Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter, aux côtés de mes collègues François Bonneau et Hervé Maurey, rapporteurs pour avis, le texte élaboré par la commission sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances.
Compte tenu de la diversité des sujets abordés, trois commissions ont été saisies de ce texte, chacune apportant son expertise et sa complémentarité dans ses domaines de compétence respectifs. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a ainsi examiné trente et un articles, un article ayant été délégué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et dix articles ayant été confiés à la commission des finances.
Les articles examinés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable portent sur trois domaines : les transports – aérien, routier et maritime –, la prévention des risques et la protection de l’environnement.
Dresser un panorama complet du projet de loi qui nous est soumis n’est pas chose facile, tant les sujets abordés sont techniques, spécifiques et nombreux. Dans les interstices de cette complexité, nous avons décelé des sujets de fond aux implications très concrètes pour certains acteurs de terrain, comme les personnels navigants aériens ou les gens de mer, que nous aurons l’occasion d’évoquer plus en détail.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous propose une présentation globale des chapitres qui concernent la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en m’arrêtant sur les points les plus saillants. J’identifie trois axes forts, qui ont orienté les travaux de cette commission.
Tout d’abord – et c’est le premier axe –, ce texte vise à préparer la présidence de la France au Conseil de l’Union européenne, qui débutera au premier semestre 2022. Durant six mois, notre pays sera au tout premier plan de la scène européenne. Il s’agit de lui permettre d’assumer ses responsabilités avec cohérence et exemplarité.
Il y a bien longtemps, au début des années 2000, notre pays était l’une des lanternes rouges de la transposition du droit européen, avec 176 directives en retard d’intégration. Nos collègues de la commission des affaires européennes, anciennement délégation aux affaires européennes avant la réforme constitutionnelle de 2008, au sein de laquelle j’exerce les fonctions de vice-président, expliquaient ce phénomène de la façon suivante : le Gouvernement et l’administration allaient parfois négocier à Bruxelles des directives, puis semblaient, dans certains cas, se dérober face aux mécontentements qu’ils auraient dû affronter au moment de leur transposition en droit interne.
La situation a bien changé, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État. La France est désormais parmi les champions d’Europe de la transposition, si vous me permettez cette expression. Je me réjouis de cette évolution, dans laquelle je souhaite que s’inscrive le projet de loi qui nous est soumis. C’est la raison pour laquelle notre commission a souhaité modifier ce texte pour garantir un respect encore plus rigoureux de nos obligations européennes.
Ainsi, à l’article 16, qui vise à mieux encadrer la teneur en soufre des combustibles marins, la commission a adopté un amendement visant à préciser explicitement que les navires qui fonctionnent en système ouvert et qui rejettent du soufre dans la mer doivent respecter le plafond de teneur en soufre maximale de 3, 5 %, comme l’exige la directive européenne.
À l’article 20, qui porte sur le travail des jeunes à bord des navires, la commission a comblé une importante lacune de transposition. Le droit européen prévoit en effet que ces jeunes ont droit à un temps de pause quotidien. Le droit français prévoyait cette garantie, qui a été abrogée par erreur, par voie d’ordonnance, en 2010. À l’unanimité, la commission a décidé de réintroduire ce temps de pause dans notre droit.
Cet exemple démontre, une fois de plus, que le recours aux ordonnances s’accompagne bien souvent d’une moindre qualité normative. Le constat est d’autant plus alarmant que l’article 20 vise aussi à revenir sur une ordonnance ayant modifié, au mois de septembre dernier, le cadre juridique de la période de travail de nuit à bord des navires d’une manière non conforme à la directive européenne. Or on ne peut laisser subsister instabilité et incertitudes juridiques ni contourner le Parlement dans un domaine aussi sensible que les conditions de travail de mineurs.
Voilà qui plaide une fois de plus, mes chers collègues, pour un examen vigilant des demandes d’habilitation qui nous sont adressées par le Gouvernement.
Ensuite – et c’est le deuxième axe –, plusieurs articles visent à atténuer les effets de la crise sanitaire et du Brexit. J’en citerai deux.
D’une part, l’article 19 a pour objet de permettre le maintien de la possibilité pour les ferries qui naviguent entre la France et le Royaume-Uni d’exploiter des casinos en dépit du Brexit. Depuis la loi pour l’économie bleue de 2016, il est possible d’exploiter des casinos flottants sur les lignes intracommunautaires. Cette mesure, introduite par un amendement adopté dans cet hémicycle, visait à renforcer la compétitivité de la flotte française face à la concurrence étrangère, notamment britannique. Les machines à sous sont essentielles à l’équilibre financier des compagnies de ferries françaises, actuellement frappées de plein fouet par la crise et le Brexit. Je vous propose le maintien de cette mesure qui s’inscrit dans la continuité de la position qui était la nôtre lors de son introduction en 2016.
