Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, « Aucune personne ne peut […] faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap […]. »
Ce principe, le code du travail le garantit expressément et donne une traduction concrète à l’égalité et au droit à l’emploi tels que les consacre notre Constitution. Pourtant, une partie de nos concitoyens ressentent ou vivent encore des discriminations sur le marché du travail en raison de leur état de santé.
Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) datant de 2017, 1 million à 2 millions de salariés seraient concernés par un risque de désinsertion professionnelle en raison d’une maladie chronique – ce qui représente de 5 % à 10 % des salariés de notre pays.
Ce chiffre pourrait augmenter à l’avenir, dans un pays où le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques devrait passer de 15 % de la population active aujourd’hui, à 25 % en 2025. Au-delà de ces chiffres, il y a aussi et surtout des expériences et des vécus confrontés aux obstacles professionnels, qui viennent s’ajouter à l’épreuve de la maladie.
Ces obstacles sont multiples et concernent tout aussi bien l’accès à l’emploi – avec des refus d’embauche consécutifs à l’annonce de la maladie – que le maintien en emploi, avec des refus de mettre en place des aménagements raisonnables. Ils peuvent intervenir à la fois dans l’emploi traditionnel, mais aussi lors d’une recherche de stage ou de formation.
Il en résulte parfois une sortie anticipée du marché du travail, qui ajoute aux problèmes de santé des difficultés économiques, sociales et financières. Ainsi, près d’un tiers des personnes atteintes d’un cancer ont perdu ou quitteront leur emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic.
Le sentiment d’épreuve ou de discrimination intervient particulièrement pour les personnes diabétiques. En effet, comme vous le savez, celles-ci représentent plus de 3, 3 millions de nos concitoyens. Face à cette situation, il nous appartient de faire appliquer l’égalité des droits le plus strictement possible, le cas échéant en adaptant notre cadre juridique.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte une première réponse, en enclenchant une dynamique d’évaluation de l’ensemble des textes qui encadrent l’accès au marché du travail.
Cette évaluation est indispensable pour identifier les restrictions d’accès qui n’ont plus de justification aujourd’hui, par exemple grâce aux progrès thérapeutiques, et les distinguer de celles qui doivent être maintenues au regard des risques et des exigences associés à un poste de travail.
Plusieurs statuts particuliers de la fonction publique imposent aujourd’hui des conditions spécifiques d’aptitude physique – je pense notamment aux militaires et policiers, aux sapeurs-pompiers, aux douaniers et aux surveillants pénitentiaires. D’autres restrictions sont également prévues dans le domaine des transports, concernant notamment le personnel navigant, le contrôle aérien, la sécurité ferroviaire ou l’aviation civile.
Dans plusieurs situations, ces restrictions découlent directement du droit européen et s’imposent donc en l’état. Pour d’autres, c’est notre droit national qui a défini des conditions d’aptitude en lien avec les exigences ou dangers associés à certaines fonctions.
Le Gouvernement apporte donc son soutien à la démarche engagée par les auteurs de cette proposition de loi, qui permettra d’actualiser l’état de nos connaissances et de notre droit pour chaque restriction. Certaines restrictions conserveront leur justification et n’auront pas vocation à disparaître. D’autres apparaîtront comme obsolètes et justifieront l’adaptation des textes.
Ce soutien du Gouvernement fut d’ores et déjà exprimé lors de l’examen de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, en janvier 2020, sur l’initiative du groupe AGIR. Je saisis l’occasion pour saluer le travail de la rapporteure de l’Assemblée nationale, Mme Agnès Firmin Le Bodo et adresser un salut amical à Muriel Pénicaud, qui exprima alors le soutien du Gouvernement.
Nos discussions se poursuivent désormais dans cet hémicycle, dans la continuité des débats menés la semaine dernière en commission des affaires sociales.
Plusieurs modifications ont été apportées sur l’initiative de votre rapporteur, M. Xavier Iacovelli, dont je salue l’engagement et l’investissement sur ce texte important pour le groupe RDPI.
Nous nous rejoignons d’ailleurs sur l’essentiel : encadrer la durée de vie du comité d’évaluation, garantie d’efficacité s’agissant d’une mission précise et de la gestion d’un stock plutôt que d’un flux ; assurer la parité de ce comité ; revoir le cadre du rapport qui devra être transmis au Parlement par ce comité, et non plus par le Gouvernement, comme gage d’indépendance ; supprimer le renvoi à une campagne de communication, qui a évidemment des justifications, mais ne relève pas du domaine de la loi.
De manière plus structurante, le Gouvernement soutient l’élargissement de l’approche proposée par le rapporteur, afin de viser l’ensemble des personnes concernées par des conditions de santé particulières. Il ne s’agit évidemment pas de méconnaître la spécificité des maladies chroniques ni, en leur sein, du diabète, mais bien de couvrir l’ensemble des situations marquées par des problèmes de santé qui ont une répercussion sur la vie professionnelle.
L’Assemblée nationale avait procédé à une première extension du périmètre du texte en passant des seules personnes atteintes de diabète à l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques.