Intervention de Isabelle Sourbès-Verger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 juin 2021 à 10h05
Les enjeux stratégiques du spatial — Audition de Mme Isabelle Sourbès-verger chercheur au cnrs et de M. Xavier Pasco directeur de la fondation pour la recherche stratégique frs

Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS :

Sur la question des compétences croisées civiles et militaires en France, ce n'est pas un hasard si le commandement a été positionné à Toulouse, puisque le CNES y est déjà présent. La question de la constitution d'une réserve est intéressante, mais vous auditionnerez sans doute d'autres personnes plus compétentes que moi sur le sujet. Une montée en puissance est indispensable.

La terminologie de « Far West » convient bien à la situation américaine, avec l'idée de ce mythe américain transposé dans le domaine spatial. Néanmoins, le droit international, en dépit de ses lacunes, rend tous les Etats responsables des activités menées dans l'espace. Elon Musk ne fait, en ce sens, que ce que l'Etat américain l'autorise à faire, sans limite véritable en termes de droit international. L'autorisation par la Federal communications commission (FCC) américaine du développement des constellations oblige l'UIT à examiner si une constellation déjà autorisée peut poser un problème aux autres. Cela démontre la difficulté à réguler les lois nationales dans un cadre international. C'est la raison pour laquelle les Etats-Unis cherchent à signer des accords multilatéraux, notamment sur la mise en place d'une possible zone de sécurité sur la Lune, ce qui n'est pas sans poser la question de l'appropriation de l'espace. La Russie a d'ailleurs immédiatement opposé son veto à ce projet pour éviter que ce multilatéralisme ne devienne, par la coutume, une règle. Le traité de 1967 établit le principe de liberté dans l'espace, mais il faut déterminer jusqu'où on préserve cet usage de l'espace comme bien commun.

S'agissant des enjeux environnementaux, aujourd'hui, la question du coût carbone de l'activité spatiale reste peu posée, tout comme celle de ses impacts potentiellement négatifs sur l'atmosphère. On évoque l'espace comme un moyen de gérer l'environnement terrestre grâce à la maîtrise des données. Mais qu'en est-il de la durabilité des activités spatiales ? C'est une question pour l'avenir, dont les Européens pourraient se saisir, en identifiant des appuis sur ce sujet.

Quant à la souveraineté européenne, la vraie difficulté est de s'entendre sur un projet spatial commun. Les technologies spatiales restent, malgré tout, assez onéreuses. S'il y a déjà deux constellations américaines, quel peut être l'intérêt d'une constellation européenne ? Ce débat avait déjà été engagé pour la navigation. En réalité, les Européens avaient besoin de développer Galileo pour des raisons d'indépendance. La situation est peut-être identique pour les constellations, mais encore faut-il identifier une autre cible de marché si la question est posée en termes économiques.

Le Brexit peut poser des problèmes aux entreprises spatiales européennes qui intégraient un volet britannique. En outre, l'Agence spatiale britannique prend de l'ampleur et peut se poser comme concurrente.

Un accord politique doit en tout état de cause être trouvé au niveau européen. Sur de nombreux sujets, l'Europe peut avoir une voix et porter une politique spatiale, même si les instances actuelles ne s'y prêtent pas bien.

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