Intervention de Martin Lévrier

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 mai 2021 à 8h30
Proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs — Examen du rapport et du texte de commission

Photo de Martin LévrierMartin Lévrier, rapporteur :

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé du 27 mai la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

Ce texte, déposé par notre collègue députée Annie Vidal, vise à modifier le circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires dans le champ de l'emploi par un particulier employeur.

Compte tenu de son caractère technique et largement consensuel, je vous proposerai de l'adopter sans modification.

Avant toute chose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution : je considère qu'il comprend des dispositions relatives aux modalités de recouvrement des cotisations sociales complémentaires des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

En revanche, j'estime que des amendements relatifs au droit de la sécurité sociale et aux garanties de protection sociale complémentaire applicables à ces salariés, aux modalités de fonctionnement des dispositifs simplifiés de déclaration et de recouvrement de cotisations sociales applicables aux particuliers employeurs, au droit encadrant les relations individuelles et collectives de travail des salariés de ce secteur, et aux aides sociales et fiscales destinées à favoriser l'emploi d'un assistant maternel ou d'un salarié à domicile ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé.

De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.

Le secteur des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs est marqué par un fort degré d'atomicité - 3,4 millions de particuliers emploient 1,4 million de salariés - et par une grande instabilité des relations professionnelles dans le temps, chaque salarié changeant d'employeur de nombreuses fois au cours de sa carrière au gré des besoins du foyer, des déménagements ou de la scolarisation des enfants.

Le secteur du particulier employeur est aujourd'hui composé de deux branches professionnelles : celle des assistants maternels, dont la convention collective date de 2004, et celle des salariés des particuliers employeurs qui repose sur un accord collectif de 1999.

Pour assurer la protection sociale des salariés, les singularités de ce secteur sans entreprises, composé d'employeurs non professionnels, exigent un mécanisme de déclaration et de paiement des cotisations sociales adapté et allégé.

C'est la raison pour laquelle les Urssaf ont mis en place les services Pajemploi et chèque emploi service universel (CESU), qui assurent pour le compte de l'employeur la déclaration du salarié, l'émission des bulletins de salaire, le calcul et le recouvrement de l'ensemble des cotisations. Le produit de ces prélèvements est ensuite reversé par les Urssaf aux caisses et organismes de protection sociale.

Concernant les cotisations sociales complémentaires de santé et de prévoyance, leur circuit de recouvrement repose actuellement sur la désignation, par les conventions collectives des deux branches, d'un organisme de protection sociale complémentaire, le groupe Ircem, auquel les organismes de recouvrement reversent le produit des cotisations afférentes.

Les cotisations sociales complémentaires de retraite sont, quant à elles, reversées d'office à l'Ircem Retraite, membre de la fédération Agirc-Arrco, qui gère le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire des salariés du secteur privé.

Dans une décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que ces clauses de désignation portaient une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre, dès lors qu'elles privaient les employeurs du libre choix de l'organisme de protection sociale complémentaire de leurs salariés. Depuis, les clauses de désignation ont été remplacées par des clauses de recommandation, qui tendent à suggérer aux employeurs de chaque branche professionnelle un organisme de protection sociale complémentaire, sans pouvoir le leur imposer.

Par conséquent, les assistants maternels et les salariés des particuliers employeurs se trouvent confrontés à un risque de fragmentation de leur protection sociale complémentaire, chacun de leurs employeurs pouvant potentiellement désigner un organisme de prévoyance différent de celui retenu par les autres.

La proposition de loi vise à remédier à ce risque juridique dans le contexte de convergence des deux branches du secteur. En effet, après dix-huit mois de négociation, les partenaires sociaux sont parvenus, le 26 mars dernier, à un accord sur une convention collective commune, qui devrait être effective au 1er janvier 2022.

Conformément aux exigences du Conseil constitutionnel traduites depuis 2014 dans la loi, la nouvelle convention ne désigne aucun organisme de prévoyance en particulier. Elle confie la gestion du régime de protection sociale complémentaire des assurés à l'Association paritaire nationale interbranches (APNI).

Cette association a été créée par les partenaires sociaux en 2018 pour coordonner la mise en oeuvre d'actions sociales, culturelles et de formation professionnelle à destination des salariés des deux branches. À l'avenir, l'APNI pourrait également se voir confier la mutualisation d'autres garanties et droits sociaux des salariés du secteur, par exemple en matière de santé au travail.

Dans le cadre de la future branche unifiée, l'APNI désignera donc l'organisme de protection sociale complémentaire des assistants maternels et salariés du particulier employeur à l'issue d'une procédure d'appel d'offres respectueuse du droit de la concurrence.

Afin de permettre la mise en oeuvre de ce nouveau circuit de recouvrement, la proposition de loi confie à l'APNI le soin de recueillir le produit des cotisations sociales complémentaires collectées en son nom par les organismes de recouvrement. L'APNI pourra ensuite les reverser à l'organisme de prévoyance qu'elle aura désigné.

L'article unique modifie ainsi le code de la sécurité sociale : pour unifier explicitement dans la loi le recouvrement des cotisations des assistants maternels et des salariés du particulier employeur, déjà identique en pratique ; pour désigner l'APNI comme destinataire des cotisations sociales complémentaires recouvrées par les Urssaf ; et pour intégrer ce nouveau circuit aux dispositifs Pajemploi et CESU afin qu'ils demeurent le guichet unique des employeurs.

En adhérant de façon obligatoire à ces dispositifs, les particuliers employeurs délègueront à l'APNI la charge du recouvrement des cotisations sociales complémentaires de santé et de prévoyance. Si une forme de mutualisation demeurera, celle-ci sera par conséquent strictement nécessaire et proportionnée à la singularité du secteur.

La proposition de loi prévoit l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2022, date à laquelle la convention collective unifiée doit entrer en vigueur.

Dans la perspective de la convergence de ces deux branches professionnelles si semblables, l'adoption de ce texte est indispensable : pour sécuriser les droits sociaux des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs au sein de la future branche professionnelle unifiée ; pour conserver un circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires le plus adapté possible à l'exigence de simplicité liée à l'atomicité et à la précarité des acteurs du secteur ; et pour garantir le respect des prescriptions constitutionnelles et du droit de la concurrence.

C'est pourquoi je propose à la commission d'adopter cette proposition de loi sans modification.

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