Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela fait bien longtemps que le Sénat n’a pas eu à débattre en séance publique des questions relatives à l’éthique de l’élevage, de ces sujets concrets relevant de la dimension morale du rapport de notre espèce aux autres espèces.
En fait, nous n’en avons pas débattu depuis l’examen nocturne de quelques articles de la loi Égalim, qui contenaient des dispositions sur les poules pondeuses et une expérimentation de captation vidéo dans les abattoirs. Il en était évoqué une dizaine, sur la base du volontariat ; il y en aurait aujourd’hui quatre tout au plus, ce qui montre d’ailleurs tout l’allant du Gouvernement sur ces questions.
Il faut donc remercier Mme Benbassa et ses collègues d’avoir suscité ce temps de débat. Bien que j’aie entendu votre annonce, monsieur le ministre, le Gouvernement ne me semble guère pressé d’inscrire à l’ordre du jour avec un temps de débat décent la proposition de loi dite « de lutte contre la maltraitance animale », issue de sa propre majorité. À vrai dire, je le comprends, tant ce texte, aux objectifs pourtant fort limités, devra être modifié en profondeur pour être opérationnel.
Quand on ignore l’essentiel des questions que l’on prétend traiter, on cause plus de dommages que l’on apporte d’améliorations. Or telle est bien la devise des professions médicales : « D’abord ne pas nuire »…
Pour essayer d’éclairer notre débat de ce soir, je poserai deux questions. Premièrement, qui est opposé à un élevage respectueux des animaux associé à une rémunération équitable des éleveurs ? Deuxièmement, peut-on traiter une question aussi vaste et multidimensionnelle que l’élevage en deux heures d’examen et quatre articles d’une proposition de loi ?
Pour ce qui est de la première question, je ne m’y attarderai pas : à moins d’être un pervers, la réponse est évidente. C’est d’ailleurs déjà une demande forte de la société, celle d’un élevage respectueux de l’être vivant sensible qu’est un animal.
Il est maintenant convenu de parler de bien-être animal, expression consacrée administrativement et socialement. Il y a dans ce terme de communication une grande hypocrisie qui me gêne, mais c’est un autre débat. Essayons, avec modestie, de respecter les besoins fondamentaux des animaux que nous élevons pour les consommer ou consommer leurs produits ; ce sera déjà bien !
Quant à la seconde question, la réponse me paraît tout aussi évidente. Notre rapporteur a parfaitement retracé tout l’environnement de l’élevage ; en vérité, du fait de ce contexte, on ne peut en rester au « y’a qu’à, faut qu’on » : en l’occurrence, il n’y aurait qu’à interdire et il faudrait subventionner l’adaptation.
Je ne veux citer que quelques-uns de ces éléments de complexité. Le premier est l’environnement européen, qui permettrait d’exporter dans notre périphérie ce qui serait interdit chez nous, par exemple le broyage des poussins et canetons ; c’est ce que j’appellerais l’exportation de la maltraitance. C’est donc une question européenne.