Au travers de toutes ces missions, nous aurons la capacité d'apprécier la situation et de formuler des propositions. L'esprit qui anime le Sénat à la veille du projet « 4D » se situe dans la continuité des observations formulées au Sénat lors de l'examen des lois territoriales : la loi fixe un cadre apportant une sécurité juridique, à l'intérieur duquel les élus peuvent trouver les meilleures réponses pour le besoin de l'action publique sur leur territoire. La loi fixera ce cadre, mais pas son application différenciée selon chaque territoire. Si un cadre précis est nécessaire, il s'applique sans verticalité. La loi constitue un champ de possibles plutôt qu'un champ d'obligations. Même au Sénat, des confrontations et des débats auront lieu, avec des opinions extrêmement différentes.
La crise sanitaire que nous traversons a montré l'enjeu d'un pacte de confiance entre l'État et les collectivités, et la capacité des collectivités à relever ce défi. Elles doivent aussi prendre leurs responsabilités. Le meilleur exemple est celui de ce dimanche de juin où le Président de la République explique devant des millions de Français, à 18 heures, que les élèves doivent retourner dans leurs établissements le lundi suivant. À 18 heures 15, alors que le Président rentre à l'Élysée, les maires se demandent comment appliquer cette décision. L'État doit donc affirmer la stratégie et les collectivités la mettre en oeuvre, mais il est impossible de demander aux collectivités d'exécuter sans les avoir associées. La différenciation n'a rien à voir avec une volonté d'autonomie.
6) Renforcer l'État territorial, en particulier au niveau du département
Pendant la crise sanitaire, nous avons constaté que l'espace départemental était pertinent face au développement de la maladie. L'ensemble des collectivités, de la commune au département, jusqu'à la région, était mobilisé à cet échelon. Cela a constitué un très bon échelon d'efficacité de l'État. Cette crise sanitaire ne fait que souligner le souhait des élus de prendre en compte la nécessité des transferts de compétences de l'État central vers l'État territorial. Comment peut-on admettre que l'État territorial, c'est-à-dire le préfet, n'a pas sous son autorité le recteur ou l'ARS ? Cette situation est comparable à celle où un Premier ministre n'aurait pas sous son autorité le ministre des Finances ou de l'Éducation nationale. La crise a souligné l'urgence des décisions : il n'est pas concevable de dépendre de décisions prises à un niveau national, alors que ce niveau est très souvent dépassé par les solutions trouvées plus vite au niveau local. Nous voyons ici l'effet de la création des très grandes régions : l'éloignement de la décision a pour conséquence un renforcement du département.
Les collectivités doivent avoir un interlocuteur unique. Quand, dans un département, le préfet souhaite élaborer un schéma de la ruralité, tout est organisé et défini, une convention est signée entre le préfet, le président du département et le président de l'AMF. Trois jours plus tard pourtant, une trésorerie ferme. L'explication réside dans le fait que le directeur régional des finances publiques (DRFIP) n'est pas obligé de solliciter le préfet avant de prendre sa décision. Un problème de décrédibilisation de la parole de l'État se pose donc. Certains voient émerger, à bas bruit, un nouveau centralisme au niveau régional quand les régions sont très grandes. C'est pourquoi nous défendons l'idée d'une instance de dialogue auprès du préfet associant les collectivités territoriales.
Concernant les réponses sur le renforcement des préfectures de départements ou des sous-préfectures, on observe que, dans certains territoires, les sous-préfets sont à l'écoute, dans un esprit facilitateur, et jouent un rôle d'ensemblier très intéressant. Dans certains territoires ruraux, une proximité existe avec l'État grâce aux sous-préfets, contrairement à ce qu'on constate en zone urbaine.