Intervention de Jérémy Bacchi

Réunion du 20 mai 2021 à 14h45
Œuvres culturelles à l'ère numérique — Article 1er

Photo de Jérémy BacchiJérémy Bacchi :

Nous avons déjà eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises de la question des sites miroirs. Je peux entendre et comprendre la volonté du Gouvernement : il n’y a rien de plus frustrant que de voir un site bloqué réapparaître quelques heures plus tard à la faveur d’un simple changement d’extension.

Pour autant, il existe un véritable problème de définition. Dans le texte visant à lutter contre les contenus haineux sur internet – la loi dite Avia –, censuré par le Conseil constitutionnel, on parlait de « service […] reprenant le contenu […] en totalité ou de manière substantielle ». C’est aussi la rédaction retenue par le Sénat dans l’article 19 du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme. L’Assemblée nationale préfère quant à elle la formulation « service […] dont le contenu est identique ou équivalent à tout ou partie du contenu » du service original.

Le présent projet de loi revient à la rédaction de la loi Avia. Mais de quoi parle-t-on ?

En informatique, on considère le miroir comme une copie exacte d’un ensemble de données. À la lumière de cette précision, un site miroir est une reprise intégrale et identique du site originel. C’est ce que l’on peut retrouver dans les sites strictement identiques qui réapparaissent grâce à un simple changement d’extension.

En l’espèce, le projet de loi va bien plus loin et, surtout, laisse à l’autorité administrative le soin de placer le curseur. Est-ce qu’un site qui changerait la colorimétrie d’un film piraté, son rythme ou son montage serait considéré comme le site miroir de n’importe quel site de piratage bloqué par décision judiciaire ? Une personne qui s’amuserait à reproduire l’exercice de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette dans La Classe américaine serait-elle un pirate ou un créateur ? Pourrait-il voir son œuvre être censurée par l’autorité administrative ?

Nous faisons alors face à deux difficultés. Tout d’abord, le champ extrêmement large laissé à l’interprétation de la loi par l’autorité administrative. Ensuite, le manque de moyens humains dédiés à la lutte contre les sites miroirs – il risque de conduire à une surcensure.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion