En préambule, je tiens à exprimer mon scepticisme s’agissant de la mise en parallèle du piratage des contenus culturels et de celui des contenus sportifs.
D’abord, il y a une différence liée à l’instantanéité. On peut regarder un film ou une série bien après sa sortie. Vous me direz que l’on peut aussi regarder un événement sportif en différé. Certes, mais il risque alors de ne plus avoir la même valeur…
Ensuite, les droits télévisés sportifs, en particulier ceux du football, sont aujourd’hui une machine spéculative. Le scandale Mediapro n’est que la conclusion inéluctable d’années, voire de décennies, d’errance : une minorité d’acteurs a tenté de se tailler une grosse part du gâteau, quitte à faire prendre des risques à tous les autres.
D’ailleurs, les mêmes qui invitaient la ministre, avant la crise sanitaire, à ne pas se mêler de leurs affaires appellent depuis un an l’État à la rescousse ! À l’époque, ce dernier ne devait surtout pas se positionner sur la bulle des droits télévisés, des transferts et des salaires, le sport étant un marché concurrentiel. Aujourd’hui, son soutien serait nécessaire. La dérégulation engagée depuis des décennies n’aurait-elle donc pas que des vertus ?
Mes chers collègues, comme l’a souligné Jérémy Bacchi, l’émergence du piratage sportif n’est qu’une conséquence de la volonté d’autonomiser le sport vis-à-vis non seulement des pouvoirs publics, mais également de celles et ceux qui le font vivre, au premier rang desquels les supporters. Car certains dirigeants font preuve de la même hypocrisie à l’égard de l’État que des supporters. Après une année passée avec des stades vides, les déclarations invitant les supporters à « rester à leur place » paraissent bien loin…
Or la grande majorité des pirates sont justement des supporters qui n’ont plus forcément les moyens financiers, pratiques, voire légaux, d’aller au stade ou de prendre des abonnements télévisés pour suivre leur équipe. Finalement, c’est tout l’écosystème du sport professionnel mis en place au cours de ces dernières années qui devra être revu pour lutter contre le piratage.