Intervention de Gilbert-Luc Devinaz

Réunion du 19 mai 2021 à 15h00
Transports environnement économie et finances — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Gilbert-Luc DevinazGilbert-Luc Devinaz :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la période inédite que nous traversons ébranle les fondations du projet européen, déjà fragilisées par le retrait du Royaume-Uni. Cet accord a été éprouvant pour l’ensemble des parties et demande encore de nombreux ajustements dans des domaines comme le transport ou bien la pêche, pour n’en citer que quelques-uns.

Il nous faut aujourd’hui, alors qu’elle traverse une zone de turbulences sans précédent, consolider l’Europe de demain à vingt-sept États membres autour de notre projet commun. Car, outre la perte de l’un de nos membres, la période est plus que singulière : il nous faut faire face à l’épidémie du coronavirus dans laquelle le monde entier se débat encore, plus d’un an et demi après son apparition.

Cette crise sanitaire et sociale a eu des conséquences de tous ordres, à commencer par la restriction des libertés, l’un des fondements du projet européen, mais aussi sur nos modes de vie, sur l’État de droit et l’économie. Elle porte atteinte au cœur même de nos ambitions européennes.

Cette crise sans précédent a mis en exergue la vulnérabilité de l’Union et ouvre les yeux sur les impératifs de résilience et d’autonomie stratégique. Ainsi, la relance européenne est sans doute une chance unique pour consolider la construction de l’Union, surtout pour sortir plus forts de la pandémie, transformer nos sociétés, créer de nouvelles opportunités et répondre ainsi aux impératifs environnementaux.

L’Union européenne doit être plus soudée que jamais face aux défis exceptionnels auxquels nous sommes confrontés. L’harmonisation est, me semble-t-il, l’une des clés de voûte de notre performance.

Le projet de loi que nous examinons est bien désigné par son titre : il agrège un ensemble divers de mesures qui permettra à la France de montrer patte blanche à la veille de sa présidence du Conseil de l’Union européenne.

Sa cohérence ne tient guère qu’à l’adaptation de notre droit aux évolutions législatives décidées par les législateurs européens. Il est hétérogène et technique, mais essentiel pour garantir la bonne application des réglementations européennes. Dans sa version actuelle, je le rappelle, le texte transpose douze directives à travers quarante-deux articles, dont trente et un ont été examinés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Toutefois, s’il est de coutume que les projets de loi sur les diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne soient complexes, techniques et hétéroclites, ils ne devraient pas être inscrits à l’ordre du jour dans des délais aussi courts, alors que le calendrier est déjà bien chargé. Les conditions d’examen sont discutables, vu l’ampleur et l’importance des sujets traités.

Je me contenterai donc de passer rapidement en revue quelques dispositions particulièrement importantes, dont certaines auront des conséquences concrètes.

Sur l’aérien, la sécurité et la sûreté seront renforcées, mais il est impératif de voter cette transposition à condition que les pilotes puissent bénéficier non seulement du secret médical, mais aussi de mesures de contre-vérification des tests de dépistage d’alcool ou de psychotropes. Notre groupe a proposé un amendement en ce sens à l’article 1er du texte.

Concernant les télépéages, au regard de l’agitation et de l’effervescence du Gouvernement engagé dans la lutte contre le changement climatique, je trouve paradoxal que notre pays transpose des dispositions européennes contradictoires avec le projet de loi Climat et résilience que nous étudions actuellement.

Vous validez, par la transposition de la directive concernant les télépéages, la volonté d’harmoniser un système européen. Cela montre à quel point votre approche régionale de l’écocontribution poids lourds dans le projet de loi Climat et résilience est « micro ». Vous fabriquez un dispositif « puzzle », ingérable tant pour les régions que pour les transporteurs et en contradiction complète avec ce que vous nous proposez de valider dans ce texte.

Pour autant, cette directive représente tout de même la première fondation d’une approche européenne, en attendant l’eurovignette poids lourds. De facto, la position du Gouvernement n’est pas très claire.

Sur le détachement des travailleurs routiers, la transposition des nouvelles règles encadrant le transport routier était très attendue, à la suite des longues négociations relatives au paquet mobilité, qui ont duré plus de trois ans.

Cette disposition permettra, je l’espère, d’améliorer concrètement les conditions de travail des chauffeurs routiers, la régulation des règles de cabotage, notamment face à la distorsion de concurrence résultant des réglementations des pays de l’Est, mais aussi du détachement des transporteurs routiers.

En juillet dernier, le Parlement européen votait le paquet mobilité pour le transport routier. Malgré les mesures en cours, de nombreuses lacunes et difficultés d’exécution persistaient autour de la législation européenne, avec une application différente entre les États membres. Ce nouveau cadre juridique et le train de mesures sur la mobilité que nous allons valider permettront une meilleure application des règles.

Vu la complexité de l’harmonisation et de la clarification des règles sur le détachement des conducteurs, il est nécessaire d’instaurer une application plus ferme des règles spécifiques à ce secteur. Cette application assurera un équilibre entre, d’une part, la liberté des opérateurs des services transfrontaliers et, d’autre part, de bonnes conditions de travail et de protection sociale pour les conducteurs, dont la nature du travail reste difficile. Cette réforme donnera enfin des conditions sociales décentes aux transporteurs routiers.

Effectivement, c’est un sujet politique majeur que le président Emmanuel Macron avait enfourché en début de mandat, allant jusqu’à affirmer qu’il allait tout régler. A fortiori, les transporteurs routiers sont restés une exception, à la suite des pressions exercées par les pays de l’Est, qui vivent en grande partie du cabotage.

Grâce au long travail de la commission du transport et du tourisme du Parlement européen et de sa présidente, Karima Delli, de nombreux progrès ont été portés au paquet mobilité, bien qu’un peu tardivement, ce que je regrette. Les distorsions de concurrence des dernières années ont déjà beaucoup épuisé les transporteurs nationaux.

Ce texte présente un progrès sur les conditions de travail et les obligations de retour au pays pour limiter le cabotage, mais aura-t-on des moyens de contrôle suffisants et significatifs ? On attend sur ce sujet une réponse du Gouvernement.

Au sujet du littoral, je tiens à saluer la mise en place d’exemptions de certaines normes du code de l’urbanisme liées au littoral. Il faut souligner qu’elles sont essentielles à l’égard des spécificités de la localisation de Calais.

Pour clore mon propos, je souhaite évoquer à mon tour les indemnités des marins. Vous acceptez de transposer une disposition dans la volonté d’atténuer les conséquences de la crise sanitaire due au covid-19 pour les marins. En ces termes, elle prévoit que les périodes d’activité partielle seront soumises au versement de cotisations vieillesse à compter du 1er mai 2021. Le groupe socialiste approuve bien évidemment cette mesure. Néanmoins, comme l’a souligné le rapporteur, je tiens à alerter sur un point, et non des moindres : l’application de cette disposition au 1er mai 2021 va créer une discrimination par rapport aux salariés ayant débuté le chômage partiel dès le début de la pandémie, en 2020.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste réclame que la prise en compte des indemnités d’activité partielle dans le salaire de référence retenu pour le calcul de la pension des marins puisse s’appliquer dès le 1er mars 2020, pour empêcher toute forme de discrimination. Le couperet de l’article 40 de la Constitution ne nous a malheureusement pas permis de déposer un amendement allant en ce sens, et nous souhaitons que le Gouvernement s’explique à ce sujet.

Au regard de ces éléments et des apports résultant de nos travaux en commission et en amont de la séance, le groupe socialiste se prononcera pour l’adoption de ce texte.

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