La proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, à la fois comme auteure et rapporteure, tient une place toute particulière dans mon coeur.
Elle constitue en effet une étape dans la réflexion et le combat que je mène depuis plusieurs années, non seulement pour promouvoir et protéger les bibliothèques, mais aussi et surtout pour faire évoluer notre regard sur ces établissements qui ne sont plus, depuis bien longtemps, ces bâtiments vieillots abritant des ouvrages poussiéreux et dont la seule utilité serait de permettre d'identifier un intellectuel qui, selon André Roussin, « est quelqu'un qui entre dans les bibliothèques publiques même quand il ne pleut pas »...
Non seulement les bibliothèques sont plus que cela, mais, oserais-je dire, elles l'ont toujours été : il suffisait d'ouvrir les yeux ! Ceux qui siégeaient déjà à la commission se rappelleront l'audition d'Erik Orsenna et Noël Corbin le 5 février 2020, sur leur rapport « Voyage au pays des bibliothèques », devenu depuis un livre. Ils avaient su nous faire partager, avec érudition et gourmandise, leur amour de ces « tiers lieux », selon leur heureuse formule. Ils avaient montré que les bibliothèques jouent désormais une multitude de rôles dans nos territoires, des rôles centrés sur le livre, certes, mais aussi des rôles d'accueil, de conseil, voire, pour reprendre l'expression malicieuse d'Erik Orsenna, de drague ou de rendez-vous !
Leur travail a ensuite été approfondi par notre commission : je songe à notre ancienne collègue rapporteure des crédits des industries culturelles, Françoise Laborde, et au rapport sur l'extension des horaires d'ouverture que Colette Mélot et moi-même avons présenté devant vous en juillet dernier.
J'inscris pleinement ce texte dans ce continuum d'écoute et de réflexion, que je poursuis ici au niveau national, en tant que parlementaire, comme au niveau local.
Cette proposition de loi suit trois axes : d'abord, la consécration législative de ces établissements, ensuite une affirmation des grands principes républicains, et enfin des dispositions destinées à renforcer le lien entre les bibliothèques et leurs territoires.
Une consécration législative d'abord : les bibliothèques ne représentent que cinq articles dans le code du patrimoine, sans même une définition de leur mission. Comparaison n'est pas raison, mais douze fois plus d'articles sont consacrés aux Archives... Il y a eu une loi sur les archives, les musées, mais jamais sur les bibliothèques.
Cela en dit long sur notre vision des bibliothèques : elles sont là, tout simplement, elles font partie du paysage de nos communes rurales, urbaines et périurbaines, alors pourquoi chercher à les définir ? Et pourtant, comme j'ai pu le constater maintes fois, ces lieux et les personnels qui les font vivre attendent de nous l'inscription dans la loi de ce qu'ils sont, de leurs missions, ils attendent tout simplement un cadre. C'est le premier objet de cette proposition de loi.
Ensuite, j'ai souhaité affirmer les grands principes qui doivent fonder l'action de ces établissements. Leur rappel me paraît d'autant plus nécessaire que les bibliothèques sont les lieux où se construisent l'esprit civique, la démocratie, l'esprit critique, ce qui nous fait citoyens.
L'article 1er fixe ainsi un cadre ambitieux pour les bibliothèques municipales, intercommunales et des départements. J'ai veillé à ce que l'aspect concret et descriptif des tâches des bibliothèques ne se fasse pas au détriment des grands principes, qui sont rappelés au même article : pluralisme des courants d'idées et d'opinion, égalité d'accès et neutralité du service public.
Ainsi les articles 2 et 3, consacrés aux bibliothèques municipales et intercommunales, sont des rappels des principes de liberté et de gratuité d'accès ; l'article 5 affirme que les collections des bibliothèques sont pluralistes et diversifiées.
Enfin, la proposition de loi comporte des dispositions plus concrètes, en particulier sur le lien entre les établissements et leurs territoires.
Ainsi, si je n'ai pas souhaité imposer aux assemblées délibérantes des collectivités la tenue d'un débat, l'article 7 encourage très vivement la présentation, que je souhaite au moins une fois par mandature, des orientations générales de la politique documentaire. Je vois cet exercice comme une occasion pour la collectivité d'exposer et d'assumer pleinement ses choix, et pour le personnel des établissements d'évoluer dans un cadre politiquement sécurisé. L'article 11 prévoit que les EPCI qui souhaiteraient se saisir de la compétence « lecture publique » mettent en place un schéma de développement dédié.
L'article 9 aborde le cas particulier des bibliothèques départementales. Malgré leur rôle dans la diffusion des ouvrages et des pratiques dans nos territoires, leurs missions n'étaient pas définies. Ce sera désormais chose faite.
L'article 10 élargit le bénéfice du concours particulier des bibliothèques à quelques établissements, notamment les syndicats de communes et des établissements comme la Cité internationale de la bande dessinée d'Angoulême, qui ne pouvaient recevoir de dotation générale de décentralisation (DGD) bibliothèque.
L'article 4 prévoit que le contenu des collections des bibliothèques est fixé par un décret en Conseil d'État, ce qui donne la souplesse nécessaire aux collections pour évoluer avec notre société.
J'ai cherché le texte le plus à même de nous rassembler autour de la fidélité aux grands principes républicains et à la libre administration des collectivités. Nous sommes tous attachés aux bibliothèques : c'est le premier équipement culturel de France, et leur rôle dans nos territoires est extrêmement important.