Intervention de Max Brisson

Réunion du 20 mai 2021 à 14h45

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas le premier à le dire cet après-midi, l’examen de ce projet de loi suscite en moi des sentiments partagés. Mais c’est la déception qui prédomine. Comment un texte annoncé, attendu, peut-il passer sous silence l’essentiel, c’est-à-dire les enjeux liés aux affrontements concurrentiels dans le paysage audiovisuel ?

Le Gouvernement justifie son inaction par la crise sanitaire. Pourtant, l’engouement suscité durant cette période par les plateformes américaines a bien montré l’urgence de défendre l’ensemble de la chaîne de création audiovisuelle française. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cadre fixé par la loi de 1986 n’est plus adapté au contexte actuel. Certes, on l’a compris, tout cela obéit à la volonté politique de ne pas ouvrir un dossier sensible à un an de l’élection présidentielle. C’est infiniment regrettable !

Je m’alarme plus particulièrement pour l’audiovisuel public, dont il faudra bien un jour moderniser l’offre, revoir les moyens et repenser l’organisation ainsi que la gouvernance. Nous prônons depuis plusieurs années, au Sénat, la création d’une société mère unique, à même de définir une stratégie globale et d’affirmer une identité spécifique. L’audiovisuel public doit plus que jamais se concentrer sur ses missions et marquer sa différence.

C’est ce modèle d’une « BBC à la française » qu’envisageait le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin en 2015. Le premier projet de loi, malheureusement avorté, en reprenait les conclusions essentielles. Il n’en est, hélas ! aujourd’hui plus question.

Il est donc bien clair que le Gouvernement a renoncé à traduire dans la loi l’engagement de campagne du candidat Emmanuel Macron pour l’audiovisuel public. Il ne souhaite pas davantage s’impliquer sur des projets susceptibles de faire débat dans le paysage audiovisuel privé.

Bref, le projet de loi gouvernemental est maigrelet : création de l’Arcom, adaptation de la lutte contre le piratage, contrôle de la cession de catalogues d’œuvres françaises. Certes, ce sont là quelques mesures utiles, mais bien limitées dans leur ampleur.

Fort heureusement, figurent désormais dans ce texte des propositions ambitieuses de notre rapporteur Jean-Raymond Hugonet, qui y a introduit plusieurs marqueurs essentiels.

Concernant l’audiovisuel public, notre rapporteur a proposé qu’une des chaînes du groupe France Télévisions soit consacrée à des programmes dédiés à la jeunesse. Le Sénat est ainsi fidèle à sa volonté de pérenniser France 4, que le Gouvernement voulait fermer en août.

Nous pouvons nous féliciter, cher Jean-Raymond Hugonet, que le Président de la République se soit finalement rallié à notre position il y a trois jours, en retenant précisément notre formule de programmation jeunesse en journée et culturelle en soirée.

Nos autres propositions, en revanche, ne rencontrent guère l’enthousiasme du Gouvernement. Je le regrette.

Parmi celles-ci, nous proposons au sujet du piratage d’élargir les pouvoirs de l’Arcom en instituant la possibilité d’une transaction pénale. Plusieurs années de pratique de « réponse graduée » nous montrent combien il est nécessaire de responsabiliser davantage les internautes.

Notre commission a également veillé à la protection des droits d’auteur dans le contexte d’utilisation des contenus par les plateformes. Je pense, notamment, aux accords que nous souhaitons voir conclure avec le secteur de la presse. Nous écouterons attentivement vos remarques sur ce sujet, madame la ministre.

Enfin, notre rapporteur propose de rééquilibrer les rapports entre distributeurs et producteurs. C’est nécessaire, car les chaînes françaises sont aujourd’hui contraintes de financer des programmes dont elles ne maîtrisent pas les droits par la suite, et elles ne peuvent ni contrôler leur revente à des concurrents ni en attendre de recettes. Or le contrôle de l’exploitation des œuvres dans un environnement désormais mondial devient déterminant pour les ressources des chaînes et, donc, pour leur capacité à rester des opérateurs forts du financement de la création.

Nous espérons que les propositions de notre rapporteur seront finalement entendues et marqueront l’architecture définitive du texte, sachant, par ailleurs, que nous avons toute confiance dans la négociation professionnelle entre les acteurs.

À la suite des travaux de notre commission et des propositions de notre rapporteur, ce projet de loi, largement amendé, a donc pris une nouvelle dimension. Aussi le groupe Les Républicains lui apportera-t-il tout son soutien.

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