Je voulais préciser que les juges qui opèrent des requalifications, en droit français et britannique désormais, s'intéressent aux conditions réelles de l'activité. En dépit des possibilités théoriques laissées aux travailleurs, c'est la pratique de l'activité qui est étudiée. L'objectif est de savoir si les livreurs ont réellement la capacité de s'organiser.
En pratique, peu de travailleurs vont d'une plateforme à une autre. De plus, beaucoup se professionnalisent en réalisant des heures de travail élevées, parce que les rémunérations sont faibles. La dégradation des conditions de travail a pour conséquence une extrême paupérisation et cette précarité contraint à accepter des conditions de plus en plus difficiles.
Il y a toujours eu des divergences entre les juges de fond, mais l'arrêt de la Cour de cassation fait figure de droit. Le choix du maintien des travailleurs sous ce statut d'indépendant ou non est donc politique.
L'algorithme est la traduction informatique du pouvoir patronal pour l'organisation du travail. Lorsqu'il est créé pour organiser une activité, il traduit des directives, des contrôles et des sanctions qui sont automatisés en langage informatique. Les plateformes, comme toutes les entreprises utilisant un algorithme, ont intérêt à avoir le contrôle de ces instruments et le contrôle informatique suffit généralement.
Comme l'a mentionné Madame Chagny, les représentants du personnel peuvent donner leur avis pour toute introduction technologique dans une entreprise. Nous pourrions aussi imaginer que l'introduction d'un algorithme devienne la compétence de CSE (Comité social et économique). L'intérêt de reconnaître aux travailleurs le statut de salarié n'en serait que renforcé, car toutes les questions abordées aujourd'hui seraient résolues par cette reconnaissance. Le CSE serait en capacité de réfléchir aux algorithmes et à leurs influences sur l'organisation du travail, car il existe des obligations de confidentialité lorsque ces algorithmes relèvent du secret professionnel.
Il serait intéressant d'essayer d'adapter le cadre qui existe à une pratique, plutôt que de construire du droit du travail et du droit social, sans avoir des droits opposables qui permettraient l'efficacité et la sécurité de cette législation. Enfin, je pense que les plateformes conceptualisent et organisent une activité. À ce titre, il est normal qu'elles contribuent aux cotisations sociales et qu'elles soient responsables au niveau juridique.