Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 mai 2021 à 13h30
Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire — Communication

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, présidente :

Le Gouvernement a déposé le 28 avril 2021 un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire. Transmis par l'Assemblée nationale mercredi dernier 12 mai, ce texte a été adopté hier par la commission des lois et sera examiné cet après-midi en séance publique.

Dans ces délais d'examen si contraints, il me semblait difficile de vous proposer une saisine pour avis sur ce texte dont l'objet principal en matière sociale était initialement de prolonger des dispositifs existants relatifs au droit du travail et à l'activité partielle.

Cependant, plusieurs points de vigilance sur le droit du travail et deux sujets nouveaux en matière sanitaire nécessitent une attention particulière de notre commission des affaires sociales.

Aussi, après avoir sensibilisé à ces enjeux le rapporteur de la commission des lois, M. Philippe Bas, j'ai déposé quatre amendements au texte transmis par l'Assemblée nationale. La commission des lois, qui s'est réunie hier après-midi, les a tous intégrés à son texte de commission. Je tenais aujourd'hui, d'une part, à vous informer des enjeux pour notre commission du texte discuté et, d'autre part, à vous présenter les amendements que j'ai déposés.

J'évoquerai tout d'abord le droit du travail. L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre jusqu'au 30 septembre 2021 des ordonnances permettant d'adapter et de prolonger non seulement l'activité partielle « classique », mais également l'activité réduite pour le maintien en emploi, dite activité partielle de longue durée (APLD).

Le régime de droit commun de l'activité partielle a été élargi puis adapté par ordonnance tout au long de la crise sanitaire, ce qui était nécessaire compte tenu des incertitudes pesant sur l'évolution de l'épidémie et l'activité économique. En revanche, les dispositions relatives à l'APLD, introduites par amendement au Sénat dans la loi du 17 juin 2020, à l'issue d'une séance mouvementée, n'ont pas nécessité d'adaptations depuis.

La demande d'habilitation, justifiée par une concertation en cours, est formulée de manière très large. Or, il ressort de mon entretien du 7 mai dernier avec Mme Borne que la modification apportée au dispositif d'APLD ne serait que ponctuelle et concernerait la possibilité d'individualiser le dispositif.

En tout état de cause, c'est bien l'activité partielle « classique » qu'il faut continuer à adapter dans les mois à venir en vue de revenir progressivement au droit commun, et non l'APLD, qui deviendra attractive pour les entreprises concernées à partir du moment où les conditions d'indemnisation de l'activité partielle seront devenues moins favorables.

Quant à la question d'une éventuelle prolongation du dispositif d'APLD au-delà du 30 juin 2022, j'estime qu'elle devrait être débattue par le Parlement.

Mon amendement supprime donc l'habilitation à adapter par ordonnance le régime d'APLD, afin d'inviter le Gouvernement à présenter un amendement modifiant directement la loi ou demandant une habilitation circonscrite au strict nécessaire. Le Gouvernement avait pris cet engagement voilà un an, mais il ne l'a pas tenu.

Le Gouvernement demande par ailleurs à être habilité à prolonger par ordonnance les droits à l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Les demandeurs d'emploi relevant de ce régime peuvent actuellement bénéficier d'une prolongation de leurs droits jusqu'au 31 août 2021. Le Gouvernement ayant annoncé que cette prolongation serait prévue jusqu'au 31 décembre 2021, j'ai déposé un amendement tendant à supprimer l'habilitation et à inscrire directement cette date dans la loi.

J'en viens aux enjeux sanitaires. L'article 1er prévoit la création du « passe sanitaire ».

Les déplacements « à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution » et l'accès à « certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels » pourraient ainsi être subordonnés par le Premier ministre à la présentation d'une des attestations suivantes : le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 ; un justificatif attestant de l'administration d'un vaccin contre la covid-19 ; un document attestant du rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19.

L'accès aux activités de « la vie courante » ne serait pas conditionné à la présentation de tels justificatifs.

L'acceptabilité par la population de ces restrictions d'accès suppose qu'une option soit possible pour toute personne. La vaccination n'étant à ce jour pas ouverte à tous et n'ayant à ce stade pas vocation à être rendue obligatoire, cette préoccupation est à mon sens levée par le fait de présenter le test négatif comme une condition équivalente.

En outre, il convient de rappeler que la vaccination sera à terme ouverte à tous les adultes au moins, et ce sans critère. Elle est par surcroît prise en charge intégralement par l'assurance maladie, tout comme les tests de dépistage. Il n'y a pas de barrière « économique » à la présentation de l'un des justificatifs.

J'en viens maintenant au dispositif en lui-même. Le texte transmis présentait différentes lacunes opérationnelles et souffrait d'insuffisantes garanties de protection des données de santé, que j'ai souhaité combler en collaboration avec Philippe Bas, rapporteur pour la commission des lois.

Nous avons ainsi précisé le contenu et les modalités de mise en oeuvre du passe sanitaire mais aussi renforcé la protection des données à caractère médical qu'il contient.

