Intervention de Colette Mélot

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 26 mai 2021 à 14h00
Réunion constitutive

Photo de Colette MélotColette Mélot, rapporteure :

Mes premiers mots seront vous pour dire combien je suis heureuse et honorée d'être la rapporteure de cette mission, initiée à la demande de mon groupe parlementaire, le groupe Les Indépendants-République et Territoires. Comme Mme la présidente l'a opportunément souligné, la mission s'inscrit dans un agenda contraint, car elle s'achèvera au début du mois de septembre.

Le harcèlement scolaire est malheureusement d'une forte actualité pour beaucoup de nos jeunes scolarisés et leur famille, dont il bouleverse au sens propre l'existence. Tout récemment encore, le tribunal administratif de Melun vient de reconnaître comme liberté fondamentale le droit de l'élève à ne pas être harcelé à l'école.

L'âge scolaire devrait être celui de la joie de la découverte, d'un « vivre ensemble » apaisé, l'âge des amitiés dont certaines se nouent pour de nombreuses années, de l'apprentissage de nouveaux champs du savoir.

La malveillance des harceleurs et la souffrance des harcelés se trouvent démultipliées par la puissance des réseaux sociaux qui, telle la langue d'Ésope, peuvent être capables, parfois du meilleur, et souvent du pire, en protégeant indûment le bourreau derrière un anonymat qui est le terreau de la lâcheté.

Dans ces conditions, comme notre mission porte sur le « harcèlement scolaire et le cyberharcèlement », il nous faudra d'emblée bien en circonscrire le champ, pour s'intéresser à celui qui vise le jeune, non pas en tant que tel, mais dans le cadre scolaire et, naturellement, en ne traitant pas de toutes les violences que le milieu scolaire peut connaître. Je pense donc que ce travail préalable de définition, avec non seulement les hauts responsables du ministère, mais également des chercheurs ayant travaillé sur le sujet, nous permettra d'être sur la bonne voie.

Pour ma part, et à ce stade, je m'inspirerai de la circulaire du 13 août 2013, pour définir le harcèlement comme le fait de soumettre de façon répétée et sur le long terme un élève du même établissement scolaire à des comportements agressifs - quels que soient leur nature et leur canal - afin de lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté.

Ainsi, et en souhaitant être aussi exhaustive que possible, notre mission sera amenée à s'intéresser à cette question au travers de différents prismes, en diversifiant les approches pour bien cerner le phénomène et pouvoir faire des propositions innovantes et réalistes.

Nous examinerons d'abord la vision qu'en ont les acteurs institutionnels chargés de l'enseignement en France, à savoir le directeur général de l'enseignement scolaire et, le cas échéant, la mission de prévention des violences en milieu scolaire, ainsi que des recteurs académiques pour une déclinaison territoriale. Nous entendrons aussi sans tarder dans ce cadre des représentants d'associations de prévention du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement. Ces dernières ont souvent été créées par des enfants harcelés ou leurs parents. Il nous faudra aussi, probablement dans un format audition de rapporteur, pour des contraintes de temps, rencontrer un ou deux spécialistes qui nous en présenteront leur vision, alliant recul et perspective historique, ainsi que notre collègue député Erwan Balanant, qui a rendu en octobre dernier au garde des sceaux et au ministre de l'éducation nationale un rapport sur la thématique d'ensemble du harcèlement scolaire.

Puis nous devrons nous pencher sur la manière dont les représentants syndicaux perçoivent le harcèlement scolaire. Il s'agira alors, notamment sous forme de tables rondes pour fluidifier les échanges et confronter les points de vue, d'entendre les syndicats d'enseignants, mais aussi ceux des personnels de direction, sans oublier les trois principales associations de parents d'élèves.

Une fois ce premier et large tour d'horizon accompli, il me paraît judicieux d'entamer une série d'auditions des partenaires de la lutte contre le cyberharcèlement qui, de fait, ont à en connaître. Il importera alors, en fonction de nos disponibilités, d'être à l'écoute des autorités ad hoc de la police, de la gendarmerie et de la justice, des services déconcentrés de préfecture, sans oublier les intervenants sociaux et médico-sociaux en milieu scolaire ou les compagnies d'assurance scolaire, qui mettent en place des tutoriels pour venir en aide aux victimes.

