C'est toujours bien d'avoir de la contradiction dans un débat. J'ai déposé cette proposition de loi en lien avec celle portée par Anne-Laure Blin à l'Assemblée nationale.
Je viens d'une ville moyenne, Montauban, avec une université accueillant mille étudiants ; celle-ci ne dispose pas d'un restaurant universitaire. Dans le cadre d'une convention, le Crous accorde 3,30 euros par étudiant. Le conseil départemental finance, à hauteur de 150 000 euros, un repas par jour, et uniquement pour les étudiants de l'université. Ainsi, les étudiants de Montauban ont accès à un repas par jour, le midi, alors que ceux de Toulouse peuvent manger au Crous midi et soir.
La crise sanitaire a mis en lumière la problématique de l'alimentation chez les étudiants. On peut télé-travailler, mais il est difficile de télé-manger ; quand les étudiants étaient confinés chez eux, ils n'avaient pas toujours les moyens de s'alimenter. Je salue la volonté du Gouvernement de traiter la précarité alimentaire en ayant étendu la mesure du repas à un euro à tous les étudiants ; mais, quand les restaurants universitaires sont fermés, cette mesure ne sert pas à grand-chose.
La proposition de loi permet de couvrir les nombreuses « zones blanches » du territoire. Dans beaucoup de villes moyennes, il n'y a pas de restauration universitaire. Au niveau de l'accès à l'alimentation, tous les étudiants ne sont donc pas logés à la même enseigne.
J'ai reconnu, dans certains propos, l'influence de la tribune de l'Unef, que nous avons tous reçue. Naturellement, les syndicats étudiants ne sont pas tous favorables à cette proposition de loi. Je ne souhaite pas politiser ce débat ; ce texte a pour objectif de donner du pouvoir d'achat aux étudiants, et nous devons tous nous retrouver pour lutter contre la précarité étudiante.
J'ai entendu le chiffre de 3 milliards d'euros. On peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut ; pourquoi pas 4 ou 5 milliards d'euros ? L'idée est de territorialiser la mesure. Si l'on donnait 60 tickets restaurant par mois à chaque étudiant français, cela coûterait, en effet, 3,5 milliards d'euros ; mais ce n'est pas le but. Il s'agit de donner la possibilité de s'alimenter à ceux qui n'ont pas accès à un restaurant universitaire.
Je partage les propos de notre rapporteur sur la malbouffe. Si un étudiant veut manger un steak et des frites tous les jours, il peut le faire, personne n'est là pour le surveiller, ce serait une manière de l'infantiliser. Avec les applications numériques, il est facile aujourd'hui de limiter l'accès à certains commerces ou d'interdire l'achat d'alcool. Je rappelle que les tickets restaurant dans les entreprises permettent d'acheter des produits frais.
J'ai entendu également, dans le cadre des auditions, que payer dix tickets restaurant en une seule fois pouvait être excessif. On peut tout à fait envisager d'acheter ces tickets à l'unité. Quand les étudiants vont manger au restaurant universitaire, on ne se pose pas la question de savoir comment ils paient leur repas. Des dispositions existent aujourd'hui pour encadrer la distribution des tickets et faire en sorte que les étudiants ne s'alimentent pas tous les jours dans les fast-foods.
La proposition de loi ne vise à pas à interdire ou à exclure ; elle doit permettre aux étudiants de s'alimenter. Chacun a pu voir, ces derniers mois, les files interminables d'étudiants devant les banques alimentaires. Des étudiants de classe moyenne, non boursiers, connaissent aujourd'hui des difficultés pour se nourrir ; d'où l'idée initiale d'universalité du ticket restaurant étudiant, avec peut-être un tarif préférentiel à envisager pour les étudiants boursiers.
L'amendement du rapporteur répond bien aux critiques sur le risque de mise en concurrence de la restauration universitaire.