Intervention de Barbara Gomes

Délégation aux entreprises — Réunion du 6 mai 2021 à 9h00
Table ronde sur « les travailleurs des plateformes »

Barbara Gomes :

Je vais rebondir sur ce que disait Monsieur Novelli. De fait, il importe de réfléchir rapidement à la situation des indépendants des plateformes, car les livreurs sont parmi les travailleurs les plus précaires. L'urgence sociale et économique que nous constatons doit entraîner des réponses.

La question est de savoir s'il revient à l'État de financer les conséquences d'une perte d'activité ou d'un accident, ou si une contribution patronale doit être imaginée. Le droit du travail et de la protection sociale existe déjà. Il paraît étonnant de vouloir réinventer en permanence de nouveaux dispositifs, alors que ceux qui existent fonctionnent et peuvent être adaptés.

Je voudrais insister sur les travailleurs des plateformes qui ne bénéficient pas du régime général des maladies professionnelles, du fait de leur statut d'indépendant. La solution actuelle correspond à une logique assurantielle. Dans le cas d'un travailleur qui se fracture la jambe lors d'une livraison, un montant de 1 500 € lui est versé d'après mes dernières informations. Or, cette jambe cassée pourrait conduire à un arrêt de travail de cinq ou six mois. Ce système est donc bien différent d'une protection par le régime de sécurité sociale qui cherche à compenser l'impossibilité de travailler pour toute la période. Nous pourrions débattre longtemps sur ces deux conceptions de la protection sociale. Ces mécanismes assurantiels sont aussi difficiles à mobiliser pour les travailleurs des plateformes.

Monsieur Novelli expliquait que le droit du travail français se concentrait sur le salarié grâce à la définition de ce statut et que l'indépendant, n'ayant pas encore été défini, ne pouvait pas être bien protégé. Au Royaume-Uni, la définition de l'indépendant est celle de l'entrepreneur, lequel est maître de son destin économique, libre sur le marché, choisit ses conditions de travail et ses tarifs. En s'appuyant sur cette définition, nous constatons que les travailleurs des plateformes ne peuvent pas être assimilés aux entrepreneurs. C'est, du moins, l'avis des juges anglais à propos des chauffeurs VTC d'Uber. En Espagne, en 2016, un projet visait à définir un statut particulier pour les travailleurs indépendants, en intégrant aussi les travailleurs indépendants économiquement dépendants. Malgré cette définition, la ministre du Travail, Yolanda Diaz, a annoncé que les livreurs des plateformes bénéficieraient d'une loi spécifique qui instituerait la présomption salariale.

Cette solution me semble être la plus simple et la plus sécurisante, à la fois pour les plateformes qui sauront sur quel droit se fonder et pour les travailleurs. Je termine en soulignant qu'il ne faut pas dévoyer le travailleur indépendant. Ce statut implique de lancer une activité en prenant tous les risques que cela comporte, tout en espérant dégager des profits. Vouloir insérer de force ces travailleurs en quête d'autonomie dans l'indépendance revient à dévoyer ce qu'est l'indépendant et l'entrepreneuriat.

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