Bonjour, je suis Mathias Dufour, président du think tank #Leplusimportant, qui travaille à lutter contre l'insécurité économique en développant l'employabilité des travailleurs. Je souhaite rebondir sur la distinction faite par Barbara Gomes entre indépendance et autonomie. Selon moi, les travailleurs sont attachés à leur autonomie, mais pas forcément à leur indépendance.
Il existe différentes catégories de travailleurs de plateforme et différentes plateformes. Au sein des plateformes d'emploi, certaines définissent les modalités du travail et le tarif - s'insérant ainsi dans le périmètre des responsabilités sociales définies par la loi El Khomri - mais d'autres ne le font pas. Des distinctions peuvent également être apportées selon l'activité exercée, car s'il existe un véritable désir d'indépendance chez les VTC, la situation diffère chez les livreurs. Les plateformes étant très nombreuses et les problématiques aussi, il importe de bien les distinguer.
Notre avis est qu'il faut permettre le développement de l'un des rares secteurs économiques créateurs d'emplois peu qualifiés en France. Toutefois, des asymétries inacceptables nécessitent que les rapports soient rééquilibrés. J'ai moi-même contribué à la « task force », ou mission Mettling, nommée par Élisabeth Borne. J'espère dès lors que l'ordonnance sur la représentation des travailleurs s'accompagnera d'un complément sur le dialogue social. Ce dialogue est essentiel, car il est créateur de droit. Il doit permettre des accords, mais aussi de choisir un modèle social accepté par les travailleurs. Celui-ci ne correspondra pas forcément au statu quo actuel ou au salariat, lequel repose sur un équilibre de droits et de devoirs différent de celui des travailleurs des plateformes.
Des avancées concrètes nous semblent possibles, comme le fait de reconnaître la responsabilité de l'employeur pour la santé et la sécurité des travailleurs au travail. Cette mesure ne conduirait pas au salariat, mais reconnaîtrait une responsabilité en termes de prévention des risques, comme le Code du travail le prévoit dans le cas des co-salariés sur des chantiers par exemple. Il serait aussi possible de promouvoir la portabilité des données personnelles des travailleurs, qui sont essentielles pour leur exercice. Cette mesure n'aurait pas d'incidences sur ce modèle économique fragile.
Nous pouvons également envisager de renforcer la formation professionnelle par un financement des plateformes et de l'État, grâce à un abondement au CPF (compte personnel de formation) justifié par le risque accru de déqualification qui touche les travailleurs du numérique.