… l’élevage en batterie et le broyage des poussins interrogent notre modèle agro-industriel, mais aussi, plus largement, notre modèle de société.
En effet, ce que nous infligeons aux animaux est un miroir sombre, sur lequel il ne fait pas bon se pencher. La pression productiviste et les inégalités s’intensifient pour les humains comme pour les animaux. Songeons à la violence subie par les animaux d’élevage intensif. Mais songeons aussi à la violence subie par le personnel des abattoirs ou à celle des licenciements massifs par des groupes peu scrupuleux lancés dans la course au profit. Je pourrais égrener de nombreux exemples.
Accepter la possibilité de maltraiter, quel que soit l’être maltraité, c’est ouvrir une brèche vouée à se creuser ; c’est créer un précédent dans la violence et l’aliénation ; c’est vouloir détruire l’altérité.
L’alimentation est à la fois une nécessité vitale, un plaisir et un moment de convivialité avec nos proches. Mais à l’heure de la crise environnementale et de l’industrialisation de l’élevage, nous n’avons d’autre choix que d’intégrer aussi sa dimension éthique. Repenser le rapport de l’humain à la nature et au monde animal, est une nécessité.
Toutefois, nous pensons qu’il faut sortir de la vision binaire « pour ou contre » l’élevage ou la viande, pour poser la question du modèle d’élevage et d’agriculture que nous voulons.
L’émergence de la question du bien-être animal frappe un secteur déjà fragilisé par les crises sanitaires et économiques de ces dernières décennies. Mais défendre l’élevage, c’est reconnaître les dérives entraînées par le modèle hyperproductiviste, soit 80 % de l’élevage en France, qui nuit à l’ensemble des éleveurs.
En 2019, le Conseil économique, social et environnemental alertait sur ces transformations et sur la baisse de rémunération qui les accompagne.
Ainsi, en trente ans, le nombre d’éleveurs a chuté de 57 % dans le secteur des porcs et volailles et de 70 % dans celui des vaches laitières. Cet effondrement n’a pas empêché les cheptels d’augmenter, ni les animaux d’être abattus en masse. C’est l’agriculture paysanne qui est la première victime, au profit de fermes des « mille vaches ».