Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 6 février 2008 à 15h00
Égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Patrice Gélard, disais-je, étendait, par un amendement, ce dispositif aux cas de présomption d'absence et dans l'hypothèse de nomination au Conseil constitutionnel.

La commission des lois avait accepté un sous-amendement tendant à prévoir, Mme Gautier l'a rappelé, le remplacement d'un conseiller général dont le siège est vacant pour cause de limitation du cumul des mandats par la personne élue en même temps que lui, sous réserve de la suppression de la référence à l'article L.O.141 relatif aux incompatibilités applicables aux parlementaires.

Patrice Gélard rappelait que, si les élus locaux sont obligés d'abandonner un ancien mandat et de conserver le dernier acquis en cas de cumul, les parlementaires ont la possibilité de démissionner du dernier mandat acquis. Il soulignait le risque qu'un parlementaire puisse être candidat aux cantonales pour assurer la désignation de son remplaçant après sa démission ; c'est l'exemple évoqué par Mme Dini.

En séance, le rapporteur, M. Gélard, a de nouveau développé cet argument. Je vous cite, mon cher collègue : « Tout simplement parce que les cas d'incompatibilité sont différents selon qu'ils concernent les parlementaires ou les autres élus, le parlementaire dispose d'une faculté supplémentaire : il peut choisir librement le mandat qu'il souhaite abandonner. Même si j'ai la plus grande confiance en mes collègues parlementaires qui se présenteraient aux élections cantonales, force est de constater... » - et votre propos n'était pas différent, madame la ministre - « ...que cette liberté pourrait, malheureusement, conduire à des manipulations et permettre au parlementaire d'utiliser son autorité pour choisir son successeur, ce qui serait un détournement du droit. »

Eh bien, nous y sommes !

« En revanche, poursuiviez-vous, monsieur Gélard, les autres cas d'incompatibilité sont recevables. Ainsi, un conseiller général qui devient maire de sa commune n'a pas le choix : il est obligé de choisir le dernier mandat pour lequel il a été élu et d'abandonner le précédent ; en définitive, il est lié ! ».

Aucun argument juridique nouveau n'est venu infirmer cette démonstration.

Ce texte de dernière minute est donc un texte de circonstance, rédigé à la hâte, destiné à faciliter la mise en conformité avec les règles sur le cumul des mandats lorsqu'un parlementaire est concerné. Ainsi, au vu des résultats obtenus, celui-ci pourra, s'il le décide, démissionner du mandat de conseiller général qu'il vient d'acquérir sans faire courir le moindre risque politique à son parti, grâce au remplacement automatique. De manière générale, le remplaçant sera une remplaçante. Celle-ci ne deviendra conseillère générale que par la volonté du titulaire, s'il choisit effectivement de démissionner de son mandat.

Trois hypothèses sont envisageables.

Première hypothèse : le parlementaire en situation de cumul démissionne du mandat de conseiller général, car il a fait ce qu'il est convenu d'appeler la « locomotive » et n'a jamais eu l'intention d'exercer ce mandat. Cette attitude, malhonnête vis-à-vis des électeurs, équivaut à une manipulation du scrutin. En outre, elle accrédite l'idée, singulièrement paradoxale, selon laquelle une femme ne serait pas capable de conquérir le mandat, mais pourrait l'exercer.

Deuxième hypothèse : le parlementaire démissionne de son mandat cantonal fraîchement acquis parce que, le conseil général n'ayant pas basculé du côté de son bord politique, il n'y a plus d'enjeu. Dans ce cas, la suppléante deviendra conseillère générale, mais dans les rangs de l'opposition.

Troisième hypothèse : le parti du parlementaire obtient une majorité au conseil général. Il pourra briguer la présidence et, dès lors, abandonner son mandat de conseiller municipal ou de parlementaire, permettant à la suppléante... de rester suppléante. Dans ce dernier cas, il y aura une élection législative partielle.

En résumé, c'est seulement si le résultat des élections cantonales n'est pas conforme à celui qui était espéré ou si l'enjeu politique a disparu que les femmes auront une chance de devenir conseillères générales !

Nous sommes bien loin, mes chers collègues, de la volonté de favoriser l'accès des femmes aux fonctions de conseiller général et d'un prétendu bug législatif à corriger !

La différence de traitement prévue par la loi de janvier 2007 en cas de démission d'un parlementaire du mandat de conseiller général est fondée sur une justification valable : seule une élection partielle permet le respect des électeurs, la lisibilité et la sincérité du scrutin électoral.

En revanche, si vous adoptez la proposition de loi, vous allez, pour le coup, créer un bug législatif ! En effet, une élection cantonale partielle n'interviendra pas quand un parlementaire en situation de cumul deviendra conseiller général et abandonnera le mandat qu'il vient d'acquérir alors que, si un élu local en situation de cumul devient parlementaire, l'élection cantonale partielle sera maintenue.

Au-delà de la totale incohérence de cette situation, cela constitue un véritable aveu : ce qui intéresse nos collègues députés, c'est moins le sort de celles et de ceux qui deviendront parlementaires que celui de celles et ceux qui le sont aujourd'hui et qui sont concernés par cette modification de circonstance.

Le fait que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale ne vise que l'article L.O. 151-1 du code électoral et ignore superbement l'article L.O. 151 montre la réalité de ces préoccupations.

Vous avez, madame la ministre, rappelé à juste titre que les modifications d'une loi un an seulement après son adoption créaient toujours une instabilité juridique. Vous avez rappelé, encore une fois à juste titre, l'usage républicain qui veut que les règles d'élection ne soient pas modifiées moins d'un an avant le scrutin, et encore moins une semaine avant le dépôt des candidatures. Et vous avez enfin rappelé que ce texte pouvait produire de fâcheux effets pervers.

Je prends acte des fortes réserves du Gouvernement sur cette initiative législative qui n'est pas sienne et à laquelle on ne peut pas dire qu'il ait apporté, par votre bouche, un soutien résolu. Il me plaît de croire que nous sommes dans cette assemblée encore quelques-unes et quelques-uns à essayer de maintenir le droit.

En conclusion, mes chers collègues, la question qui se pose est simple, archi-simple : la majorité sénatoriale va-t-elle, à un an d'écart, déjuger Patrice Gélard, se déjuger elle-même et accepter de cautionner - appelons les choses par leur nom - de petits arrangements entre députés amis ! §

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