Intervention de Marine Charpentier

Délégation aux entreprises — Réunion du 6 mai 2021 à 9h00
Table ronde sur « les travailleurs des plateformes »

Marine Charpentier :

Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invitées à cette table ronde.

Je vous propose d'organiser mon propos liminaire autour de trois axes, respectivement :

- la présentation de l'entreprise Uber et des travailleurs qui utilisent les deux applications (Uber et Uber Eats) ;

- nos constats réalisés pendant la crise sanitaire au sujet des travailleurs et de leur activité ;

- l'exposition de notre vision pour le futur, notamment à l'aune de l'ordonnance sur le dialogue social, permettant d'accéder à un véritable dialogue sectoriel en 2023.

Uber est avant tout une entreprise de technologie qui s'occupe de deux applications d'intermédiation. Implantée depuis plus de dix ans en France, l'entreprise s'est d'abord consacrée au monde des VTC (Voiture de Transport avec Chauffeur), en mettant en relation des chauffeurs et des passagers, puis en 2016, à l'activité de livraison à domicile.

Les profils des travailleurs sont variés. Les chauffeurs VTC exercent une profession plus réglementée, ils travaillent généralement à temps plein et doivent passer des examens. Leur activité nécessite donc des coûts d'entrée. À l'inverse, l'activité des livreurs à domicile est partielle par nature, étant saisonnière et pendulaire. En conséquence, les profils des travailleurs diffèrent. Ainsi, âgés de 25 ans en moyenne, il s'agit majoritairement d'étudiants, ou de salariés souhaitant compléter leurs revenus.

Différents constats ont été réalisés pendant la crise. Au sujet du travail des plateformes, nous avons remarqué que l'essor de la livraison a permis à un certain nombre de personnes, parfois non éligibles aux aides de l'État, d'accéder à des revenus non négligeables pendant la crise. Ce travail représentait une véritable opportunité, en raison de sa flexibilité et de ses faibles barrières d'accès. Lors d'une consultation annuelle, 78 % des livreurs interrogés par Uber ont déclaré être satisfaits de leur expérience pendant la crise.

Le manque de protection sociale restait cependant prégnant pour les indépendants. Uber a par ailleurs fourni gratuitement des équipements de protection individuelle, ou a remboursé leur achat. Une compensation financière a aussi été mise en place en cas de contamination au Covid ou de quarantaine imposée aux travailleurs. Ces mesures se sont ajoutées aux aides gouvernementales et au fonds de solidarité. Ainsi, nous concluons que cette crise doit permettre d'accélérer la mise en place de nouvelles mesures, notamment en matière de protection sociale pour les indépendants. D'une part, l'ordonnance sur le dialogue social nous semble essentielle, car elle permettra d'obtenir en 2023 des accords sectoriels, assurant des minimas en termes de revenus, de formations professionnelles, ou encore de prévention des risques. D'autre part, de nouvelles mesures sur la protection sociale pourront être envisagées. Les représentants des travailleurs de plateforme ont informé Bruno Mettling qu'ils souhaitaient, en complément de l'ordonnance sur le dialogue social, un autre texte pour la protection sociale.

Je terminerai avec notre vision qui consiste à vouloir concilier l'indépendance, la flexibilité et une meilleure protection sociale. Ces trois points sont primordiaux, car 89 % des chauffeurs nous expliquent qu'ils choisissent ce métier pour devenir leur propre patron. De même, un sondage Odoxa révèle que 85 % des indépendants optent pour ce statut délibérément.

Les premiers travaux réalisés sur la protection sociale, comme la loi El Khomri ou la loi d'orientation des mobilités, représentent des avancées encore insuffisantes. Le sondage d'Odoxa met en exergue les disparités qui demeurent entre les indépendants et les salariés, malgré des revenus équivalents. Le dialogue social et la protection sociale sont donc des enjeux majeurs, mais nous estimons nécessaire de travailler à une meilleure prévisibilité juridique. De fait, les décisions de justice qui émanent parfois d'une même juridiction entrent en contradiction. Il importe donc de clarifier la frontière entre indépendant et salarié, comme en témoigne la décision de la Cour européenne sur la plateforme Yodel.

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