La proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote, votée à l'unanimité du Sénat en première lecture, a été adoptée par nos collègues députés le 25 mars dernier, à l'unanimité également. Si le texte nous revient, c'est que l'unanimité des députés s'est formée sur une rédaction légèrement différente de la nôtre. Je vous inviterai à joindre notre unanimité à la leur.
Notre rédaction, je le rappelle brièvement, pénalisait l'incitation d'un mineur à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ; interdisait la vente et la cession de protoxyde d'azote aux mineurs dans tout commerce et lieu public ; rendait obligatoire la mention sur tout contenant de protoxyde d'azote de la dangerosité du produit ; obligeait les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs à informer leurs utilisateurs des interdictions de vente de certains produits aux mineurs ; et il renforçait enfin la prévention des addictions dans le cadre scolaire.
Nos collègues députés ont d'abord clarifié certaines dispositions, notamment sur l'obligation d'étiquetage, sur la compétence des policiers municipaux, gardes champêtres, agents de surveillance et agents de la Ville de Paris pour la constatation des infractions prévues par le texte, ou encore son application à Wallis-et-Futuna.
Ils ont aussi procédé à des modifications plus substantielles.
D'abord, les députés ont étendu l'interdiction de vente aux majeurs dans les débits de boissons temporaires et les débits de tabac. C'est une mesure utile, car les cartouches destinées aux siphons à chantilly n'ont guère besoin d'être vendues ailleurs que dans les commerces de proximité.
Ensuite, ils ont décidé qu'une quantité maximale sera ouverte à la vente de chaque produit dont la provocation à l'usage détourné est réprimée par ce texte. Elle sera fixée par arrêté conjoint des ministres de l'économie et de la santé, une fois que cette loi, qui constitue, je le rappelle, une restriction aux échanges, aura été notifiée à la Commission européenne et après concertation avec les professionnels.
Enfin, ils ont interdit la vente et la cession de « tout produit spécifiquement destiné à faciliter l'extraction de protoxyde d'azote afin d'en obtenir des effets psychoactifs », ce qui vise notamment les crackers, ces ustensiles utilisés pour libérer le contenu des cartouches de gaz avant inhalation.
En visant en première lecture la protection des seuls mineurs, nous avions le sentiment d'avoir approché la limite de ce que nous pouvions faire pour encadrer la délivrance d'un produit qui reste de consommation courante. Les députés ont réussi à repousser un peu cette limite, afin de protéger aussi les jeunes majeurs : c'est tant mieux, et je crois que nous pouvons nous rallier à ces ajouts opportuns, sur lesquels la rapporteure Valérie Six a travaillé efficacement avec les services de l'État et auxquels elle a eu la courtoisie de m'associer très en amont.
Les députés ont en conséquence modifié l'intitulé de la proposition de loi, qui tend désormais « à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote ».
J'en termine avec un double regret, qui ne ternit toutefois pas complètement l'heureuse perspective d'adopter définitivement ce texte.
D'une part, les députés ont estimé que la rédaction de l'article 2 bis, relatif à l'obligation d'information des internautes par les intermédiaires numériques, était ambiguë. Jugeant en conséquence incertaine la portée de l'article, ils l'ont supprimé. On peut s'étonner que l'on n'ait su trouver d'autre moyen de sortir de l'ambiguïté que par la suppression, mais je ne vous proposerai pas de réintroduire cette disposition afin de ne pas ralentir l'entrée en vigueur du texte.
D'autre part, Valérie Six a plaidé fortement, avec le soutien de Valérie Létard et le mien, pour étendre aux majeurs le délit de provocation à faire un usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. Le Gouvernement doute manifestement que l'infraction puisse être qualifiée sans difficulté. Cette proposition a donc été repoussée, comme d'autres formulées en séance publique - celle d'interdire la vente de protoxyde d'azote dans les stations-service par exemple - avec la promesse du Gouvernement d'y revenir, le cas échéant, lorsque des éléments permettraient d'étayer une rédaction solide.
Nous pouvons sans doute déplorer ce qui ressemble à de la frilosité, mais nous pouvons aussi bien nous souvenir des mots de Boileau, qui a beaucoup fréquenté le château de Baville situé dans ma commune de Saint-Chéron : « Souvent trop d'abondance appauvrit la matière. » Ce qui est vrai pour l'art poétique l'est d'autant plus en matière législative, sans compter que souvent trop d'abondance ralentit aussi la navette. Or il se trouve qu'elle dure déjà depuis décembre 2019, et que les jeunes, pendant ce temps, n'ont pas cessé de s'intoxiquer. Ce texte fournit une base déjà très solide à la prévention des comportements dangereux des mineurs et des jeunes adultes : je vous invite donc, mes chers collègues, à l'adopter dans la rédaction qui nous est transmise par l'Assemblée nationale.