Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du 20 mai 2021 à 14h45
Œuvres culturelles à l'ère numérique — Article 2 bis

Roselyne Bachelot :

Je vais bien sûr m’adresser à l’ensemble de la Haute Assemblée, mais aussi, plus précisément, s’il me le permet, à M. Assouline.

Monsieur le sénateur, je tiens à saisir l’occasion qui m’est donnée pour saluer votre engagement depuis plusieurs années en faveur de la consécration d’un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse et, plus largement, en faveur de la défense des créateurs. Il fallait que cela soit dit.

La loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse témoigne de ce que la presse n’est pas un secteur économique comme les autres. Les plateformes numériques qui captent la valeur créée par les journalistes, les éditeurs et les agences doivent contribuer au financement de ce secteur.

Nous savons tous que la mise en œuvre de ce droit se heurte malheureusement à des difficultés qui résultent pour l’essentiel de la position de l’un des acteurs dominants, qui refuse de négocier de bonne foi avec l’ensemble des acteurs concernés.

Je comprends donc parfaitement et partage le souhait de la commission de la culture du Sénat, inquiète de cette situation de blocage, de trouver une solution pour que ce droit voisin soit pleinement mis en œuvre. La situation actuelle est néanmoins complexe et invite à la prudence.

J’attire tout d’abord votre attention sur la nécessité d’agir avec précaution sur un plan juridique, compte tenu des risques de fragilisation qu’une telle action pourrait faire peser sur le dispositif au regard du cadre fixé par la directive européenne, qui ne laisse qu’une marge de manœuvre très limitée.

À cet égard, le Sénat s’est attaché à ce que la loi du 24 juillet 2019 soit aussi précise que possible, mais dans le strict respect du droit européen. En revanche, je ne suis pas convaincue que l’article 2 bis présente les mêmes garanties. Le vote d’une telle disposition pourrait susciter de nouveaux recours dilatoires de la part des plateformes et retarder encore la mise en œuvre de ce droit voisin, auquel nous sommes très attachés.

Par ailleurs, toutes les familles de presse, rejointes par l’Agence France Presse, ont déposé plainte contre Google – c’est de cette société qu’il s’agit… – auprès de l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante. La décision rendue par cette autorité le 9 avril 2020 conforte le bien-fondé de la demande des acteurs de la presse.

L’Autorité de la concurrence devrait se prononcer très prochainement sur le respect par la société Google de l’injonction de négocier de bonne foi que l’Autorité lui avait adressée. Une nouvelle condamnation aurait nécessairement un effet décisif sur les négociations avec les éditeurs et les agences de presse.

L’article 2 bis me paraît prématuré, dès lors que toutes ces voies de droit ne sont pas épuisées. Compte tenu du contexte que je viens d’exposer, mon amendement vise donc à supprimer l’article 2 bis. Je veux cependant vous assurer, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de l’engagement sans faille du Gouvernement à prendre toutes ses responsabilités dans les combats qu’il reste à mener sur ce sujet.

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