Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas commencer ce propos par un plaidoyer en faveur de nos collectivités, singulièrement de nos communes ? Avec l’agilité qu’on leur connaît, elles ont utilement accompagné l’État dans la gestion de cette crise sanitaire, lui permettant d’être au rendez-vous et à nos concitoyens de bénéficier d’un dispositif complet comprenant notamment, désormais, la vaccination à grande échelle.
Au moment où nous nous apprêtons à examiner le projet de loi 4D – nous le ferons ici même dans quelques semaines –, nous devons réaffirmer la confiance dans nos collectivités, en particulier dans nos communes. De Brest à Biarritz et de Strasbourg à Privas, aucune d’entre elles n’a échappé à l’exercice nécessaire, utile à l’ensemble de nos concitoyens, que j’évoquais à l’instant.
Si l’examen de ce projet de loi sera l’occasion de mettre l’accent sur les thèmes de la décentralisation et de la déconcentration, d’ores et déjà, l’État se doit d’être aux côtés de l’ensemble de nos collectivités ; et cela veut dire les accompagner financièrement. En prenant des décisions au plus haut sommet de l’État, le Gouvernement a invité nos collectivités, singulièrement – je le répète – nos communes, à engager des dépenses, même si nous n’en contestons pas le caractère nécessaire.
Je veux remercier notre collègue Jean-François Husson, ainsi que l’ensemble de notre groupe, d’avoir souhaité mettre cette discussion à l’ordre du jour de nos travaux. Ainsi la possibilité nous est-elle offerte de rappeler combien les collectivités ont su faire œuvre utile durant cette crise sanitaire.
Les chiffres sont là : un rapport émanant de l’Assemblée nationale évalue leurs pertes imputables à la crise à 4 milliards d’euros. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime quant à elle à 6 milliards d’euros les pertes brutes du bloc communal. En tout état de cause, ces chiffres nous montrent combien les collectivités ont besoin d’être assistées. Or, pour qu’elles puissent être réellement accompagnées par l’État, les coûts qu’elles supportent doivent faire l’objet d’une évaluation.
Ces pertes de 4 milliards d’euros – c’est considérable – se traduisent par une baisse de 9 % de l’autofinancement net du bloc communal et par une diminution de plus de 15 % de l’investissement, ce qui est inédit. Cela a des conséquences particulièrement préjudiciables : comme nous le savons tous, les collectivités participent pleinement au développement de notre économie locale par le biais de la commande publique. Pour être au rendez-vous, l’État doit donc mettre, si j’ose dire, la main à la poche.
Concernant la création et l’organisation des centres de vaccination ainsi que la livraison de matériels de soins – masques, blouses, tout ce qui a fait que nous avons pu lutter contre le virus et ses conséquences de la meilleure des façons –, les décisions prises ont dû l’être en urgence, et les collectivités ont dû faire preuve d’une réactivité absolue. J’en profite pour dire que certaines collectivités nous ont interpellés et continuent de nous interpeller, parce qu’elles n’ont toujours pas perçu la totalité des moyens qui leur avaient été promis au moment des premières annonces d’accompagnement financier de la part de l’État, s’agissant des masques notamment. Ces situations se font relativement rares, mais, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de nos collectivités – vous me permettrez d’être trivial – sont à l’os.
Dans mon département, une petite commune de 300 habitants – je sais que vous connaissez particulièrement bien la ruralité –, Le Béage, sur la montagne ardéchoise, a dû recruter un employé dont l’embauche va générer une augmentation de 12 000 euros de ses coûts de fonctionnement. L’État se doit d’accompagner les communes lorsqu’elles assument des coûts qui ne sont rien d’autre que la conséquence de la crise sanitaire que nous traversons.
D’autres dépenses que j’ai en vue sont de natures diverses. J’en citerai quelques-unes qui passent parfois assez inaperçues.
Je viens d’un département à vocation très touristique ; la disparition de nombreux emplois saisonniers et la baisse de certains revenus ont eu un impact considérable. Je pense notamment aux recettes de la taxe de séjour, qui ont baissé de 15 % dans un département comme le mien, aux recettes de billetterie des grands sites touristiques comme l’aven d’Orgnac ou l’espace de restitution de la grotte Chauvet, aux recettes perçues par les communes qui accueillent un casino, comme celle de ma collègue Anne Ventalon : à Vals-les-Bains, 3 500 habitants, 400 000 euros de recettes annuelles en moins – imaginez ! En pareil cas, comment un maire peut-il monter un budget sans avoir de lourdes difficultés à gérer ?
Vous mesurez bien, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de ce débat. Il ne s’agit pas de pointer quiconque du doigt : si l’État a demandé aux collectivités d’être en quelque sorte son bras armé dans la crise, c’est à juste titre. Mais, aujourd’hui, nous devons évaluer au mieux et de façon exhaustive l’ensemble des dépenses qu’elles prennent à leur charge : beaucoup de ces dépenses passent inaperçues, et il nous faut les lister afin que l’indemnisation se fasse au réel et non au forfait. Je citerai un exemple tiré de la communauté de communes de la Montagne d’Ardèche, qui compte 5 000 habitants : à lui seul, l’hébergement des personnes qui font fonctionner le centre de vaccination coûte quelque 20 000 euros.
Il y a là dans de tels exemples autant de sujets d’inquiétude, qui ne manqueront pas d’animer le débat. Mes collègues ici présents illustreront mon propos en présentant beaucoup d’autres cas ; ainsi pourrons-nous bien cibler les besoins et faire en sorte qu’un juste accompagnement financier soit alloué par l’État aux collectivités.
Je conclurai en évoquant un sujet qui me semble essentiel : l’État compte sur les collectivités, singulièrement sur les communes, dans la mise en œuvre de son plan de relance – je dis au passage que les départements et les régions ont eux aussi été particulièrement impactés. Pour ce qui est des communes et de la commande publique, il ne faudrait pas que le plan de relance soit mis à mal à cause d’un défaut d’accompagnement des collectivités, au-delà même des dotations. Je le dis d’ailleurs très clairement : l’État a fait en sorte que les pertes inhérentes à la crise soient prises en compte dans la détermination des montants de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Reste qu’il faut, dans certains cas, aller encore plus loin afin que l’ensemble des coûts induits par la crise soient vraiment pris en compte. C’est à cette condition seulement que les collectivités pourront être au rendez-vous de la relance dès cette année 2021, jouant le rôle d’aiguillons qui permettront à notre pays de se relever de cette période de crise.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur votre sagacité, sur votre pugnacité et sur votre détermination pour faire entendre la voix de nos communes et de nos collectivités. Nous ne voudrions pas qu’in fine les collectivités soient vaccinées des promesses de l’État !