Intervention de Pierre Lelouergue

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 8 avril 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur le bilan de l'application de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées à l'occasion du cinquième anniversaire de la loi

Pierre Lelouergue, inspecteur à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) :

La mise en place de ces parcours de sortie de la prostitution représente un travail considérable mais nous regrettons qu'elle ne soit pas plus rapide. Le taux de refus des parcours de sortie est tellement important que certaines associations nous ont confié ne présenter que les dossiers les plus susceptibles d'être acceptés, c'est-à-dire ceux des personnes déjà quasiment sorties de la prostitution. Les autres se retrouvent donc d'autant plus vulnérables. L'harmonisation des critères d'examen des dossiers est donc fondamentale. La sortie de la prostitution s'avère compliquée, pour des raisons évidentes. Obligées d'arrêter de se prostituer pour bénéficier du parcours, ces personnes se retrouvent rapidement sans ressources ni hébergement. Certaines parviennent à être relogées par des associations afin de pouvoir envisager un projet d'insertion.

L'aide octroyée pour permettre cette sortie de la prostitution nous semble vraiment insuffisante. Son montant de 330 euros pèse peu face aux gains générés par l'activité prostitutionnelle. Les personnes se trouvent démunies et tentées de reprendre leur activité, ou sont récupérées par les réseaux. Le soutien financier et l'hébergement sont donc indispensables, ainsi que le soutien aux associations oeuvrant sur le terrain.

Nous manquons aujourd'hui cruellement de données sanitaires, les dernières datant de 2011. Il est nécessaire de les actualiser, puisque la sociologie et les risques sanitaires ont évolué. Il faut assurer le suivi des données épidémiologiques. Nous pensons notamment aux risques de transmission des maladies sexuellement transmissibles. Les prostituées les connaissent généralement bien, mais les clients négocient de plus en plus pour ne pas porter de préservatif, arguant que ce sont eux qui prennent de plus en plus de risques. Le risque de contamination est donc relativement contrôlé, mais on peut légitimement s'inquiéter du relâchement des comportements de prévention chez les plus jeunes, et ce dans toute la société.

Il existe également des conséquences uro-gynécologiques et psychologiques. Les violences physiques ou psychologiques des clients, des autres personnes prostituées et des proxénètes sont nombreuses. Il est d'autant plus difficile d'envisager un parcours de sortie. Ces situations doivent être identifiées. Le système de santé est adapté à la prise en charge, mais encore faut-il que les personnes parviennent jusqu'à lui. Sur le terrain, nous constatons des coopérations fructueuses entre les associations gérant les parcours de sortie et celles s'occupant des risques sanitaires, alors qu'elles s'opposent souvent au sujet de cette loi. Il faut des personnels formés et sensibilisés, ainsi que du temps médical et paramédical dédié. Le soutien politique et financier aux associations me paraît indispensable, qu'elles soient favorables ou non à cette loi.

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