service de la communauté, sans jouer un rôle dominateur. Nous apportons donc du soutien à Agreenium, tout en respectant le rôle de l'ensemble des écoles. Je crois que ces dernières ont vraiment conscience de leur rôle. Le premier président d'Agreenium est d'ailleurs le directeur d'Agrosup Dijon. Je ne représente de surcroît qu'une voix dans le collège composé de l'ensemble des directeurs des écoles.

Agreenium pourrait travailler avec l'Ensfea et la DGER sur l'évolution des référentiels, pour que nos travaux sur les transitions agro-écologiques et alimentaires soient identifiés dans les référentiels, par les tiers-temps, dans les RMT, etc. Il pourrait être pertinent que le Sénat envoie un message à ce sujet, peut-être à travers une recommandation.

Nous tâchons d'appréhender les différents enjeux. Nous sommes peut-être l'un des établissements de recherche les mieux positionnés au niveau mondial. Nous travaillons beaucoup à l'international et nous n'avons pas à rougir de notre positionnement sur l'adaptation au changement climatique, vis-à-vis des filières végétales. Ainsi, nous savons à partir des prévisions du climat pour 2050 comment nos blés ou nos orges évolueront et quels idéotypes viser en sélection génétique, afin de disposer de variétés adaptées à des températures en croissance, mais aussi à des chocs climatiques ou des alternances entre des saisons parfois douces, des gels et des inondations. Les programmes de recherche génétique sont nombreux, puis nous passons ces résultats au crible du phénotypage, grâce à des stations qui permettent des simulations. C'est le cas pour le blé à Clermont-Ferrand ou pour la prairie près de Poitiers. Nous pouvons par exemple recréer de la pluie ou de l'absence de pluie, les conditions de CO2, etc. Nous préparons ainsi les variétés qui répondront aux enjeux climatiques des vingt prochaines années. Nous le faisons pour le végétal mais aussi sur les filières animales.

S'agissant du bien-être animal, qui constitue bien sûr un enjeu d'envergure, nous avons lancé un projet que vous connaissez peut-être, à travers un territoire d'innovation autour des filières d'élevage, dans trois régions pilotes : la Normandie (bovins lait), les Pays de la Loire (volailles) et la Bretagne (porcs). Les coopératives, les chambres régionales d'agriculture et les conseils régionaux y sont associés, ainsi que les ONG environnementales, les ONG welfaristes de protection du bien-être animal (à l'exception évidemment de L214 et des plus extrêmes) et les grandes surfaces. Nous avons tenu à associer les enseignes de distribution, pour que les investissements sur le bien-être animal aillent jusqu'au consommateur. Le projet comporte donc à la fois une dimension de recherche de base, tout en étant très orienté vers des applications à court et moyen terme pour faire progresser nos filières animales sur la question du bien-être.

De son côté, la question des salaires n'est pas taboue. Ce sujet a été porté dans le cadre de la discussion sur la loi de programmation de la recherche. Nous avons été en partie entendus car une revalorisation des rémunérations sera introduite. Quand il était Premier ministre, Édouard Philippe avait été surpris du faible niveau de rémunération des jeunes chercheurs. Il ne sera désormais plus possible de démarrer en deçà de deux fois le SMIC après un doctorat, deux post-docs et des études aux États-Unis, ces chercheurs pouvant être âgés de plus de trente ans et avoir charge de famille. J'ai moi-même contribué à un rapport sur la question. J'ai souligné que les rémunérations moyennes des chercheurs français étaient de 30 % inférieures à la moyenne de l'OCDE, sans parler des pays les mieux positionnés. Ce niveau était assez indécent. Il est logique que cette question constitue l'une des priorités de la loi de programmation de la recherche. Les régimes indemnitaires vont donc augmenter cette année. Ainsi, nous nous rapprocherons de la moyenne de l'OCDE, toutes choses égales par ailleurs, montant qui n'est pas particulièrement élevé mais qui apparaît déjà comme une marque de considération. Ceux qui veulent gagner de l'argent ne se tournent généralement pas vers la recherche publique, ce qui ne signifie pas qu'ils doivent accepter de vivre dans la précarité. Certains peuvent aussi vouloir créer leur entreprise ou leur startup, pour développer une activité en parallèle.

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