Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 8 avril 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur le bilan de l'application de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées à l'occasion du cinquième anniversaire de la loi

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Merci, Madame la présidente, pour l'organisation de cette table ronde. Merci à tous les intervenants que nous avons réunis ce matin, qui sont probablement les personnalités les plus motivées dans la lutte contre le système prostitutionnel. Effectivement, cette table ronde est intéressante, parce qu'elle permet un débat avec des représentants d'institutions impliquées plus fortement qu'elles ne l'étaient auparavant. Mais à quel prix pour maintenir une mobilisation, une sensibilisation et une interpellation constantes des pouvoirs publics pour l'application de la loi de 2016 !

Nous avons peu parlé de la loi suédoise, qui a joué un rôle précurseur. Je rappelle qu'en Suède, il a fallu au moins dix ans d'implication totale des pouvoirs publics pour que la loi soit réellement utile et trouve toute son application. Nous nous heurtons à un problème incontestable d'absence de volonté politique en la matière. Les volontés politiques ne sont que sporadiques et les fonctionnaires appliquent cette loi comme ils le peuvent, avec peu de moyens et en essayant de bénéficier de l'exposition médiatique de faits divers. Notre premier problème est celui-là.

Par ailleurs, nous pouvons bien lutter contre la prostitution, la traite des êtres humains, le proxénétisme et les réseaux, mais la question des clients ne me paraît toujours pas totalement intégrée dans nos politiques publiques. Il subsiste toujours à leur égard une forme d'indulgence, de complaisance et de tolérance alors qu'ils sont les auteurs de violences prostitutionnelles. Nous n'utilisons pas suffisamment la pénalisation des clients. Je pense que la responsabilisation passe par la sanction pénale, par le fait de dire ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. L'interdit de l'achat de services sexuels n'est pas suffisamment posé dans l'expression collective. Je le regrette. Je pense que nous pouvons faire mieux. La prostitution des mineurs mobilise beaucoup plus que la prostitution en général, mais nous ne pourrons pas lutter contre la prostitution des mineurs si nous ne luttons pas efficacement contre l'achat de services sexuels. Nous ne pourrons pas faire le tri entre les clients criminels et ceux qui sont simplement contraventionnels. Il faut « pêcher les clients au filet » et trouver ainsi les clients des mineurs. Les comptes rendus de procès ou les informations sur les interpellations évoquent les proxénètes et les victimes prostituées, mais les clients sont encore beaucoup trop absents de notre réflexion collective. Nous avons besoin d'un portage politique, dont le Sénat pourrait se charger. Je rappelle qu'en 2016, le Sénat s'était opposé à la loi. Je serai curieuse de savoir si nous avons collectivement évolué sur le sujet. Ce serait une bonne chose.

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