Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, plusieurs big-bangs annoncés par le Gouvernement se sont transformés en mesurettes.
Concernant l’audiovisuel, ce sont les aléas épidémiques et calendaires qui ont eu raison du projet de loi structurel que notre assemblée aurait dû examiner. À défaut, c’est un texte à l’épure plus limitée qui nous est présenté. Pourtant, la covid n’a pas eu raison du piratage et n’a pas fait disparaître les attentes d’un secteur audiovisuel constitutif de notre patrimoine commun.
À rebours de ce qui se fait habituellement à cette tribune, je tiens à souligner ce que ce projet de loi ne dit pas, ne crée pas et ne prévoit pas, en dépit des bouleversements induits par la société de l’écran. Les enjeux du numérique impliquent, en effet, de faire évoluer un cadre législatif et normatif par trop dépassé. Nous pensons aux lois de 1986 et 2009, mais également aux instruments qui assurent actuellement la régularisation qu’une grande nation culturelle doit à ses créateurs.
Cette déception sur le cadre restreint de la loi se double d’une inquiétude légitime, car les crédits de l’Arcom dépendront d’un budget dont nous ne savons rien et qui, cette année, revêtira deux caractéristiques particulières. Il s’agira de la dernière loi de finances de ce quinquennat et celle-ci s’inscrira dans un contexte de crise dont nous savons la rudesse pour le monde culturel.
J’insisterai sur trois éléments du projet de loi originel que notre rapporteur et plusieurs de mes collègues ont eu à cœur de gommer.
Le texte initial ne traitait pas, hélas ! des disparités réglementaires qui obèrent les capacités d’investissement des acteurs historiques. Je pense au dispositif anti-concentration mentionné à l’article 41 de la loi Léotard, dont le CSA estime lui-même qu’il est obsolète face aux évolutions démographiques, économiques et technologiques du secteur. Je pense aussi aux limites imposées aux groupes en matière de rachat des chaînes de la TNT et au manque d’incitations à l’intégration verticale indispensable au financement de programmes de flux, qui contribuent également au dynamisme de la création française.
Le texte initial ne traitait pas non plus, hélas ! des difficultés d’un secteur radiophonique en crise structurelle, alors que nous célébrons les cent ans de ce média et les quarante ans de la libération de la bande FM. Nous aurions pu intégrer à nos discussions la question du régime des mentions légales ou des quotas. En effet, le développement des plateformes de streaming audio, qui échappent à cette régulation, devra nous conduire tôt ou tard à répondre à un dilemme fondamental : étendre ces quotas au service de musique à la demande ou réviser les trois régimes existants. Nous savons que l’enchevêtrement des critères bride parfois la liberté éditoriale des professionnels.
Le texte initial ne traitait pas non plus, hélas ! de la modernisation d’une TNT que nous savons économique, écologique et surtout vectrice d’un maillage territorial indispensable à l’égalité devant l’offre audiovisuelle.
En somme, nous débattons principalement d’une loi antipiratage, dont la mesure phare demeure la création de l’Arcom. Sur ce point aussi, pourquoi ne pas être allée plus loin, madame la ministre, en vous inspirant du modèle britannique et de son puissant office des communications ? Je rappelle que, chez nos voisins, qui ont eu plus de dix ans d’avance sur la directive SMA, ce sont cinq entités fusionnées et des capacités d’enquête qui garantissent l’effectivité des missions de cette super-autorité de contrôle.
Madame la ministre, c’est avec la saine exigence qui caractérise cette assemblée, son esprit d’ouverture et sa technicité que nous saluons les intuitions d’un texte dont le cadre nous apparaît toutefois trop restreint. Permettez-moi de citer l’un de vos illustres prédécesseurs pour vous dire notre bienveillante déception et l’esprit constructif qui nous guide, sous l’impulsion du rapporteur Hugonet. Ainsi que l’écrivait Maurice Druon, « la critique nous est profitable, quand elle nous aide à travailler dans le sens de l’amélioration ».