La proposition de loi que nous examinons porte sur l'accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques. Elle a été transmise au Sénat en janvier 2020 et mise à l'ordre du jour à l'initiative du groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants auquel j'appartiens.
Je voudrais donner quelques éléments de contexte qui ont conduit les associations, notamment la Fédération française des diabétiques, à s'engager pour ce texte déposé par notre collègue députée Agnès Firmin Le Bodo.
De nombreuses restrictions sont encore constatées dans l'accès à certains emplois du fait de l'état de santé. Cela est vrai dans certains secteurs d'activité, comme les transports avec des conditions particulières d'aptitude. C'est aussi le cas dans certains emplois publics, comme la police nationale, et particulièrement vrai dans les armées.
Ces restrictions ne sont pas toujours proportionnées et justifiées, et les associations se battent pour que l'accès à ces emplois soit plus ouvert, en tenant compte de l'état réel de la personne et des traitements possibles pour compenser les éventuelles conséquences des pathologies chroniques. Je pense, par exemple, aux pompes à insuline de nouvelle génération qui permettent d'anticiper les crises d'hypoglycémie, et donc d'éviter des malaises.
De nombreux contentieux ont été relevés dans l'accès à des concours ou à des emplois. La jurisprudence est claire sur la nécessité de proportionner les restrictions aux strictes nécessités.
Les associations en conviennent, il y a de nombreux cas où des conditions particulières de santé sont légitimement requises et justifiées par les fonctions exercées. Elles regrettent cependant que certains référentiels classent de manière générale les pathologies : à ce titre, le référentiel SIGYCOP des armées est souvent mentionné.
La question est bien de veiller à la cohérence de la réglementation et à l'appréciation de la capacité de la personne à répondre aux exigences fixées.
Un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) estime que 25 % de la population active sera atteinte d'une maladie chronique à l'horizon 2025. L'inclusion des personnes atteintes de maladies chroniques est donc une question importante.
Le sujet n'est pas épuisé par la seule jurisprudence : le Défenseur des droits fait l'objet de nombreuses saisines sur la base de discriminations en raison de l'état de santé.
Certains problèmes relèvent sans doute aussi d'un manque de volonté de l'État, les textes sur ce sujet étant essentiellement réglementaires. La proposition de loi a été déposée en première intention pour débattre de ce sujet et contraindre le Gouvernement à agir, alors qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales était annoncée il y a deux ans...
Si le texte a une portée symbolique qu'il ne faut pas négliger, j'ai surtout souhaité, en tant que rapporteur, renforcer sa portée normative et l'impact qu'il pourrait avoir. Il s'agit de faire avancer le droit là où cela est possible et de forcer les employeurs publics et privés à se poser régulièrement la question de la pertinence et de la justification des restrictions éventuelles.
J'en viens aux articles de la proposition de loi.
L'article 1er tend à créer un comité d'évaluation des textes réglementant l'accès à certaines professions. Si cet article n'est pas du niveau législatif, j'estime que ce comité pourra produire un travail utile de recensement des textes applicables et évaluer leur pertinence au regard des fonctions exercées et traitements possibles.
L'article 2 est le coeur de la proposition de loi.
Le I prévoit un principe de non-discrimination repris du code du travail, appliqué aux maladies chroniques. Cela ne me paraît pas être la plus opportune des rédactions, le code du travail prévoyant déjà une non-discrimination en raison de l'état de santé. Surtout, le champ de ce principe n'étant pas bien défini, je redoute que la portée en soit faible.
Immédiatement après, le I bis autorise les restrictions prises en vertu de dispositions législatives et réglementaires liées aux fonctions visées. Il faut cependant signaler qu'est mentionnée la notion de « traitements possibles ».
Ce I et ce I bis entreraient en vigueur dans les deux ans après la promulgation de la loi quand le III du même article prévoit une révision dans les deux ans des restrictions admises... dans deux ans.
Force est de constater que la conjugaison des I et I bis donne un schéma peu opérant qui, selon moi, s'en tient au droit existant. Je doute des effets juridiques qui seraient susceptibles d'être produits par un tel dispositif.
Cet article pose différents problèmes qui conduisent, à mon sens, à devoir le réécrire.
L'article 3 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement au bout d'un an sur les progrès réalisés par le comité. Ce format ne semble pas pertinent.
L'article 4 prévoit une campagne d'information sur le diabète et l'inclusion sur le marché du travail des personnes diabétiques.
À titre personnel, j'aurais souhaité que cette proposition de loi puisse être votée conforme pour être appliquée rapidement. Force est de constater que les incohérences dans la rédaction venant de l'Assemblée nationale nous semblent devoir être corrigées. Nous veillerons néanmoins à ce que la deuxième lecture à l'Assemblée nationale puisse intervenir rapidement.