Pourquoi cette dégradation continue de la liquidation des prestations de retraite ? Une part croissante des prestations est affectée par des erreurs de portée financière. En 2016, cela concernait une nouvelle prestation sur neuf. En 2019, c'était une sur six. Et l'impact financier des erreurs a doublé entre ces deux années. Certaines erreurs affectent la date d'entrée en jouissance des droits. D'autres, portant sur le montant mensuel des prestations versées, auront des effets généralement durables. La plupart des erreurs portent sur les données de carrière : trimestres manquants, ou surnuméraires, salaires en trop, ou en moins, périodes assimilées mal comptabilisées... Ce ne sont pas celles qui ont l'incidence financière la plus forte, puisque le calcul des retraites est lissé sur les 25 meilleures années. Certaines erreurs affectent les ressources, et notamment celles qui sont prises en compte pour les pensions de réversion, l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou le minimum vieillesse. Leur impact financier est généralement important.
La première cause de cette situation est que les services ordonnateurs font beaucoup d'erreurs. Il n'est pas rare de voir que, pour un technicien de retraite, 50 % des nouvelles prestations qu'il liquide sont affectées d'erreurs. Deuxièmement, les agences comptables effectuent des contrôles sur une part prépondérante, mais non sur la totalité des retraites nouvellement liquidées, ce qui peut se comprendre au regard des effectifs qui leur sont attribués. Et, quand elles font des contrôles, elles ne détectent qu'une erreur sur deux. Enfin, lorsque les agences comptables détectent des erreurs, les services ordonnateurs ne font pas nécessairement les corrections attendues.
Résultat : le niveau d'erreurs augmente année après année. Les réponses, évidemment, sont à chercher dans l'évolution du système d'information. Un nouvel outil de régularisation des carrières sera généralisé en 2021. Il devrait mieux guider les techniciens de retraite dans les tâches qu'ils effectuent. Il y a aussi une question de formation initiale continue des techniciens de retraite : 30 à 50 % de prestations nouvellement liquidées affectées d'erreurs, à un titre ou à un autre, c'est évidemment beaucoup trop. Et le fait que le contrôle n'appréhende qu'une erreur sur deux, c'est insuffisant. Enfin, il y a un sujet managérial, de toute évidence. Le ministère de la santé a fixé, dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion, pour ce qui concerne la branche vieillesse, mais aussi la branche famille et la branche maladie, des objectifs de réduction des erreurs. Se pose toutefois la question des moyens de toute nature à mobiliser pour les réduire.
Vous m'interrogez sur l'évaluation de la fraude. Seule la branche famille procède à cette évaluation. Suite à la communication que nous avons adressée à votre commission sur la fraude aux prestations sociales, ainsi qu'au travail réalisé par l'Assemblée nationale sur ce même sujet, le ministre des solidarités et de la santé a prescrit à l'ensemble des branches de prestations une évaluation tous les deux ans de la fraude aux prestations. Nous suivrons ce travail attentivement. L'enjeu principal est celui d'une mesure la plus exhaustive possible des erreurs affectant les prestations versées, qu'elles soient liées à des fraudes ou non. C'est pour la branche maladie qu'à l'heure actuelle nous ne disposons pas des éléments nécessaires.
En ce qui concerne le CPSTI, la situation est très frustrante. Cela nous désole d'avoir été attributaires d'une nouvelle mission de certification et, la première année, de constater une impossibilité de certifier. Cette impossibilité est surtout liée aux impacts, dans le recouvrement, sur le montant des produits et le solde du CPSTI. Mais il y a aussi des questions relatives au contrôle interne. Ce sont les branches du régime général qui effectuent l'ensemble des tâches de gestion pour le compte du CPSTI, qui est une petite structure administrative. Il est important qu'elles intègrent dans leur dispositif de contrôle interne l'ensemble des enjeux relatifs aux travailleurs indépendants. C'est en grande partie le cas, mais si nous estimons qu'il y a des progrès à faire, à la fois pour disposer d'une représentation globale de l'ensemble des risques qui affectent les processus de gestion relatifs aux prestations gérées pour le compte du CPSTI, et aussi aux prélèvements sociaux - même si l'intégration de ces derniers au sein du régime général est plus ancienne -, et pour disposer de mesures pertinentes de l'efficacité du contrôle interne. À ce point de vue, nous attendons beaucoup de 2021. Le dialogue d'audit est engagé, et les gestionnaires administratifs du CPSTI ont bien pour objectif de prendre en compte l'ensemble des remarques de la Cour, avec beaucoup de bonne volonté. Encore faut-il que les branches du régime général suivent. Nous avons préconisé que le ministère des solidarités et de la santé soit très attentif aux remarques de la Cour et aux recommandations que nous avons pu émettre tout au long de l'audit, et les relaie.
Le rapporteur général m'a demandé de distinguer ce qui relevait du structurel et du conjoncturel. Si la crise sanitaire n'était pas survenue, si un certain nombre de mesures exceptionnelles n'avaient pas été prises, si le rythme d'appel des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants était resté le même, si les créances en fin d'exercice avaient toujours correspondu aux mauvais payeurs et à un certain nombre d'entreprises en redressement, je pense que nous n'aurions pas eu cette position. Cela étant, 2020 fut une sorte d'année parenthèse... Mais il nous semble important que ce ne soit pas une année inutile, pas plus que 2021. L'Acoss, à partir du second semestre 2021, doit s'engager à nouveau dans une trajectoire d'amélioration de son dispositif de contrôle interne. Malheureusement, comparativement à d'autres entités, nous avons constaté que les sujets de contrôle interne stagnaient, et qu'un certain nombre de constats anciens ne trouvaient pas leur résolution. Il est vrai que l'Acoss mène simultanément un très grand nombre de chantiers. Dans ce contexte, la maîtrise des risques ne reçoit pas le degré de priorité qui devrait lui revenir au regard des enjeux financiers qui s'y attachent. Il ne s'agit pas de faire plaisir à la Cour des comptes, mais de bien maîtriser les deniers publics, d'assurer l'exhaustivité des prélèvements sociaux et de payer à bon droit les prestations sociales.
Sur la prime Covid, nous avons constaté que l'Acoss a procédé très rapidement pour le paiement. Il y a eu une erreur dans la définition de la requête, qui a donc attrapé un certain nombre de cotisants ou d'assurés qui ne relevaient pas du champ légal de la prime en question. L'impact n'est pas monumental, et n'a pas en tant que tel d'effet désastreux sur le résultat du CPSTI. Mais c'est une anomalie importante, tout comme le défaut de comptabilisation de charges au titre de la seconde prime Covid : ces charges ont été comptabilisées dans la limite d'une dotation à caractère budgétaire, prévue par un arrêté ministériel, et nous n'avons pas compris pourquoi l'arrêté ministériel n'avait pas été modifié de façon à permettre la comptabilisation de l'ensemble des charges. D'un point de vue pédagogique, il nous a paru important d'indiquer à nos interlocuteurs l'ensemble des points significatifs en termes de montant, mais aussi par nature.