Intervention de Jean-Pierre Sueur

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 19 mai 2021 à 9h00
Proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits et proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Ce sujet est très délicat et complexe. Il n'est pas certain que les propositions de loi qui nous sont soumises prospèrent, d'autant que la Chancellerie prépare un projet de loi.

Nous partageons certainement tous l'émotion que suscite cette question. Même si nous pouvons entendre les juristes, il est difficile de comprendre qu'un acte soit déclaré antisémite et condamné comme tel et que son auteur soit déclaré irresponsable. Si l'acte est antisémite, c'est que son auteur a la volonté de le poser comme tel. Il est normal que nos concitoyens s'interrogent sur ce paradoxe.

Notre groupe a lancé une réflexion approfondie sur le sujet ; nous vous soumettrons des amendements de séance - nous voulions entendre Mme le rapporteur auparavant.

La proposition de loi que vous avez présentée était simple au départ : elle avait pour objet de modifier l'article 122-1 du code pénal. Mais après avoir procédé à des auditions, d'autres dispositions nous sont proposées. C'est dire si cette question n'est pas simple !

Dans leur rapport sur l'irresponsabilité pénale, Dominique Raimbourg et Philippe Houillon appellent à ne pas modifier l'article précité, de même que les professeurs de droit, les représentants des syndicats de magistrats, les représentants des avocats pénalistes. Autant nous pouvons modifier certains articles, autant il semble difficile effectivement de toucher au principe général posé par cet article - telle est d'ailleurs la position de Mme le rapporteur.

L'idée de recourir à la juridiction de jugement se heurte aux observations de Mme Vérien. Cette procédure risque de mettre fin au prononcé des irresponsabilités. La juridiction de jugement ne prononce que des peines, mais ne décide pas de l'irresponsabilité. Pensez-vous que des jurés d'assises déclareront, après des heures et des heures d'audiences, que la personne est irresponsable ? Non, c'est la chambre de l'instruction qui prononce l'irresponsabilité au vu d'expertises psychiatriques.

Sept experts psychiatriques, sauf peut-être l'un d'entre eux, se sont prononcés dans le même sens dans l'affaire Halimi : ils ont retenu la bouffée délirante. Je ne suis pas spécialiste, mais ils affirment que cette bouffée délirante est indépendante de l'état de toxicomanie. Mais la cour d'assises prononce une peine, la question de l'irresponsabilité ne se pose plus. Y a-t-il des cas où des cours d'assises ont prononcé l'irresponsabilité pénale ?

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