Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 26 mai 2021 à 15h00
Élevage éthique juste socialement et soucieux du bien-être animal — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le néolithique, qui vit la sédentarisation se développer et l’élevage apparaître dans de nombreuses régions du monde, l’homme a évolué dans une relation à la fois constructive et problématique avec l’animal, que ce dernier soit mythique, sauvage ou élevé à des fins nourricières ou d’auxiliaire de travail.

Portée par la pensée, de l’Antiquité à nos jours, la nature de cette relation a été interrogée dans le cadre de la religion, de l’éthique et de la morale, de l’économie et du droit en général, de la nature et des droits particuliers que nous lui avons progressivement reconnus.

Je ne rappellerai pas les grandes étapes de ce cheminement intellectuel, mais on sait qu’il était déjà présent dans l’Antiquité, que d’aucuns considèrent, chimériquement peut-être, comme l’âge d’or de la relation entre l’homme et l’animal.

De ce long cheminement, qui a connu des inflexions importantes en Angleterre, au XVIIe siècle, et en France au moment des Lumières, avec Condillac et son prémonitoire Traité des animaux, deux concepts différents ont émergé : celui du « droit de l’animal » et celui du « bien-être animal ».

Je remercie nos collègues du groupe écologiste, qui souhaitent, avec ce texte, faire avancer concrètement le bien-être animal.

La loi de 2015 reconnaissait que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité », ouvrant ainsi la voie d’un fondement juridique de la notion de bien-être animal – je laisse de côté la question du droit de l’animal, car nous souscrivons aux exigences et critères du « bien-être animal ». Mais y souscrire ne laisse pas entendre que rien n’est fait aujourd’hui en ce sens ou que les éleveurs et industriels français ne s’en soucient pas.

Comme beaucoup ici, j’ai pu comprendre, au sein de ma famille, quelle peut être la relation affective – je pèse le mot – d’un éleveur responsable envers ses bêtes. Les jours où on les voit partir à l’abattoir sont des jours moralement difficiles, voire très difficiles.

Les abattoirs, parlons-en : ceux qui les gèrent, et peut-être plus encore quand ce sont des industriels responsables – la plupart le sont –, savent qu’il faut être irréprochable sur les règles à respecter pour les animaux. Ils sont attendus par une grande partie de la société et ils le savent. Comme le montrent les études, le sujet est sociétal et prend de plus en plus d’importance dans les consciences des citoyens et des consommateurs. En conséquence, c’est l’image ou la marque et le chiffre d’affaires qui sont affectés.

Je le dis au Gouvernement : nous nous interrogeons sur les mesures prévues dans la loi Égalim de 2018, en termes d’efficacité et même d’effectivité. Dans le cadre juridique actuel, il faut se donner les moyens de contrôler et de sanctionner comme il se doit les fautifs. Monsieur le ministre, c’est votre rôle et votre responsabilité.

De la même manière, nous nous interrogeons sur les suites données aux « mesures pour la protection et l’amélioration du bien-être animal », proposées aux interprofessions par le Gouvernement en janvier 2020. Il s’agissait d’un plan en six objectifs : aller vers la fin des pratiques douloureuses en élevage ; renforcer la sensibilisation et la formation au bien-être animal ; améliorer la qualité de vie des animaux d’élevage ; améliorer les conditions de transport des animaux ; améliorer l’information des consommateurs ; responsabiliser les propriétaires d’animaux de compagnie.

Monsieur le ministre, quel bilan en tirez-vous ? Ce plan est-il toujours d’actualité ? C’est le flou complet.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’insérer un article additionnel avant l’article 1er, demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un bilan, un état des lieux exhaustif de l’ensemble des démarches engagées en faveur du bien-être animal en France, pour évaluer leur efficacité. Ce bilan informera sur les actions mises en œuvre dans le monde de l’élevage, mais aussi sur celles qui sont portées par la société civile ou les entreprises.

Ce panorama précis permettra aux pouvoirs publics, mais également à l’ensemble des acteurs mobilisés sur cette question, de savoir réellement où la France se situe en matière de bien-être animal et de déterminer les mesures proportionnées à mettre en œuvre pour accompagner et, si nécessaire, accélérer ce mouvement.

Pour avoir un débat apaisé sur la question du bien-être animal, nous devons savoir précisément d’où nous partons, réellement et objectivement, pour mettre en œuvre des actions ou des politiques ciblées et efficaces.

Enfin, nous tenons à rappeler notre attachement à l’élevage, à ce qu’il représente pour nos territoires – je viens moi-même du Gers, une zone de polyculture et d’élevage qui souffre beaucoup –, et à nos éleveurs. Je ne connais guère de métier plus difficile : vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année, pour un revenu misérable, et même de plus en plus misérable !

Quelles seront les conséquences de la PAC, dès 2022 ou 2023, sur l’élevage en France ? Une loi Égalim II est aussi attendue, et le plus vite sera le mieux, même si en réalité, plus grand monde n’y croit…

Parce qu’ils sont en première ligne de la souffrance, nous proposerons, à l’article 4, que les aides prévues servent également à la mise en œuvre de mesures de soutien et d’accompagnement psychologique pour les agriculteurs, sans oublier les opérateurs de l’abattage, afin de leur apporter une écoute et de leur proposer des mesures améliorant leur « bien-être au travail » et leur bien-être tout court d’hommes et de femmes, de travailleurs dignes de respect et de considération.

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