À ce stade de nos réflexions, et compte tenu du libellé même de notre mission, il nous faudra bien évidemment entendre les représentants des réseaux sociaux, car ils ont une place et un rôle majeurs. Cela a été encore rappelé la semaine dernière à l'Assemblée nationale lors d'une question d'actualité adressée au ministre de l'éducation nationale : il faut mettre ces réseaux sociaux face à leur responsabilité, car leurs algorithmes propagent la violence. Ce sont bien les gestionnaires de ces réseaux qui doivent développer la protection de leurs utilisateurs, en particulier mineurs, en concertation avec les acteurs publics et associatifs. Aussi, je compléterais bien volontiers ce volet par l'audition d'associations lycéennes. Mais comme le temps risque de nous manquer, j'envisageais de les tenir, là aussi, au format d'auditions de rapporteur, auxquelles vous serez naturellement tous invités. Cela allégera notre calendrier de travail en session plénière, sans aucune déperdition d'information.

Pour clore ce programme copieux, vers le 7 ou le 8 juillet, il me semble indispensable que nous entendions les responsables ministériels. Plusieurs d'entre eux sont chargés du dossier : M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, naturellement, mais également Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté, ou M. Adrien Taquet secrétaire d'État en charge de l'enfance et des familles auprès du ministre des solidarités et de la santé. Cette audition ministérielle serait captée et diffusée.

Ce programme est ambitieux et copieux. Il saura aussi être évolutif et s'adapter si besoin, en fonction du déroulé de nos travaux, si une thématique nous paraissait devoir être approfondie. Mais j'attire votre attention sur le butoir temporel qui est le nôtre, compte tenu de la création tardive de cette mission.

Aussi, pour ces raisons de contrainte calendaire, et parce que cela risquerait de se prêter à des dérapages difficilement contrôlables, je n'envisage pas de consultation en ligne ou d'espace participatif, ni de recourir à des auditions excessivement médiatiques, comme celle de la jeune Mila. Au demeurant, celle-ci est mineure et son cas ne concerne pas formellement le cyberharcèlement scolaire - son audition risquerait de déchaîner inutilement trop de bashing et de polémiques inutiles. Il nous faut impérativement privilégier le travail de fond et l'écoute des acteurs au plus près du terrain, marque de fabrique du Sénat.

J'envisage donc dès la seconde quinzaine de juin, avant que les écoles, collèges et lycées ne ferment ou ne soient absorbés par les examens de fin d'année, deux déplacements sur le terrain. Ils devront nous permettre d'apprécier la portée et l'efficacité des actions opérationnelles conduites au quotidien. Outre le recteur et le référent harcèlement, nous irions ainsi à la rencontre des élèves dans les établissements et de leurs encadrants, en préservant naturellement l'anonymat des mineurs.

Nos travaux, vous l'avez bien compris, nous permettront d'établir des constats, de disposer de données aussi précises que possible, de dresser un bilan des politiques publiques, mais aussi, j'en suis certaine, de formuler des propositions consensuelles et concrètes.

Un travail passionnant nous attend donc, dont le rayonnement et la portée dépendront, outre notre indéniable savoir-faire, de notre capacité à faire savoir, à faire connaître nos préconisations auprès du plus grand nombre possible de publics divers. En plein accord avec la présidente, je veillerai donc à la lisibilité de nos travaux, à leur accessibilité au plus grand nombre et, en premier lieu, aux publics scolaires, en utilisant tous les moyens adéquats. Je pense à l'infographie ou à la réalisation de vidéos informatives et didactiques pour bien expliciter les conclusions de nos travaux.

Avant de vous laisser la parole, permettez-moi de terminer mon intervention en vous livrant deux informations pratiques pour la suite de nos travaux. Tout d'abord, avant chaque audition, le secrétariat de la mission veillera à vous fournir une documentation ad hoc sur les personnes entendues et leurs travaux les plus saillants, de sorte que vous puissiez la préparer au mieux. Je vous en remercie par avance et me réjouis pour notre travail commun à venir.

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