Je suis très heureuse de présenter les résultats de la consultation nationale en avant-première à la délégation. Par ailleurs, mercredi prochain, sera examiné au Conseil des ministres le texte « 4D », qui devrait être soumis au Sénat le 5 juillet 2021.
La crise sanitaire a mis en évidence l'enjeu d'un échelon local solide et réactif par rapport à un État dont nul ne peut contester l'importance et le caractère essentiel, mais parfois un peu pataud et ankylosé. Le bloc local doit être performant pour que l'action publique soit efficace.
Je vous rappelle que le Président Larcher avait constitué un groupe de travail avec l'ensemble des groupes politiques du Sénat pour répondre à la demande du président de la République. Il s'agissait de réfléchir à l'action publique dans l'après-covid. Il en est résulté cinquante propositions qui ont été présentées le 2 juillet 2020. En préambule à nos travaux, il nous a semblé important de lancer un sondage, réalisé par l'institut CSA, et une consultation nationale, via la plateforme internet du Sénat. Les attentes des élus se rangent selon six priorités.
1) Aller plus loin dans la décentralisation, sans big bang territorial
Nous devrons nous montrer vigilants, car nous risquons d'être accusés de provoquer un big bang territorial et de susciter la lassitude des élus. Au Sénat, nous n'aurons pas la prétention d'inventer un modèle unique, mais une évolution est nécessaire. Entre 64 et 70% des élus veulent faire évoluer l'organisation territoriale et même aller plus loin dans la décentralisation.
2) Adapter les politiques publiques aux réalités territoriales, pour une meilleure articulation des compétences entre communes et intercommunalités et une différenciation territoriale
Pour certains, la différenciation est synonyme d'inégalité et de compétition injuste. Nous devons donc convaincre qu'il ne s'agit pas d'opérer une révolution, mais de s'inspirer de la différenciation déjà à l'oeuvre pour les collectivités d'outre-mer (COM) et les communes de montagne.
Au vu des chiffres, nos propositions ne peuvent être ni contestées ni accusées d'être hors sol : 70% des élus souhaitent aller plus loin dans la décentralisation et 94% sont favorables à l'adaptation de la répartition des compétences entre communes et intercommunalités.
Nous avons souvent débattu d'engagement et de proximité, nous avons voté la territorialisation des compétences. Le Gouvernement ne l'accepte pas, l'Assemblée non plus.
La métropole, qui peut sembler constituer un concept unique et uniforme, recouvre des expressions différentes : la métropole d'Orléans ne peut pas être comparée à celle de Lyon, par exemple. Nous devons mettre en oeuvre des répartitions différenciées de compétences entre les communes et les intercommunalités.
L'État peut confier à titre expérimental des compétences différentes à des collectivités de même catégorie. Il ne s'agit pas d'une rupture d'égalité. D'ailleurs, 70% des élus sont favorables à l'attribution de compétences différentes à des collectivités de même catégorie, sur la base du volontariat.
Nous avons voté, dans le cadre du projet de loi dit « Sécurité Globale », des facultés d'extension des compétences des polices municipales. C'est la loi qui en délimite le cadre, sur la base du volontariat. Ce point est très important et renvoie à la responsabilité des élus et à la confiance, avec un seul objectif : l'efficacité de l'action publique.
Nous pourrons vous fournir les éléments d'information par catégorie de collectivités et par taille. En termes de différenciation, les conseils régionaux ou les conseils départementaux font preuve d'une aspiration plus forte.
3) Le principe de subsidiarité
L'objectif d'efficacité de l'action publique et de construction de l'organisation territoriale et nationale doit être poursuivi à partir du principe de subsidiarité. L'adhésion est extrêmement large sur ce principe.