Concernant le contenu du passe sanitaire, l'amendement que j'ai déposé apportait une précision rédactionnelle sur la notion d'administration d'un vaccin.

En effet, les schémas vaccinaux peuvent varier selon les types de vaccins, les antécédents de contamination de la personne et son immunité. Par ailleurs, les niveaux de protection varient selon que la vaccination est partielle ou complète. Enfin, l'immunité acquise par la vaccination n'est pas immédiate à l'issue de l'injection et la durée permettant de considérer l'immunité comme suffisante peuvent également varier. La notion de « statut vaccinal » me semble à privilégier.

Aussi, il reviendra au Premier ministre, en l'état des données scientifiques connues, de déterminer pour les restrictions faites aux accès ou déplacements quel statut de vaccination particulier est attendu.

Par ailleurs, l'amendement visait à exiger que soient précisés les éléments permettant d'établir l'un des documents exigés. Cela concerne tant le statut vaccinal - types de vaccins, éventuellement nombre de doses et durée depuis la dernière injection - que les tests - types de tests, durée de validité selon les tests - ou la notion de rétablissement - date de l'infection, éventuellement sérologie.

Concernant la protection des données à caractère médical, l'amendement que j'ai déposé visait à renforcer les exigences de protection de la vie privée. En effet, les documents demandés comportent des informations à caractère personnel avec des indications sur l'état de santé passé ou actuel.

Aussi, les établissements ou services qui auront à appliquer les restrictions d'accès ou de circulation, dont les personnels ne sont pas soumis au secret médical, n'ont pas à connaître de la nature du document qui autorise la personne concernée. Par ailleurs, la finalité du passe sanitaire n'est pas de limiter les circulations ou accès selon l'un ou l'autre des états permettant la production de l'un des documents acceptés.

Ainsi, il est prévu qu'une forme simplifiée soit proposée, limitant les informations accessibles au lecteur aux seules données strictement nécessaires au contrôle. À cet égard également, l'amendement visait en outre à affirmer l'interdiction de conservation, qu'elle soit sous forme de stockage numérique ou sous forme de copie papier, des documents présentés lors des contrôles. Il s'agit de prévenir toute constitution formelle ou informelle par les établissements ou sociétés concernés de ce qui relèverait d'un fichier de données de santé.

Enfin, l'amendement adopté garantit que la preuve de satisfaction à l'un des critères prévus peut toujours se faire sous forme électronique ou papier.

Concernant le format électronique, l'amendement donne une base légale à l'application « TousAntiCovid » sur sa fonctionnalité « Carnet » et prévoit que seules des applications reconnues « sûres » pourront porter les documents demandés. La rédaction proposée vise également à mettre cet article en conformité avec les exigences du règlement européen relatif au « certificat vert ».

Enfin, l'article 5 du projet de loi concerne les données de santé et vise à transférer les données contenues dans les systèmes SI-DEP et Contact Covid au système national des données de santé (SNDS).

Alors que l'épidémie de covid-19 est toujours en cours mais que le retour « au droit commun » s'organise progressivement, il apparaît important de garantir un cadre clair et sécurisant de conservation des données mais aussi d'exploitation future de celles-ci dans le cadre de la recherche scientifique. En effet, les données issues de SI-DEP et de Contact Covid présentent un potentiel particulièrement fort pour la recherche médicale et l'évaluation des politiques de santé publique.

Ainsi, afin de conforter juridiquement la définition des données transférées, le code de la santé publique est modifié à son article L. 1461-1 afin d'inscrire au titre des données du SNDS les données issues de la gestion de l'épidémie de covid-19 et traitées par les systèmes prévus par la loi du 11 mai 2020, à savoir SI-DEP et Contact Covid.

Par ailleurs, afin d'éviter des contradictions éventuelles entre différentes dispositions relatives à la durée de conservation des données, il est prévu de modifier les dispositions relatives à la suppression des données de la loi du 11 mai 2020 pour soumettre ces données de manière claire aux conditions du code de la santé publique.

Enfin, au-delà du seul transfert des données au SNDS, il apparaît nécessaire, au moins à ce stade, de sécuriser plus fortement l'accès à ces données particulières et leurs traitements possibles.

Ainsi, l'article L. 1461-3 du code de la santé publique est modifié pour préciser que l'accès et le traitement des données de ces deux fichiers suivent un protocole soumis aux règles spécifiques de la CNIL et du comité éthique. Par ailleurs, une sécurisation supplémentaire est apportée pour les données issues du fichier Contact qui apparaissent particulièrement sensibles : seuls les organismes publics ou chargés d'une mission de service public, listés après avis de la CNIL, peuvent y avoir accès.

Voilà les enjeux que je souhaitais porter à votre connaissance. Certains trouvent que le passe sanitaire ne va pas assez loin, d'autres qu'il est dangereux. Nous avons cherché à trouver le bon équilibre. Je vous proposerai à la rentrée de constituer une mission d'information sur les données de santé, sujet récurrent qui mérite notre réflexion. Il s'agit là encore de trouver le bon équilibre entre les exigences de la recherche et la protection de ces données.

La réunion est close à 14 h 15.

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