Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un quart des Français actifs seront concernés par une maladie chronique en 2025.
Souvent victimes de discriminations, les personnes frappées par ces pathologies subissent une double peine : pour la seule année 2020, la Défenseure des droits a comptabilisé 11 000 saisines au motif d’une discrimination en raison de l’état de santé. Nombre des cas signalés concernaient des personnes atteintes de maladies chroniques.
Ce constat navrant rejoint celui des associations de malades, qui dénoncent depuis des années la réglementation obsolète encadrant l’accès à certaines professions. La Fédération française des diabétiques a dénoncé avec beaucoup de justesse des règles déconnectées des progrès thérapeutiques et des conditions actuelles de travail.
Comment comprendre qu’il soit possible d’être pilote de ligne et diabétique au Canada ou au Royaume-Uni, mais que cela demeure impossible en France ? Pourquoi la police nationale continue-t-elle d’exclure les personnes diabétiques, alors même que les capteurs et les pompes à insuline de nouvelle génération permettent aux malades de mener une existence normale ?
Certes, il n’est pas possible de garantir l’accès de l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques à tous les emplois. Certaines restrictions légitimes reposent sur des impératifs de santé et de sécurité. Mais je salue l’objectif de cette proposition de loi, qui marque un grand pas dans le sens de l’inclusion des plus vulnérables sur le marché du travail.
Toutefois, le texte transmis par l’Assemblée nationale comportait des imprécisions susceptibles de le rendre inopérant. Les amendements déposés en commission par le rapporteur Xavier Iacovelli ont contribué à combler ces lacunes.
Dans un contexte de multiplication des instances, la création par l’article 1er d’un nouveau comité d’évaluation des textes réglementant l’accès à certaines professions prêtait le flanc à la critique. Il m’apparaît cependant justifié de recenser une bonne fois pour toutes l’ensemble des textes existants afin d’en évaluer la pertinence. C’est la raison pour laquelle je soutiens la décision de la commission de limiter dans le temps la mission du comité afin d’en contraindre la réalisation. J’approuve également l’obligation faite à ce dernier de rendre compte de ses travaux au Parlement et au Gouvernement.
La rédaction retenue par l’Assemblée nationale à l’article 2, cœur de la proposition de loi, ne répondait pas avec suffisamment d’efficacité à l’intention affichée. Assorti d’un régime dérogatoire, le principe de non-discrimination propre aux maladies chroniques avait été vidé de sa substance lors de l’examen en séance.
En outre, le fait de viser spécifiquement les maladies chroniques, à l’exclusion des autres pathologies, soulevait de nombreuses questions quant à l’applicabilité juridique de la proposition de loi. À quel texte doit-on se référer pour établir la chronicité ? Faut-il limiter son acception à la seule liste des affections de longue durée (ALD) reconnues par l’assurance maladie ? Quid de l’asthme ou de l’épilepsie, dont certaines formes ne sont pas reconnues en tant qu’ALD ?
Aussi, je me réjouis des amendements adoptés par la commission qui visent à individualiser les restrictions et à les soumettre à une obligation de proportionnalité. Concrètement, cela signifie qu’une personne souffrant d’un diabète, d’une maladie auto-immune ou porteuse du VIH ne pourra se voir refuser l’accès au métier qu’elle rêve d’exercer sous le seul prétexte qu’elle est malade. Il incombera au juge de prouver en quoi son état de santé personnel est incompatible avec l’exercice des fonctions spécifiques qui devaient lui être attribuées. Grâce à cette disposition, une personne diabétique à même de prouver la compensation de son handicap aura le droit de devenir contrôleur aérien ou gardien de la paix.
J’ai l’espoir que cette proposition de loi, en facilitant l’accès des personnes malades au monde du travail, allégera le fardeau de la stigmatisation et de l’isolement qui pèse sur ces dernières dans notre société. Mais le changement ne doit pas s’arrêter aux portes de l’entreprise. La progression des maladies chroniques évolutives parmi la population salariée soulève de nombreux enjeux : prise de traitements, fatigue, déconcentration, absentéisme, etc. Autant de contraintes auxquelles les organisations du travail et les managers ne sont pas formés.
Cette première pierre à l’édifice est un encouragement en faveur d’une réforme globale de la gestion des problèmes de santé dans le monde du travail.