D’autre part, l’article 21 concerne l’impact de la crise sanitaire pour les marins. Depuis le mois de mars 2020, près de 8 000 marins ont été placés en activité partielle dans notre pays. Cet article soumet les périodes d’activité partielle effectuées par des marins au versement de cotisations vieillesse, afin d’atténuer les effets de la crise sur le montant de leur retraite. C’est une avancée sociale que je tiens à saluer. Toutefois, madame la secrétaire d’État, je regrette vivement que vous n’appliquiez ce dispositif qu’à compter du 1er mai 2021 au lieu de prendre en compte la crise sanitaire dans son entièreté.
Nos marins affrontent actuellement une situation générale très difficile avec un courage exceptionnel. Au cours des auditions, des gens de mer m’ont fait part de la situation de certains de leurs collègues qui devront retarder leur départ à la retraite afin que le montant de leur pension ne soit pas affecté.
Cette situation me préoccupe et j’aurais déposé un amendement sur ce point si l’article 40 de la Constitution me l’avait permis. Il n’est pas souhaitable que certains marins, déjà fortement éprouvés par le contexte actuel, se retrouvent à devoir travailler plus longtemps pour compenser les effets de la crise, situation qu’ils n’ont pas choisie. D’après les informations que j’ai pu recueillir, quelques dizaines de personnes tout au plus seraient concernées.
Madame la secrétaire d’État, avec nombre de mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire, je vous appelle à aller au bout de votre démarche afin de neutraliser totalement les effets de la crise sur ces marins.
Comme je vous l’ai indiqué, notre commission a gardé à l’esprit le contexte de crise tout au long de ses travaux, en veillant à protéger plus efficacement certains acteurs particulièrement fragilisés.
Ainsi, s’agissant du volet aérien du projet de loi, les personnels dont nous avons rencontré les représentants s’inquiètent des conditions de mise en œuvre du nouveau dispositif de tests, portant non pas sur l’alcool ou les stupéfiants, mais sur des substances psychoactives parfois prescrites par un médecin. Quid du secret médical et de la vie privée ? Quid également des « faux positifs » dont la pandémie a rappelé l’existence ?
Nous proposons d’approuver l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet compte tenu des garanties offertes par le dispositif, mais nous soulignons la nécessité de respecter le secret médical et d’agir avec tact, surtout et y compris dans la période dramatique que traverse aujourd’hui le secteur aérien.
En revanche, les personnels navigants sont rassurés par le renforcement des sanctions prévues pour les passagers indisciplinés, dits PAXI dans la langue des conventions internationales. Le décuplement des incidents en vingt ans relevé dans les statistiques correspond malheureusement à une réalité de terrain ; les incivilités et les violences doivent cesser.
Enfin – et c’est le troisième axe de nos travaux –, je vois dans ce texte un prélude aux débats que nous aurons dans les prochaines semaines lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience. En effet, il comprend sept articles relatifs à l’environnement et à la prévention des risques. J’en citerai deux.
L’article 26 vise à garantir le respect du système de quotas conçu par l’Union européenne pour réduire la circulation de fluides frigorigènes, ces substances que nous retrouvons quotidiennement dans nos réfrigérateurs ou systèmes de climatisation et qui ont un pouvoir de réchauffement climatique entre 1 000 et 15 000 fois plus puissant que le CO2.
À l’article 16, que j’ai déjà cité, qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins, nous avons adopté un amendement visant à préciser que les méthodes mises en œuvre sur certains navires afin de réduire les émissions de soufre ne peuvent avoir d’incidence négative sur l’environnement.
Notre objectif est de lutter plus efficacement contre les scrubbers, ces systèmes d’épuration qui permettent à certains navires de filtrer les polluants au niveau des cheminées afin de respecter les normes de pollution de l’air, pour ensuite les rejeter à la mer. Ces scrubbers sont un véritable fléau pour les écosystèmes marins. Selon l’Agence européenne pour la sécurité maritime, ils seraient responsables de 78 % des rejets en mer.
Telles sont les trois logiques qui ont irrigué nos travaux : assurer l’exemplarité de la France sur la scène européenne, atténuer les effets de la crise, renforcer la protection de l’environnement.
J’ajouterai un dernier point : notre commission a souhaité garantir une meilleure transparence économique du secteur aéroportuaire. Elle a donc adopté un amendement permettant de conforter les pouvoirs de l’Autorité de régulation des transports, en prévoyant un pouvoir de collecte des informations dans le domaine aérien analogue à ce qui existe pour le transport ferroviaire.
Mes chers collègues, avant de conclure, je souhaite mentionner le groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui a récemment rendu ses conclusions. Le groupe de travail a dressé le constat de la hausse massive du recours aux ordonnances et appelé à une réappropriation, par le Parlement, de ses prérogatives en matière de ratification.
Notre commission a ainsi voulu saisir l’occasion offerte par ce texte pour montrer l’exemple, en introduisant un article 24 bis proposant la ratification de six ordonnances prises sur le fondement de la LOM en 2020 et 2021.