La contestation est difficile quand les résultats sont publiés dans des revues à comité de lecture. Ces contestations portent plutôt sur certains choix de politique scientifique, qui écartent d'autres pistes.
Certains observateurs du monde agricole estiment que nous sommes trop proches du monde écologique, et inversement. Certains chercheurs sont parfois contestés, y compris de façon violente, notamment ceux qui travaillent sur la génétique animale. J'ai moi-même été menacé pour nos recherches sur les animaux, même si nous sommes peu présents sur le champ de l'expérimentation animale et si nous faisons toujours très attention.
Une question a été posée sur l'équilibre entre la recherche fondamentale et d'autres activités. Il est important que les instituts de recherche fondamentale travaillent avec les instituts techniques et les chambres d'agriculture, mais chacun doit se concentrer sur sa mission principale. Dans l'enseignement supérieur, nos chercheurs ne peuvent pas se substituer aux professeurs. Ils peuvent apporter un soutien ciblé sur les enseignements de doctorat ou de master, mais uniquement sur un temps limité, pour témoigner devant les étudiants de leurs résultats de recherche. Il en va de même dans les lycées agricoles. Il faut être présent au bon endroit. Je pense que le ministère pourrait nous solliciter davantage sur la formation des professeurs. En tout cas, nous devons suivre notre ADN, qui est la production de connaissances nouvelles.
Au niveau de la recherche privée, nous avons tissé des liens avec de nombreux partenaires : petites et grandes entreprises, coopératives, associations ou réseaux associatifs comme France Nature Environnement ou Limagrain, qui affichent une forte capacité de recherche ou un véritable intérêt pour la recherche. Nous signons des accords-cadres avec ces partenaires, tout en conservant notre liberté de publication scientifique des résultats. Les résultats de la recherche menée dans nos laboratoires ne sauraient en effet être privatisés. Ils bénéficient toutefois de la primeur du partenariat et reçoivent ainsi un éclairage scientifique. Limagrain est par exemple l'un des acteurs historiques avec lesquels nous avons noué des liens forts.
Pour ce qui est des vaches à hublot, dont les images peuvent être choquantes, il est important de préciser que ces techniques sont les mêmes techniques de fistule que celles utilisées chez l'homme, au bloc chirurgical, dans les mêmes conditions opératoires et anesthésiques. Cette intervention est considérée comme sans douleur par les chercheurs et les éthologues. Elle est réalisée dans le respect de la sensibilité animale. Le hublot permet d'étudier le fonctionnement du rumen et la façon dont la cellulose se dégrade dans le rumen. Il n'est pas possible pour le moment de procéder autrement. Cette recherche est déterminante pour comprendre la production du méthane, qui est un puissant gaz à effet de serre, dans la digestion des bovins.
Si nous cessions cette recherche face à l'émotion suscitée par l'image, nous perdrions des années de recherche sur la réduction des gaz à effet de serre dans l'élevage. Les pouvoirs publics ont demandé à réduire le nombre de vaches appareillées. Nous travaillons de surcroît sur des simulateurs, renseignés grâce à ces expérimentations. Peut-être pourrons-nous conduire nos recherches en modélisation sous quatre ou cinq ans, via des fermenteurs et des rumens artificiels. Certaines techniques de recherche du CEA ont d'ailleurs pu être modélisées, alors qu'on pensait cette modélisation impossible. Il est très intéressant de travailler sur de tels jumeaux numériques, qui reproduisent un organisme vivant de façon quasi parfaite et permettent la modélisation de tous les flux, à l'échelle d'un organisme ou d'un organe.