Intervention de Marine Charpentier

Délégation aux entreprises — Réunion du 6 mai 2021 à 9h00
Table ronde sur « les travailleurs des plateformes »

Marine Charpentier :

Merci. Ce n'est pas parce qu'une solution semble évidente qu'elle est la meilleure. Dans le cas présent, elle reviendrait à imposer le salariat à des indépendants qui disent vouloir garder ce statut.

Concernant l'aspect juridique, personne ne nie l'existence de l'arrêt de la Cour de cassation. Cependant, cet arrêt n'a pas été suivi par les juges du fond. La majorité des décisions de 2020 correspondent à un refus d'une requalification en salariat. Les cours d'appel de Lyon et de Paris ont réalisé des arrêts très clairs, en sachant que le sujet ferait l'objet d'un débat devant la chambre sociale. Il faut aussi rappeler, comme l'expliquait le doyen Huglo, qu'il s'agissait d'un arrêt bien plus politique que juridique. Étant donné l'absence de voie intermédiaire entre salariat et indépendance, les juges se sont sentis forcés d'aller vers la voie du salariat pour faire avancer le gouvernement et envoyer un signal d'alarme aux plateformes.

Dès réception de l'arrêt, nous avons renforcé des travaux déjà initiés pour améliorer l'indépendance des travailleurs, par exemple, au sujet des informations dont ils disposent en amont de la livraison ou de la course. Grâce à la LOM, la durée du trajet ou la destination sont désormais communiquées aux travailleurs pour qu'ils acceptent ou refusent une mission. La LOM rappelle aussi que les plateformes n'ont pas le droit de sanctionner un travailleur pour le refus d'une mission.

Parallèlement, nous continuons de nous concerter avec les représentants des associations de chauffeurs ou de livreurs qui se sont formées au sujet de la rémunération. Ces discussions ont d'ailleurs donné lieu à des modulations des grilles tarifaires dans certaines villes.

Enfin, je voudrais montrer les conséquences de l'application du salariat en évoquant le cas du canton de Genève en Suisse, où nous avons été condamnés à recourir à des travailleurs salariés, non pas de la plateforme, mais de sociétés de gestion de flotte : 75 % des livreurs qui utilisaient Uber n'ont plus eu accès à cette application, car ils n'avaient pas été recrutés par ces sociétés et les 25 % restants ont continué d'exercer avec les contraintes du salariat

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