Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer l'impact qu'a eu la crise sanitaire sur les stations de ski. C'est d'autant plus utile que les médias donnent souvent de nous une image déformée. Nous avons d'ores et déjà tiré quelques enseignements de cette crise et je vous ferai part de nos réflexions sur la manière dont nous envisageons de rebondir et dont on pourrait, à l'avenir, contrer les effets négatifs de ce type d'épisodes.
La fermeture des stations de ski a évidemment constitué, sur nos territoires, un véritable séisme. Le tourisme y est une mono-activité, en particulier en hiver. L'interdiction de réouverture des remontées mécaniques affecte tout un écosystème.
Contrairement à ce qui a pu être dit, les touristes n'ont pas été nombreux dans les stations de ski cette année. La fréquentation s'est établie à 20 % des chiffres habituels et s'est concentrée exclusivement pendant les périodes de vacances scolaires. D'un point de vue économique, la situation est encore plus désastreuse, car les touristes présents ont moins dépensé qu'habituellement. Les pertes économiques sont de 100 % pour le domaine skiable et les restaurateurs, de 95 % pour les moniteurs de ski, mais aussi de 80 % pour les magasins de sport.
S'il est vrai que les clients qui se sont rendus à la montagne cette année ont apprécié leur séjour, ils ne représentent qu'un client sur les cinq qui viennent habituellement. Par ailleurs, beaucoup se sont rendu compte que les autres activités proposées à la montagne étaient plus physiques encore que le ski, d'autant que la montagne n'était pas sécurisée dans les mêmes conditions que les années précédentes. Je pense que la plupart d'entre eux se tourneront à nouveau vers le ski lors de leurs prochains séjours et que la crise n'aura eu qu'un effet modeste sur l'intérêt qui peut être porté à d'autres activités.
S'agissant des indemnisations, elles ont été lentes à arriver, mais il faut reconnaître qu'en ce qui nous concerne, elles devraient nous permettre de surmonter la période de crise en limitant grandement les dégâts. Elles couvrent approximativement 70 % de nos charges fixes. Nous sommes néanmoins inquiets de voir que beaucoup d'entreprises des territoires de montagne ont été très mal indemnisés, alors qu'ils ont eux aussi subi les conséquences de la fermeture des remontées mécaniques : je pense aux magasins de sport, aux hébergeurs. La santé financière de beaucoup d'entre eux est menacée.
Nous avons des inquiétudes quant au retour des touristes étrangers à l'avenir. Cette année blanche aura pu casser leurs habitudes. D'autres pays ont fait le choix de maintenir leur domaine skiable ouvert. C'est le cas de la Suisse qui a pu préserver 80 % de son activité. Il faudra que nous mettions en place des plans de commercialisation et de communication d'envergure pour attirer de nouveau les touristes étrangers, d'autant que la Suisse ou l'Autriche misent beaucoup sur le tourisme de montagne et ont jusqu'ici une force de frappe plus importante qu'Atout France.
En ce qui concerne l'impact de la crise sur les investissements, la Compagnie des Alpes a souhaité maintenir un haut niveau d'investissement pour l'été prochain afin de soutenir les territoires sur lesquels elle opère et de préserver sa compétitivité. Les aides publiques nous y aident. Mais si nous venions à perdre des parts de marché ou que notre fréquentation devait baisser sous l'effet de l'instauration de quotas, nous n'aurions plus le même niveau d'autofinancement et nous devrions revoir nos investissements à la baisse.
La lutte contre le dérèglement climatique nous impose d'investir pour demeurer compétitif et faire évoluer notre offre pour répondre à cet enjeu. Il va nous falloir investir de manière différente et, si possible, moins onéreuse. Nous sommes convaincus qu'il faut opérer une transition environnementale. Nous avons d'ailleurs déjà mis en place un programme d'énergies renouvelables à Serre-Chevalier et de nombreux domaines skiables français réalisent des investissements dans ce domaine. Nous pensons néanmoins qu'il serait juste que cette transition environnementale se fasse au niveau mondial et concerne tous les secteurs d'activité.
Nous ne comprenons pas pourquoi les stations de ski sont aujourd'hui si décriées d'un point de vue environnemental. Ce ne sont pas des gouffres énergétiques. La pratique du ski ne porte pas atteinte à l'environnement. Les Français n'empruntent pas l'avion pour venir dans nos stations. Toutes nos infrastructures fonctionnent à l'électricité. Nous avons fait beaucoup de progrès sur l'hébergement : les bâtiments ont été isolés, les appartements de ski ne sont plus les « cages à lapin » d'autrefois.
Nous n'avons d'ailleurs pas compris en quoi la population courait plus de risque de contamination en se rendant dans une station de ski qu'en restant à domicile ou en allant passer les fêtes en famille, comme elle y a été autorisée. Les vacances au ski sont avant tout des vacances familiales et non festives : seule une part tout à fait marginale des touristes fréquente les bars et les boites de nuit.
La mise en place d'un tourisme durable appelle en revanche une vraie réflexion sur la manière d'étaler la fréquentation de nos sites. C'est une question essentielle pour toutes les zones touristiques, qu'elles soient en montagne ou sur le littoral. En montagne, la taille de nos infrastructures est liée au nombre très important de touristes que nous accueillons pendant les vacances scolaires. Il faut garder à l'esprit que la France est l'un des seuls pays européens dont les dates de vacances scolaires sont aussi concentrées. Ce n'est pas forcément justifié, puisque le classement PISA montre que tous les pays qui ont des vacances plus étalées que la France obtiennent de meilleures performances éducatives.