Les compétences s'exercent différemment selon les catégories de collectivités. Par exemple, la compétence « voirie » dans les métropoles est obligatoire, ce qui relève du bon sens car la métropole exerce aussi la compétence « mobilité ». Dès lors qu'il s'agit de transport, la voirie doit être maîtrisée. Mais dans les métropoles, des communes, parfois plus petites et éloignées, ont une partie de voirie ne relevant pas de cet intérêt métropolitain supérieur. Par exemple, il peut arriver qu'une commune comprenne une rue constituant une impasse avec des maisons d'habitation. Les riverains sont les seuls à passer, avec parfois le camion d'ordures ménagères. Quand un incident de voirie se produit, l'efficacité de l'action publique ne vient pas de la métropole. L'efficacité vient de la proximité. Ce principe de subsidiarité constitue le fil qui devrait, pour les élus, dessiner l'organisation de l'action publique.
4) Simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales
Les normes sont une obsession, dans la mesure où leur simplification doit être réfléchie en fonction du besoin de sécurité juridique et où cette simplification nécessaire sert l'action publique. Les élus locaux sont 70% à estimer que la simplification des normes est prioritaire.
Un autre chiffre intéressant porte sur les doublons entre l'État et les collectivités territoriales. C'est un vrai sujet de réflexion, alors que la frugalité budgétaire devra être de mise. Nous devons optimiser les organisations. L'assouplissement des compétences entre les différents niveaux de collectivité fait ressortir les scores d'adhésion prioritaires suivants :
- différencier les modalités d'application des textes en fonction des territoires : 30% ;
- renforcer la présence de l'État auprès des collectivités territoriales : 29% ;
- créer de nouveaux transferts de compétences de l'État vers les collectivités territoriales : l'attente est très mesurée, car elle est de 19%. Cette affirmation est plus marquée de la part des élus régionaux que des élus départementaux.
Or, le coeur du projet « 4D » semble moins la décentralisation, la différenciation, ou la « décomplexification » que la déconcentration.
5) Donner plus de pouvoirs aux collectivités, notamment en matière de santé
La crise sanitaire a montré la difficulté de fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) qui, indépendamment de la qualité des personnes, avaient vocation à répondre à tout autre chose qu'à la résolution d'une crise. Dans les cinquante propositions formulées par le Sénat, certaines concernaient la gouvernance des ARS. Si la santé est une compétence régalienne, l'organisation jusqu'au dernier kilomètre et la nécessité de garantir l'égalité du droit d'accès aux soins suppose une révision de l'organisation des ARS, qui sont des agences autonomes ne rendant pas compte au préfet mais au ministre.
La proposition de confier la présidence du conseil de surveillance de l'ARS à un élu local, avec une co-présidence possible entre le préfet et le président de la région, rééquilibrerait la relation en faveur des représentants des territoires. Le taux d'adhésion à cette idée est fort. Nous aurons l'occasion d'en reparler, car le projet « 4D » prévoit simplement un conseil de surveillance, alors que nous sommes prêts à un conseil d'administration.
Enfin, à l'occasion de la crise sanitaire, nous avons mis en évidence la difficulté engendrée par la double tutelle des ARS et des départements sur les EHPAD. Nous souhaitons donc que le pilotage des EHPAD soit confié aux seuls départements pour une meilleure visibilité et une identification de l'autorité.
Il en va de même pour la médecine scolaire. Pourquoi propose-t-on que la médecine scolaire soit rattachée aux départements ? Le coeur de compétences des départements justifie ce choix. Ceux-ci ont dans leurs missions essentielles la compétence sociale, la prévention et la petite enfance. Nous savons qu'en matière de prévention et de détection de difficultés sanitaires, physiques, psychologiques, personnelles ou familiales, il est nécessaire de pouvoir repérer les enfants que les familles ne conduisent pas chez le médecin. La médecine scolaire est en lien avec la prise en charge sociale de l'enfant. L'efficacité de l'action publique en matière de prévention et de petite enfance doit être articulée autour des départements. Nous reprendrons vraisemblablement cette proposition dans le projet « 4D ».